Apple Vision Pro : un bijou technologique et un échec ?
Par Nicolas Sabatier - Publié le
La réalité virtuelle est le futur, j’en suis persuadé. Du moins, c’est ce que je m’étais dit après avoir essayé pour la première fois un casque de réalité virtuel (VR). C’était en 1991 avec le jeu d’arcade Dactyl Nightmare. C'était au salon Imagina de Monaco où je pensais sincèrement avoir vu le futur, mon futur.
Le début des années 90 est le terreau fertile pour faire évoluer les pratiques de l’informatique grand public. Chaque année, de nouveaux produits apparaissent et nous font saliver. Nous sommes à quelques encablures de l’année 2000, soit la personnification même du futur. Ainsi, les premiers jeux vidéos en trois dimensions arrivent, comme Virtua Racing. Et ce, même dans nos maisons, grâce à des versions sur Mega Drive (grâce au processeur SVP intégré dans la cartouche). Le concurrent Nintendo n’est pas en reste avec Star Wing, ou Star Fox au Japon et aux USA, avec lui aussi son processeur intégré Super FX.
Des périphériques de toutes sortes sont annoncés. Parmi eux, le Sega Activator et le Sega VR. La réalité virtuelle est alors considérée comme le futur du jeu vidéo. Néanmoins, il est encore trop difficile et trop cher de développer un casque digne de ce nom. En attendant, Sega sort l’Activator afin d’ajouter un peu plus d’immersion à ses jeux. L’Activator est une sorte d'octogone plat que l’on pose au sol. Grâce à des capteurs infrarouges, le périphérique perçoit les mouvements de votre corps. En se positionnant au centre, le joueur peut alors mimer des mouvements qui seront retranscrits dans le jeu. Dans les faits, chaque segment de l’octogone est associé à un bouton. Il suffit de mettre le bras vers la droite pour avancer, vers la gauche pour reculer et en diagonal pour activer les boutons A, B, C et Start. Mais dans mon esprit de jeune joueur, l’Activator m’aurait permis d’être un expert en art martial (et me permettre d’acquérir un corps d’athlète) et cela rien qu’en jouant à Streets of Rage 2 et Street Fighter II’, deux de mes jeux favoris à l’époque (oui, j’étais un expert de la “street”).
Le Sega VR, comme son nom l’indique, était censé être le casque virtuel fait par Sega pour l’arcade, la Mega Drive puis la Saturn. Virtua Racing devait être le titre de lancement. Annoncé en 1991, le projet est finalement annulé. Sega ne se décourage pas et lance le Sega VR-1 en 1994 qui semble être le Sega VR mais refait pour des parcs d’attraction. En 1995, Nintendo lui aussi se lance dans la VR avec le Virtual Boy, malheureusement connu pour son échec retentissant et les maux de tête qu’il procurait.
Bref, tout cela pour dire que, dès le début des années 90, il était évident pour beaucoup que le futur du jeu vidéo, et de l’informatique, passerait par la réalité virtuelle. Même la culture populaire, comme le cinéma, s’empare du sujet. Nous pouvons citer, entre autres, les films Le Cobaye, Strange Days ou encore eXistenZ. Mais malheureusement, cela n’a pas duré longtemps. Pour le grand public, plus aucun produit associé à la VR ne sort. On passe les générations de console mais aucun casque n’est commercialisé. Même chose du côté des ordinateurs : l’arrivée des cartes graphiques 3D n’amènent pas de VR dans leurs valises. Dommage.
Il faudra attendre près de 20 ans pour qu’enfin, un nouveau casque grand public apparait. C’est l’Oculus Rift qui se lance via un Kickstarter en 2012. Tout le monde est emballé par ce projet d’un jeune inconnu. Parmi ceux intéressés, le patron de Facebook qui s’offre par la suite la jeune entreprise pour 2 milliards de dollars.
