Les mauvaises nouvelles s'accumulent pour la voiture électrique en Europe. Vraiment ?
Par Didier Pulicani - Publié le
Ventes en baisses, usines à l'arrêt, abandon de projets industriels... La semaine qui s'est écoulée a vu s'enchaîner plusieurs annonces pour le moins déroutantes quant à l'avenir des véhicules à batterie.
Model Y à l'arrêt
Signe qui ne trompe pas diront certains, la star planétaire -la bien nommée Tesla Model Y- a vu ses ventes s'effondrer pour la première fois cette année.
Le nombre d'unités produites sur le Vieux Continent reste honorable (67 975) mais c'est la première fois que le constructeur américain enregistre une baisse sur ce modèle (-17 % par rapport à 2023). Conséquence immédiate, l'usine de Berlin s'est mise à l'arrêt pour 5 jours durant le moins de juin.
Officiellement, Tesla évoque une
amélioration du processus de fabrication, un argument sans doute valable, mais qui tombe à point nommé.
Pourquoi une telle baisse des ventes ? D'une part, car la concurrence s'est étoffée, on l'a vu avec le Scenic électrique, le nouveau 3008, le Ford Explorer ou encore plus récemment avec des modèles comme le Cupra Tavascan dont les tarifs sont parfois plus intéressants et l'autonomie en nette hausse face à Tesla qui n'a pas sorti de grandes nouveautés ces dernières années.
Les clients historiques du constructeur attendent peut-être aussi le rafraichissement du Model Y comme cela avait été le cas pour la Model 3 l'an dernier, même si le constructeur a officiellement évoqué aucune nouveauté cette année sur le Y. Pour tenter d'inverser la tendance, Tesla a récemment lancé son Model Y Propulsion Grande Autonomie, un modèle inédit et qui vient remettre les pendules à l'heure face à la concurrence européenne, en proposant enfin une autonomie en nette hausse.
La Fiat 500 arrête aussi sa production
Autre star des véhicules électriques, rayon citadine cette fois, la Fiat 500 électrique accuse également une grosse baisse des ventes, de près de 50%.
Sanction immédiate dans l'usine italienne de Mirafiori, la petite voiture ne sera plus produite durant presque tout l'été. Si le mois d'août est généralement très calme dans les usines auto en Europe, ce congé forcé a été mis en place dès à présent pour la Fiat 500.
Mais cette baisse des ventes n'est-elle pas directement liée à des tarifs jugés excessifs par la clientèle ? En effet, Stellantis refuse pour le moment de baisser les prix de la 500, alors que la concurrence s'est largement étoffée et que la petite voiture n'est plus toute jeune. Son tarif démarre à € 30.400 (hors bonus), soit le prix d'un Duster tout équipé ou d'une MG4 autrement plus polyvalente. Avec 5000 à 6000€ de moins, sans doute que les ventes repartiraient à la hausse...
L'abandon de l'usine Mercedes + Stellantis
L'autre mauvaise nouvelle de la semaine, c'est évidemment l'arrêt de l'usine de batteries commune entre Mercedes et Stellantis.
Annoncé en 2021 et baptisée Automotive Cells Company (ACC), le projet avait levé 4 milliards d'euros avec une somme totale avoisinant les 7,6 milliards... La première usine a bien ouvert à Douvrin mais il ne devrait pas y en avoir d'autres pour l'instant, alors que d'autres sites auraient dû ouvrir en Italie et en Allemagne.
En cause, la trop faible demande en voiture électrique en Europe, si l'on en croit Yann Vincent à la tête d'ACC. La baisse globale serait de 14,8% entre 2023 et 2024, un chiffre assez délétère qui a apparemment refroidi les ardeurs des constructeurs européen.
Mais là encore, une partie de l'information est passée inaperçue : ACC souhaiterait apparemment se lancer dans les batteries LFP, moins chères, plus faciles à produire et plus adaptées au segment des petits véhicules électriques. Jusque là, le choix de cellules NMC, plus denses, mais aussi plus chères, était dicté par la nécessité de proposer de meilleures autonomies. Reculer pour mieux sauter n'est peut-être pas une si mauvaise idée dans un contexte économique compliqué.
