Mon coup de gueule de l'année : pour ou contre ? Le droit à la critique... mesurée ! (Didier)
Par Didier Pulicani - Publié le
Après un coup de coeur très satellisé, il est temps de grogner un peu ! Olivier Frigara me surnomme souvent le
Mon coup de gueule de l'année n'est pas un produit, mais plutôt une revendication, celle du droit à la critique... mesurée. Dans une société toujours plus polarisée, la nuance devient l'exception, alors même que c'est elle qui permet (en théorie) la tenue du débat.
Pour bien comprendre de quoi il est question, il faut sans doute revenir aux débuts de l'informatique moderne. A la genèse de Mac4Ever (dans les années 90), il régnait alors une petite gué-guerre que les plus jeunes ne connaissent pas toujours : le Mac contre le PC. Cette différence de philosophie nous avait d'ailleurs amené à créer ce site de
A l'époque, Windows, Intel et Microsoft dominaient honteusement le marché des ordinateurs, au point qu'avoir un Mac était vécu comme une forme de rébellion (tandis qu'aujourd'hui, il s'agit plutôt d'un marqueur social). A l'école, il fallait de sacrées
Il y a toujours eu des
Sur certains sujets (religion, géopolitique, science...), cette façon de s'écharper prend des allures de bataille non-rangée. Il n'y a plus de débat, c'est à qui aura le dernier mot et sortira la phrase la plus piquante, jusqu'au point Godwin, ou mieux, au blocage pur et simple de ses interlocuteurs, incapables de se contrôler. Vous cherchez la nuance ? C'est pourtant la grande absente de tous ces débats. Soit vous êtes un pro, soit un anti, choisissez votre camp.
S'il y a toujours eu des journaux d'opinion (politique), la presse Tech ne fait pas exception.
Dans les années 90, les magazines et les sites généralistes étaient par exemple ouvertement
Les réseaux sociaux (et le SEO) appellent les journalistes à se positionner désormais de façon plus marquée : si vous suivez certaines personnalités sur Twitter, c'est la course à la petite phrase (oui, j'y participe ponctuellement aussi), il faut absolument avoir un avis. Cela se retrouve aussi dans les articles, où vous devez trouver un angle bien tranché, quitte à titrer de façon exagérées -le fameux
Choquer est devenu la norme, les gens râlent, mais ils adorent les articles clivants à l'excès. Parfois, il y a davantage de commentaires sur le titre que de personnes qui ont vraiment lu le billet !
Dans un monde aussi polarisé, tester ou présenter un produit revient souvent à devoir se positionner : faut-il acheter cet iPhone ? Cette voiture a-t-elle assez d'autonomie ? Ce Mac est-il aussi rapide qu'Apple le dit ?
L'exercice n'est pas toujours facile, car chaque individu a ses propres sensibilités et ses critères d'objectivité. La presse a toujours tenté d'être la plus argumentée et neutre possible, distribuant les bons et les mauvais points. Lorsqu'on note l'iMac M3 6/10 ou qu'on claque un petit 3/10 à l'Apple Pencil USB C, on argumente et le lecteur sait à quoi s'attendre. Cela va impacter sa décision d'achat, c'est normal, on lit aussi la presse pour essayer de dépenser son argent correctement.
La mise en perspective est aussi intéressante : comparer objectivement les derniers Mac M3 à des portables Razer Blade, l'iPhone 15 Pro au dernier Samsung Galaxy S23 Ultra ou l'Apple Watch Ultra à la Garmin Expix 2 prend tout son sens pour le lectorat. Vous l'avez vu, on a beau s'appeler
Mais du côté des marques, cette notion de critique, même
En pratique, cela donne aussi des situations assez cocasses, comme des tests
Du côté du lectorat, surtout chez les plus jeunes, on s'habituent même à cette façon de présenter des produits : être systématiquement enjoué à la sortie d'un jeu, d'un film, d'un iPhone, d'un Mac ou même d'une voiture fait passer la presse plus traditionnelle pour les aigris de service... alors qu'ils ne font finalement que leur boulot. Au moment de l'achat, ne pas savoir que 8Go de RAM, c'est vraiment pas terrible pour bosser ou que le port USB C de l'iPhone 15 est plus lent que celui d'un iMac d'il y a 10 ans, cela nous parait pourtant utile et pertinent. Cela ne nous empêche pas de noter l'iPhone 15 par un très rare 10/10 ou d'attribuer un exceptionnel 10/10 à la Tesla Model Y. Pourtant, cela fait presque 2 ans qu'aucune de ces deux marques ne nous a prêté de produits... Qui aime bien châtie bien, avait-on l'habitude de dire, mais cette phrase semble désormais d'un autre âge.