Nous entrons alors dans le nouvel âge d’or, ou peut-être le seul âge d’or, de la VR. Sony annonce le PS VR pour la PS4 (puis le PS VR2 pour la PS5), Samsung sort ses propres casques, Microsoft montre son Hololens et Google sa Google Glass. Suit le HTC Vive et d’autres. Même Nintendo s’y met avec un Nintendo Labo spécifiquement prévu pour la VR.
De nombreux jeux commencent à être compatibles et certains sont même développés uniquement pour les plateformes VR comme Beat Saber ou Half-Life: Alyx.
Cependant, malgré tous ces acteurs économiques et un relatif succès (Meta annonce en 2023 avoir vendu plus de 20 millions de Quest, toutes versions confondues), le grand public est peu au courant de la VR. Cela reste malgré tout un marché de niche. J’en veux pour preuve le sim-racing (jeux de simulation de course automobile) : on pourrait croire qu’un casque virtuel serait parfait pour ce hobby spécifique dont le matériel est assez onéreux. Or, malgré des débuts prometteurs, les joueurs de sim-racing ont tous rapidement abandonné leurs casques VR pour leur préférer soit un système de triple écran, soit un écran extra large incurvé comme le Samsung Odyssey G9. Pourquoi ? Même si l’immersion et la vision 3D sont inégalables, l’utilisation d’un casque VR pour de longues sessions reste difficile avec un effet d’assèchement des yeux, de transpiration au niveau du visage et un inconfort général, notamment à cause du poids.
C’est dans ce contexte qu’arrive l’Apple Vision Pro. Étant un amoureux de la première heure de la VR, j’étais très curieux de pouvoir tester le fameux casque fait par Apple. C’est ce que j’ai pu faire à l’Apple Store. Il suffit de prendre rendez-vous et vous aurez une démonstration de 30 minutes qui vous permettra de vous faire une idée sur la machine.
Je ne vais pas rentrer dans les détails, étant donné que cela a été déjà fait brillamment. Cependant, je tiens à dire qu’on arrive à un niveau de détails très impressionnant. Si l’on regarde devant soi, il est très difficile de se rendre compte que l’on regarde à travers un écran. Par contre, il reste un peu l’effet masque de ski, c'est-à-dire que l’on voit encore en périphérie les limites du casque.
L’effet est tellement saisissant que, lorsqu’une image panoramique prise en Islande a été affichée devant mes yeux, j’ai eu des frissons, comme si j’avais froid (alors que j’ai testé l’Apple Vision en plein mois de juillet à l’Apple Store de Montpellier…). De même, j’ai eu des effets de vertige quand je voyais une personne marcher sur un fil entre deux montagnes ou quand j’étais sur les toits de Paris avec des personnes y faisant du “Parkour”.
Dans une vidéo, quand une personne souffle des bougies en face de moi, l’effet de fumée en 3D était si convaincant que mon cerveau s’attendait à avoir les yeux qui piquent et à sentir la fumée. Il y a des choses comme cela qui sont tellement instinctives que l’on réagit malgré soi.
Ainsi, techniquement, il n’y a pas grand-chose à dire : cela fonctionne très bien. L’écran est excellent sans effet de grille. Les capteurs permettent bien d’interpréter les mouvements des mains, des doigts et des yeux. Une fois que l’on a intégré que notre regard est le pointeur, il est facile de naviguer dans l’interface.