L'image symbolique en Allemagne
L'information a fait le tour des médias à coup de gros titres :
100 000 voitures électriques stockées sur des parkings en Allemagne, en attente de clients !pouvait-on lire dans la presse généraliste.
Les images parlent d'elles-mêmes, on y voit des véhicules -pas seulement allemands d'ailleurs- entassés sur des lieux de stockage, un peu partout dans le pays : ports, usines, parking de concessions... Ces véhicules ne trouveraient pas preneur. La raison serait à expliquer du côté du bonus, supprimé par le gouvernement fin 2023 et qui a eu un effet délétère sur les ventes. De 18% en 2023, la part de marché des véhicules électriques est repassé autour de 12% en 2024, tandis que la France -qui a conservé le bonus- parvient à conserver une relative stabilité.
Là encore, lorsque les aides sont stoppé, le marché observe toujours un effet en dent de scie : les clients se précipitent pour acheter les véhicules avant la fin du bonus, ce qui génère un creux plus prononcé lors de l'arrêt effectif des aides, et c'est bien ce qui se produit ici. 12% sans bonus, ce n'est donc pas si mal, et l'on verra si la tendance reste (ou non) à la baisse ces 12 prochains mois, car les constructeurs n'auront d'autre choix que... de baisser les prix.
L'avis de Mac4Ever
On vous l'avait bien dit !
Aucun avenir pour la voiture électrique !,
Vous pouvez vous les garder vos voitures à piles !, ces phrases pullulent déjà abondamment sur les réseaux sociaux, et cette accumulations de mauvaises nouvelles autour des véhicules électriques auraient tendance à donner raison aux détracteurs de cette technologie.
Alors, réelle tendance de fond ou concomitance d'annonces ? Il est vrai que l'arrêt des aides, qui permettaient jusque là de compenser l'écart thermique/électrique, parait encore prématurée. Les véhicules fabriqués hors d'Europe ont tous vu leurs ventes s'effondrer cette année en France, MG en tête et les nouveaux venus (BYD, VinFast...) ont bien du mal à lutter sans baisse de prix drastiques.
Avec 12 à 18% de part de marché, l'électrique reste cependant une tendance de fond. En France, une voiture sur 5 vendue est 100% électrique en 2024 et ce chiffre devrait à nouveau progresser cette année, d'autant que les modèles vraiment populaires (Citroën ë-C3, Scenic, R5, 3008....) commencent tout juste à sortir des concessions, avec des prix qui se rapprochent enfin des versions thermiques. Le récent succès du leasing social prouve bien que le principal frein au développement des VE reste le tarif, plus que la technologie.
Par ailleurs, il sera peut-être temps que la presse généraliste débunke certaines idées reçues autour des VE, plutôt que d'entretenir de fausses informations. Récemment, les sorties de François-Xavier Piétri ou de François Lenglet, très écoutés sur les ondes, ont largement fait réagir les propriétaires... sans parler des reportages récurrents autour de l'autonomie prétendument insuffisante, de journalistes qui prennent un malin plaisir à choisir des véhicules citadins datés et sans charge rapide pour effectuer un Paris-Nice. Pourquoi jamais un reportage à bord d'une Tesla ou d'une voiture plus adaptée ? Pourquoi ne jamais évoquer les coûts largement inférieurs sur la durée d'un VE ? Pourquoi ne pas parler du recyclage des batteries, qui est déjà effectif chez de nombreux constructeurs ?
Enfin, du côté des constructeurs, le signal reste positif et d'aucun souhaite un retour en arrière. Carolos Tavares a récemment exhorté les politiques
d'arrêter de changer les règles ou de laisser penser que vous pourriez les changer, un petit tacle aux élus d'extrême droite notamment, qui ont récemment déclaré vouloir abroger la fin du thermique à l'échelle européenne. Luca De Meo a également déclaré au Figaro cette année qu'
On ne reviendra plus en arrière sur la bascule vers l’électrique [...]tout en confirmant que le marché aura
des hauts et des bas.