Jean-Pierre Coffe de la Techcar je n'ai pas peur de dire ce que je pense sur un produit ou une marque, mais toujours avec de solides arguments bien-sûr !
Mon coup de gueule de l'année n'est pas un produit, mais plutôt une revendication, celle du droit à la critique... mesurée. Dans une société toujours plus polarisée, la nuance devient l'exception, alors même que c'est elle qui permet (en théorie) la tenue du débat.
Les "anti" et les "pro"
Pour bien comprendre de quoi il est question, il faut sans doute revenir aux débuts de l'informatique moderne. A la genèse de Mac4Ever (dans les années 90), il régnait alors une petite gué-guerre que les plus jeunes ne connaissent pas toujours : le Mac contre le PC. Cette différence de philosophie nous avait d'ailleurs amené à créer ce site de
rebelles, histoire de porter la voix de ceux qui appréciaient Apple et l'idée d'une informatique plus simple, un concept alors peu commun -pour rappel, à cette période, la firme de Steve Jobs était pratiquement en train de couler.
A l'époque, Windows, Intel et Microsoft dominaient honteusement le marché des ordinateurs, au point qu'avoir un Mac était vécu comme une forme de rébellion (tandis qu'aujourd'hui, il s'agit plutôt d'un marqueur social). A l'école, il fallait de sacrées
cojonespour affirmer qu'on préférait le Mac au PC. En coulisses, on s'affichait fièrement derrière Steve Jobs, établi comme guide spirituel, avec dans sa chambre, le poster de son fameux doigt d'honneur devant IBM (tandis que Bill Gates était vilipendé tel l'incarnation du mal) :
Imaginez Tim Cook faire cela aujourd'hui ! Impensable !
Il y a toujours eu des
proset des
anti, mais aujourd'hui, ces positions sont largement exacerbée par les réseaux sociaux : dans les commentaires, il est important de se positionner, il faut affirmer son point de vue, sa marque préférée ou sa star favorite. C'est assez
rigoloà suivre, surtout dans les groupes Facebook où les
fanboyssont légion. Un peu moins dans les commentaires de certains articles, où tu as du mal à séparer les deux camps, dont les positions sont résolument opposées.
Sur certains sujets (religion, géopolitique, science...), cette façon de s'écharper prend des allures de bataille non-rangée. Il n'y a plus de débat, c'est à qui aura le dernier mot et sortira la phrase la plus piquante, jusqu'au point Godwin, ou mieux, au blocage pur et simple de ses interlocuteurs, incapables de se contrôler. Vous cherchez la nuance ? C'est pourtant la grande absente de tous ces débats. Soit vous êtes un pro, soit un anti, choisissez votre camp.
Le journaliste appelé à se positionner
S'il y a toujours eu des journaux d'opinion (politique), la presse Tech ne fait pas exception.
Dans les années 90, les magazines et les sites généralistes étaient par exemple ouvertement
anti-Mac. Parler d'Apple fut souvent prétexte à déferler quantité de critiques faciles (trop propriétaires, trop chère, pas assez de logiciels...), alors qu'aujourd'hui, aucun de ceux qui ont survécu n'oserait manquer de publier un test d'iPhone ! On retrouve de nos jours ce type de positionnement chez nos confrères de la presse auto vis à vis de Tesla ou de la voiture électrique, même si beaucoup finissent par manger leur chapeau, faute d'avoir été suffisamment visionnaire.
Cyril Drevet, l'un des rares journalistes à oser défendre Tesla à ses débuts...
Les réseaux sociaux (et le SEO) appellent les journalistes à se positionner désormais de façon plus marquée : si vous suivez certaines personnalités sur Twitter, c'est la course à la petite phrase (oui, j'y participe ponctuellement aussi), il faut absolument avoir un avis. Cela se retrouve aussi dans les articles, où vous devez trouver un angle bien tranché, quitte à titrer de façon exagérées -le fameux
putaclicqu'on dénonce allègrement, mais qu'on va lire malgré tout.
Choquer est devenu la norme, les gens râlent, mais ils adorent les articles clivants à l'excès. Parfois, il y a davantage de commentaires sur le titre que de personnes qui ont vraiment lu le billet !