Cependant, ce n’est pas le matériel, ni même le logiciel, qui pose problème. Le plus gros obstacle à l’acquisition de l’Apple Vision Pro est évidemment son prix. La démonstration de 30 minutes nous laisse avec de beaux souvenirs. Seulement, aussi bon qu’est le casque, rien ne justifie un prix de près de 4000€. Je ne dis pas que le casque ne vaut pas ce prix : la qualité des écrans, les matériaux nobles utilisés (verre et métal, presque pas de plastique), la qualité globale, le nombre et la complexité des capteurs valent certainement ce prix exorbitant. Néanmoins, rien ne peut justifier une dépense si somptuaire. D’autant moins quand on se rend compte qu’Apple fournit peu de contenu depuis la sortie du casque. C’est quelque chose que j’ai du mal à comprendre. Apple aurait dû avoir une feuille de route avec une sortie régulière de contenu, par exemple chaque semaine une petite vidéo de cinq minutes. C’est d’autant plus incompréhensible qu’avec Apple TV+, l’entreprise a du contenu intéressant et qu’elle pourrait facilement créer des vidéos 3D utilisant leurs séries phares comme Foundation, Silo, Ted Lasso, For All Mankind, Severance et j’en passe. Ce serait sympa de pouvoir “visiter” les différents vaisseaux de For All Mankind ou les décors de Silo.
Ajoutez à cela qu’au final, peu d’applications natives sont présentes. Mis à part celles proposées par Apple, la plupart des applications disponibles sont justes des applications iPad. Les gros développeurs ont boudé la plateforme : par exemple, pas d’application Netflix ni Youtube. Vous pouvez tout de même utiliser ces services mais en vous passant de l’application : vous êtes obligés d'utiliser le navigateur Safari. En soi, ce n’est pas grave mais cela en dit long des relations difficiles entre Apple et les développeurs. Il en va de même pour les développeurs indépendants : peu se sont rués sur l’App Store de l’Apple Vision Pro. Et ce ne sont pas les récentes déclarations de la direction d’Apple concernant le DMA qui vont améliorer les choses. Le résultat est l’absence de “killer app”, c'est-à-dire d’une application que l’on ne trouve nulle part ailleurs et qui vous pousserait à acheter l’Apple Vision Pro.
Cependant, je vous conseille vivement de vous inscrire, si vous en avez la possibilité, pour essayer l’Apple Vision Pro. Cette expérience m’est restée dans l’esprit pendant longtemps, comme un bon parc d’attraction. Néanmoins, le prix empêche ce produit de trouver un public et ainsi de pérenniser sa plateforme : pas de ventes, pas de marché pour des développeurs, pas de contenu donc pas de ventes.
À la fin de la démonstration, le vendeur m’a demandé si je voulais commander le casque. Je lui ai répondu qu’à ce prix, c’est impossible. Quel serait alors le prix qui me ferait craquer ? Et je pense qu’une expérience semblable, avec plus de contenu, pour 1000€, je me laisserais tenter, mais pas plus.
À quoi pourrait ressembler une version plus abordable de l’Apple Vision Pro ? Pour faire baisser le prix, il faut revoir intégralement le design pour simplifier la construction et utiliser des matériaux moins chers. Certains disent que le matériel seul coûte aux alentours de 1500$. Ainsi, pour faire baisser l’addition, le plastique pourrait remplacer une grande partie des éléments en métal du casque, le rendant aussi beaucoup plus léger et plus équilibré. De même, la partie transparente devant l’écran extérieur, qui est en verre, pourra être remplacée par du plastique, là aussi ce sera plus économique, plus facile à assembler et beaucoup plus léger. Parlons d’ailleurs de l’écran extérieur, aussi appelé EyeSight.
Quand vous utilisez le casque en mode réalité augmentée, celui-ci affiche au monde une image qui est censée représenter votre regard reconstitué. En effet, tout est factice : impossible de filmer votre regard qui est totalement comprimé contre le casque. Le rendu laisse à désirer : il est dans la pratique difficile de voir ce qui est affiché. De plus, le matériel nécessaire pour faire ce tour de passe-passe est très onéreux. Le célèbre site iFixit, qui a démonté le casque, le prouve : non seulement il faut un écran OLED mais il faut en plus ajouter une couche lenticulaire qui permet un rendu sur plusieurs angles. Évidemment qu’en l’éliminant, cela limitera la complexité du casque ainsi que son prix.
L’Apple Vision Pro possède aussi deux écrans 4K, directement en face des yeux de l’utilisateur, qui sont très chers : plus de 200$ l’écran, produit uniquement par Sony. Si Apple pouvait trouver d’autres fournisseurs (comme Samsung ou LG) et utiliser des écrans moins complexes et avec une résolution moindre, là aussi cela permettrait de faire baisser substantiellement la facture. Apple a d’ailleurs l’habitude d’utiliser des écrans de qualités différentes en fonction de ses produits. Les MacBook Pro ont de bien meilleurs écrans que les MacBook Air par exemple, et la sortie récente du nouvel iPad Pro le démontre également avec son sublime écran OLED de bien meilleure qualité que les écrans des autres iPad.
Un moyen assez simple de baisser le prix serait d’abandonner la réalité augmentée. En effet, afin d’en profiter, il faut des caméras et des capteurs (comme un LiDAR) tournés vers l’extérieur. S’en débarrasser permettrait de faire baisser le prix drastiquement et de différencier les deux produits.
Autre changement qui ferait beaucoup économiser : faire en sorte que l’Apple Vision ne soit pas indépendant. Comme beaucoup de casques pour les ordinateurs tournant sous Windows, le casque low-cost pourrait être utilisable uniquement connecté à un Mac, un iPad ou un iPhone. Ainsi, pas besoin de batterie et de gros processeur, permettant de faire de vraies économies. De plus, dans les faits, cela ne changerait pas grand-chose car l’Apple Vision Pro est aujourd’hui connecté à une batterie externe en permanence. Ainsi, le nouveau casque pourrait être connecté à votre iPhone à l’aide d’un câble USB-C. Évidemment, il se pose la question de la durée d’utilisation à cause de la batterie limitée d’un iPhone, ainsi que la chaleur générée par le smartphone en pleine utilisation.
Toujours est-il que tout cela m'a donné envie de me mettre à la VR. J'ai une vraie aversion pour Facebook (pardon, Meta) donc impossible pour moi d'acheter un de leurs casques. Cependant, un casque comme le Pico 4 pourrait m'intéresser à l'avenir.
Dans les années 90, il n'y a pas que le grunge dans la vie, il y a aussi la VR
Le début des années 90 est le terreau fertile pour faire évoluer les pratiques de l’informatique grand public. Chaque année, de nouveaux produits apparaissent et nous font saliver. Nous sommes à quelques encablures de l’année 2000, soit la personnification même du futur. Ainsi, les premiers jeux vidéos en trois dimensions arrivent, comme Virtua Racing. Et ce, même dans nos maisons, grâce à des versions sur Mega Drive (grâce au processeur SVP intégré dans la cartouche). Le concurrent Nintendo n’est pas en reste avec Star Wing, ou Star Fox au Japon et aux USA, avec lui aussi son processeur intégré Super FX.
Des périphériques de toutes sortes sont annoncés. Parmi eux, le Sega Activator et le Sega VR. La réalité virtuelle est alors considérée comme le futur du jeu vidéo. Néanmoins, il est encore trop difficile et trop cher de développer un casque digne de ce nom. En attendant, Sega sort l’Activator afin d’ajouter un peu plus d’immersion à ses jeux. L’Activator est une sorte d'octogone plat que l’on pose au sol. Grâce à des capteurs infrarouges, le périphérique perçoit les mouvements de votre corps. En se positionnant au centre, le joueur peut alors mimer des mouvements qui seront retranscrits dans le jeu. Dans les faits, chaque segment de l’octogone est associé à un bouton. Il suffit de mettre le bras vers la droite pour avancer, vers la gauche pour reculer et en diagonal pour activer les boutons A, B, C et Start. Mais dans mon esprit de jeune joueur, l’Activator m’aurait permis d’être un expert en art martial (et me permettre d’acquérir un corps d’athlète) et cela rien qu’en jouant à Streets of Rage 2 et Street Fighter II’, deux de mes jeux favoris à l’époque (oui, j’étais un expert de la “street”).