Critiquer un produit ? Quoi de plus anormal !
Dans un monde aussi polarisé, tester ou présenter un produit revient souvent à devoir se positionner : faut-il acheter cet iPhone ? Cette voiture a-t-elle assez d'autonomie ? Ce Mac est-il aussi rapide qu'Apple le dit ?
Joanna Stern (Wall Street Journal), l'une des rares journalistes "Tech" invité par Apple et qui ose encore critiquer ouvertement Cupertino
L'exercice n'est pas toujours facile, car chaque individu a ses propres sensibilités et ses critères d'objectivité. La presse a toujours tenté d'être la plus argumentée et neutre possible, distribuant les bons et les mauvais points. Lorsqu'on note l'iMac M3 6/10 ou qu'on claque un petit 3/10 à l'Apple Pencil USB C, on argumente et le lecteur sait à quoi s'attendre. Cela va impacter sa décision d'achat, c'est normal, on lit aussi la presse pour essayer de dépenser son argent correctement.
La mise en perspective est aussi intéressante : comparer objectivement les derniers Mac M3 à des portables Razer Blade, l'iPhone 15 Pro au dernier Samsung Galaxy S23 Ultra ou l'Apple Watch Ultra à la Garmin Expix 2 prend tout son sens pour le lectorat. Vous l'avez vu, on a beau s'appeler
Mac4Ever, on sait apprécier les qualités des produits concurrents, même si Apple reste forcément notre petit chouchou -qui aime bien châtie bien.
Quand les marques évitent la critique
Mais du côté des marques, cette notion de critique, même
mesuréeest de plus en plus mal vécue. Le marketing préfère désormais les
J'aimeet les bonnes notes aux introspections et aux comparatifs, au point que l'on assiste à de vrais chamboulements dans la gestion de la communication. Les attachées de presse privilégient par exemple les influenceurs, conviés/payés en avant-première pour tel ou tel lancement, plutôt que les journalistes, plus expérimentés, qui ne leur feront peut-être pas de cadeau le lundi matin. Protéger la marque des critiques ou surtout, éviter de froisser sa hiérarchie, est devenu beaucoup plus facile que de soumettre ses produits à la vindicte de la presse -ça se tient sur le plan marketing.
Des avant-premières fournies gracieusement aux influenceurs : la technique bien rodée d'Apple pour obtenir des "tests" ultra-positifs à chaque sortie...
En pratique, cela donne aussi des situations assez cocasses, comme des tests
en avant premièreréalisés par des influenceurs qui ne comprennent pas grand chose à ce qu'ils ont devant le nez mais qui trouvent tout
formidable. A notre petite échelle, vous avez sans doute remarqué que certaines marques bien connues nous ont largement mis au ban, avouant sans honte en coulisse qu'on
critiquait troples produits. Injuste ? Sans doute, mais l'on s'est fait une raison. Certains de nos confrères/YouTubers préfèrent souvent courber l'échine et limiter les critiques, plutôt que d'être coupé du service de presse, car exclusivité = audience = recettes publicitaires. Vaste dilemme pour les rédactions.
Quand iJustine reçoit toutes les couleurs d'iMac une semaine avant la sortie, peut-elle vraiment se permettre une critique sur la quantité de RAM, de SSD ou le prix des options ?
Du côté du lectorat, surtout chez les plus jeunes, on s'habituent même à cette façon de présenter des produits : être systématiquement enjoué à la sortie d'un jeu, d'un film, d'un iPhone, d'un Mac ou même d'une voiture fait passer la presse plus traditionnelle pour les aigris de service... alors qu'ils ne font finalement que leur boulot. Au moment de l'achat, ne pas savoir que 8Go de RAM, c'est vraiment pas terrible pour bosser ou que le port USB C de l'iPhone 15 est plus lent que celui d'un iMac d'il y a 10 ans, cela nous parait pourtant utile et pertinent. Cela ne nous empêche pas de noter l'iPhone 15 par un très rare 10/10 ou d'attribuer un exceptionnel 10/10 à la Tesla Model Y. Pourtant, cela fait presque 2 ans qu'aucune de ces deux marques ne nous a prêté de produits... Qui aime bien châtie bien, avait-on l'habitude de dire, mais cette phrase semble désormais d'un autre âge.
Et vous ? Qu'en pensez-vous ?