Le Sega VR, comme son nom l’indique, était censé être le casque virtuel fait par Sega pour l’arcade, la Mega Drive puis la Saturn. Virtua Racing devait être le titre de lancement. Annoncé en 1991, le projet est finalement annulé. Sega ne se décourage pas et lance le Sega VR-1 en 1994 qui semble être le Sega VR mais refait pour des parcs d’attraction. En 1995, Nintendo lui aussi se lance dans la VR avec le Virtual Boy, malheureusement connu pour son échec retentissant et les maux de tête qu’il procurait.
Bref, tout cela pour dire que, dès le début des années 90, il était évident pour beaucoup que le futur du jeu vidéo, et de l’informatique, passerait par la réalité virtuelle. Même la culture populaire, comme le cinéma, s’empare du sujet. Nous pouvons citer, entre autres, les films Le Cobaye, Strange Days ou encore eXistenZ. Mais malheureusement, cela n’a pas duré longtemps. Pour le grand public, plus aucun produit associé à la VR ne sort. On passe les générations de console mais aucun casque n’est commercialisé. Même chose du côté des ordinateurs : l’arrivée des cartes graphiques 3D n’amènent pas de VR dans leurs valises. Dommage.
Oculus Rift : la renaissance de la VR
Il faudra attendre près de 20 ans pour qu’enfin, un nouveau casque grand public apparait. C’est l’Oculus Rift qui se lance via un Kickstarter en 2012. Tout le monde est emballé par ce projet d’un jeune inconnu. Parmi ceux intéressés, le patron de Facebook qui s’offre par la suite la jeune entreprise pour 2 milliards de dollars.
Nous entrons alors dans le nouvel âge d’or, ou peut-être le seul âge d’or, de la VR. Sony annonce le PS VR pour la PS4 (puis le PS VR2 pour la PS5), Samsung sort ses propres casques, Microsoft montre son Hololens et Google sa Google Glass. Suit le HTC Vive et d’autres. Même Nintendo s’y met avec un Nintendo Labo spécifiquement prévu pour la VR.
De nombreux jeux commencent à être compatibles et certains sont même développés uniquement pour les plateformes VR comme Beat Saber ou Half-Life: Alyx.
Cependant, malgré tous ces acteurs économiques et un relatif succès (Meta annonce en 2023 avoir vendu plus de 20 millions de Quest, toutes versions confondues), le grand public est peu au courant de la VR. Cela reste malgré tout un marché de niche. J’en veux pour preuve le sim-racing (jeux de simulation de course automobile) : on pourrait croire qu’un casque virtuel serait parfait pour ce hobby spécifique dont le matériel est assez onéreux. Or, malgré des débuts prometteurs, les joueurs de sim-racing ont tous rapidement abandonné leurs casques VR pour leur préférer soit un système de triple écran, soit un écran extra large incurvé comme le Samsung Odyssey G9. Pourquoi ? Même si l’immersion et la vision 3D sont inégalables, l’utilisation d’un casque VR pour de longues sessions reste difficile avec un effet d’assèchement des yeux, de transpiration au niveau du visage et un inconfort général, notamment à cause du poids.
Apple Vision Pro
C’est dans ce contexte qu’arrive l’Apple Vision Pro. Étant un amoureux de la première heure de la VR, j’étais très curieux de pouvoir tester le fameux casque fait par Apple. C’est ce que j’ai pu faire à l’Apple Store. Il suffit de prendre rendez-vous et vous aurez une démonstration de 30 minutes qui vous permettra de vous faire une idée sur la machine.
Je ne vais pas rentrer dans les détails, étant donné que cela a été déjà fait brillamment. Cependant, je tiens à dire qu’on arrive à un niveau de détails très impressionnant. Si l’on regarde devant soi, il est très difficile de se rendre compte que l’on regarde à travers un écran. Par contre, il reste un peu l’effet masque de ski, c'est-à-dire que l’on voit encore en périphérie les limites du casque.
L’effet est tellement saisissant que, lorsqu’une image panoramique prise en Islande a été affichée devant mes yeux, j’ai eu des frissons, comme si j’avais froid (alors que j’ai testé l’Apple Vision en plein mois de juillet à l’Apple Store de Montpellier…). De même, j’ai eu des effets de vertige quand je voyais une personne marcher sur un fil entre deux montagnes ou quand j’étais sur les toits de Paris avec des personnes y faisant du “Parkour”.
Dans une vidéo, quand une personne souffle des bougies en face de moi, l’effet de fumée en 3D était si convaincant que mon cerveau s’attendait à avoir les yeux qui piquent et à sentir la fumée. Il y a des choses comme cela qui sont tellement instinctives que l’on réagit malgré soi.
Ainsi, techniquement, il n’y a pas grand-chose à dire : cela fonctionne très bien. L’écran est excellent sans effet de grille. Les capteurs permettent bien d’interpréter les mouvements des mains, des doigts et des yeux. Une fois que l’on a intégré que notre regard est le pointeur, il est facile de naviguer dans l’interface.
Cependant, ce n’est pas le matériel, ni même le logiciel, qui pose problème. Le plus gros obstacle à l’acquisition de l’Apple Vision Pro est évidemment son prix. La démonstration de 30 minutes nous laisse avec de beaux souvenirs. Seulement, aussi bon qu’est le casque, rien ne justifie un prix de près de 4000€. Je ne dis pas que le casque ne vaut pas ce prix : la qualité des écrans, les matériaux nobles utilisés (verre et métal, presque pas de plastique), la qualité globale, le nombre et la complexité des capteurs valent certainement ce prix exorbitant. Néanmoins, rien ne peut justifier une dépense si somptuaire. D’autant moins quand on se rend compte qu’Apple fournit peu de contenu depuis la sortie du casque. C’est quelque chose que j’ai du mal à comprendre. Apple aurait dû avoir une feuille de route avec une sortie régulière de contenu, par exemple chaque semaine une petite vidéo de cinq minutes. C’est d’autant plus incompréhensible qu’avec Apple TV+, l’entreprise a du contenu intéressant et qu’elle pourrait facilement créer des vidéos 3D utilisant leurs séries phares comme Foundation, Silo, Ted Lasso, For All Mankind, Severance et j’en passe. Ce serait sympa de pouvoir “visiter” les différents vaisseaux de For All Mankind ou les décors de Silo.
Ajoutez à cela qu’au final, peu d’applications natives sont présentes. Mis à part celles proposées par Apple, la plupart des applications disponibles sont justes des applications iPad. Les gros développeurs ont boudé la plateforme : par exemple, pas d’application Netflix ni Youtube. Vous pouvez tout de même utiliser ces services mais en vous passant de l’application : vous êtes obligés d'utiliser le navigateur Safari. En soi, ce n’est pas grave mais cela en dit long des relations difficiles entre Apple et les développeurs. Il en va de même pour les développeurs indépendants : peu se sont rués sur l’App Store de l’Apple Vision Pro. Et ce ne sont pas les récentes déclarations de la direction d’Apple concernant le DMA qui vont améliorer les choses. Le résultat est l’absence de “killer app”, c'est-à-dire d’une application que l’on ne trouve nulle part ailleurs et qui vous pousserait à acheter l’Apple Vision Pro.
Cependant, je vous conseille vivement de vous inscrire, si vous en avez la possibilité, pour essayer l’Apple Vision Pro. Cette expérience m’est restée dans l’esprit pendant longtemps, comme un bon parc d’attraction. Néanmoins, le prix empêche ce produit de trouver un public et ainsi de pérenniser sa plateforme : pas de ventes, pas de marché pour des développeurs, pas de contenu donc pas de ventes.
À la fin de la démonstration, le vendeur m’a demandé si je voulais commander le casque. Je lui ai répondu qu’à ce prix, c’est impossible. Quel serait alors le prix qui me ferait craquer ? Et je pense qu’une expérience semblable, avec plus de contenu, pour 1000€, je me laisserais tenter, mais pas plus.
Apple Vision pas Pro
À quoi pourrait ressembler une version plus abordable de l’Apple Vision Pro ? Pour faire baisser le prix, il faut revoir intégralement le design pour simplifier la construction et utiliser des matériaux moins chers. Certains disent que le matériel seul coûte aux alentours de 1500$. Ainsi, pour faire baisser l’addition, le plastique pourrait remplacer une grande partie des éléments en métal du casque, le rendant aussi beaucoup plus léger et plus équilibré. De même, la partie transparente devant l’écran extérieur, qui est en verre, pourra être remplacée par du plastique, là aussi ce sera plus économique, plus facile à assembler et beaucoup plus léger. Parlons d’ailleurs de l’écran extérieur, aussi appelé EyeSight.
Quand vous utilisez le casque en mode réalité augmentée, celui-ci affiche au monde une image qui est censée représenter votre regard reconstitué. En effet, tout est factice : impossible de filmer votre regard qui est totalement comprimé contre le casque. Le rendu laisse à désirer : il est dans la pratique difficile de voir ce qui est affiché. De plus, le matériel nécessaire pour faire ce tour de passe-passe est très onéreux. Le célèbre site iFixit, qui a démonté le casque, le prouve : non seulement il faut un écran OLED mais il faut en plus ajouter une couche lenticulaire qui permet un rendu sur plusieurs angles. Évidemment qu’en l’éliminant, cela limitera la complexité du casque ainsi que son prix.
L’Apple Vision Pro possède aussi deux écrans 4K, directement en face des yeux de l’utilisateur, qui sont très chers : plus de 200$ l’écran, produit uniquement par Sony. Si Apple pouvait trouver d’autres fournisseurs (comme Samsung ou LG) et utiliser des écrans moins complexes et avec une résolution moindre, là aussi cela permettrait de faire baisser substantiellement la facture. Apple a d’ailleurs l’habitude d’utiliser des écrans de qualités différentes en fonction de ses produits. Les MacBook Pro ont de bien meilleurs écrans que les MacBook Air par exemple, et la sortie récente du nouvel iPad Pro le démontre également avec son sublime écran OLED de bien meilleure qualité que les écrans des autres iPad.
Un moyen assez simple de baisser le prix serait d’abandonner la réalité augmentée. En effet, afin d’en profiter, il faut des caméras et des capteurs (comme un LiDAR) tournés vers l’extérieur. S’en débarrasser permettrait de faire baisser le prix drastiquement et de différencier les deux produits.
Autre changement qui ferait beaucoup économiser : faire en sorte que l’Apple Vision ne soit pas indépendant. Comme beaucoup de casques pour les ordinateurs tournant sous Windows, le casque low-cost pourrait être utilisable uniquement connecté à un Mac, un iPad ou un iPhone. Ainsi, pas besoin de batterie et de gros processeur, permettant de faire de vraies économies. De plus, dans les faits, cela ne changerait pas grand-chose car l’Apple Vision Pro est aujourd’hui connecté à une batterie externe en permanence. Ainsi, le nouveau casque pourrait être connecté à votre iPhone à l’aide d’un câble USB-C. Évidemment, il se pose la question de la durée d’utilisation à cause de la batterie limitée d’un iPhone, ainsi que la chaleur générée par le smartphone en pleine utilisation.
Toujours est-il que tout cela m'a donné envie de me mettre à la VR. J'ai une vraie aversion pour Facebook (pardon, Meta) donc impossible pour moi d'acheter un de leurs casques. Cependant, un casque comme le Pico 4 pourrait m'intéresser à l'avenir.