Essai Mercedes EQS SUV : jusqu'en Pologne !
Par Didier Pulicani - Publié le
Trop facile ? Malgré une implantation plutôt récente dans le pays (2019), le bon maillage de SuperChargers du constructeur nous a avait permis de visiter le pays sans aucun problème majeur. Mais qu'en sera-t-il sans le réseau de Tesla ? La réponse dans ce VLOG !
Quel véhicule pour traverser l'Europe ?
Avant de partir, il convenait de bien choisir sa monture pour un tel périple. Quelle voiture électrique en dehors de Tesla, pour effectuer plus de 4000Km à travers l'Europe ?
La marque qui se rapproche actuellement le plus de celle d'Elon Musk sur le plan électrique, c'est Mercedes. Avec des autonomies parmi les meilleures du marché, un planificateur d'itinéraire abouti et un système de plug&charge similaire à ce que proposent les SuperCharger, on devrait normalement pouvoir s'en sortir sur un tel trajet. Je dis bien
Normalement.
Coup de chance, le groupe a donc accepté que l'on emmène un EQS SUV jusqu'en Europe de l'Est, un bon test pour ce gros bébé vendu à prix d'or, qui doit en théorie pouvoir contenter une clientèle exigeante.
Voici donc les spécifications de notre modèles EQS 450 4MATIC Release Edition :
- Batterie 108,4kWh utiles
- 655km d'autonomie
- Conso 24,1 kWh/100
- Charge rapide : 200 kW
- 80% en 31Mn
- 11 kW AC (22 Option)
Comme vous pouvez le voir, la batterie est conséquente, offrant une autonomie assez proche de la Tesla Model 3 que l'on avait utilisée (619 Km WLTP). Sur de très longs trajets, une grosse batterie permet de
tenirsans charger trop souvent et de s'éviter au maximum de devoir trouver des bornes dans les zones les moins bien fournies.
A noter que notre modèle n'avait pas l'option 22 kW, ce qui rend les charge de ville (7 ou 11kW) beaucoup trop longues : en 2H, vous ne remettez que 15-20% de la batterie, contre presque 50% avec l'option 22 kW !
- 360CV 4x4
- 800NM de couple
- 210Km/h VMax
- 0-100km/h en 6s
Côté motorisation, l'EQS est digne des standards allemands haut de gamme. Pour tracter les 2, 8t de l'EQS SUV, il faut a minima une bonne puissance, et les 360CV sont parfaitement adaptés à ce gros bébé. Par ailleurs, la vMax à 210Km/h est très appréciable en Allemagne, où les automobilistes roulent souvent entre 150 et 160Km/h, ce qui permet d'avoir un peu de reprise à ces vitesses élevées sans être pied au plancher -pas comme dans un Q4 ou un ID.4, limité autour de 160Km/h.
Si vous désirez un test détaillé de la voiture, je vous encourage à aller voir notre essai du Mercedes EQE SUV, qui est très similaire à l'EQS SUV -qui est juste une déclinaison un peu plus imposante.
Bref, avec de telles spécifications, on limite effectivement le risque, mais gardez en tête qu'on réfléchit à tenter l'aventure prochainement avec un véhicule beaucoup plus modeste...
Un planificateur moderne, mais capricieux
Mercedes propose depuis quelques mois seulement, un planificateur totalement revu et enfin au niveau de son rang
premium.
Comme on l'avait vu dans notre essai de l'EQE SUV, il suffit d'entrer une destination, et la voiture se charge de créer le trajet optimisé. Mieux, il propose des fonctions inédites comme par exemple :
- la possibilité de définir le pourcentage à la destination
- le choix du réseau de charge
- un compte Mercedes.me qui peut se connecter sur la plupart des bornes
Contrairement à Tesla, qui n'est pas (encore ?) capable de proposer d'autres réseaux de charge que les SuperChargers, l'EQS SUV peut profiter de l'ensemble des acteurs, ce qui offre beaucoup plus de souplesse ! En revanche, la voiture ne propose qu'une seule possibilité de trajet à chaque fois : si vous voulez rajouter une borne ou déplacer un arrêt, vous devez le faire manuellement.
A première vue, notre planificateur semble donc plus intéressant que celui de Tesla, à un détail près : les bugs ! En effet, durant tout le trajet allemand, le logiciel a refusé de nous calculer l'itinéraire (c'est ballot), nous obligeant à entrer les bornes à la main. Etait-ce lié à la traversée de frontière ? Peut-être, car en Pologne, il semblait fonctionner normalement.
En pratique, quand vous quittez l'hôtel et que votre planificateur mouline dans la semoule pendant plusieurs dizaines de minutes, vous ne savez pas trop quoi faire : faut-il partir quand-même ? Espérer qu'il va se mettre à jour ? Parfois, cela a pris plus de 30mn... jusqu'à ce qu'on entre finalement la borne manuellement.
Le salut fut d'utiliser l'application mobile, capable de réaliser la même planification, à un détail près : si vous êtes sous les 20% de batterie, elle refuse de placer les bornes ! Heureusement, il est possible de filtrer les stations sur le trajet et de réaliser l'opération manuellement, mais in fine, tout ceci ne se révèle vraiment pas aussi fluide que chez Tesla.
Vu la densité des bornes sur autoroute, vous pouvez aussi décider d'y aller au petit bonheur, mais si vous roulez à 150/160Km/h sur l'AutoBahn, difficile de jauger l'autonomie restante jusqu'à la prochaine station !
France-Allemagne : quelques couacs
La première partie du trajet consistait à traverser la Suisse et Allemagne, un défi peu compliqué en apparence vu le développement du réseau de charge.
L'EQS SUV dispose du
plug&charge, c'est à dire, la capacité à se brancher sur la borne sans badge, CB ou application mobile. La voiture discute en effet avec la borne, qui reconnait le compte lié et débite automatiquement la somme désirée. Cela fonctionne sur de nombreux réseaux (Ionity, Total, Fastned...) et nous avons pu l'expérimenter avec succès dans la vidéo.
Cela n'a pas empêché quelques couacs que l'on n'avait pas rencontré en Tesla ! Déjà, les bornes Ionity ne sont pas d'une grande fiabilité. Il n'est pas rare de devoir se déplacer sur une autre stèle, car la première ne fonctionne pas correctement. Et 5 minutes de perdues...
Pa ailleurs, Mercedes ne possède pas son propre réseau de charge, il faut donc composer avec la disparité des bornes. Par exemple, si vous voulez limiter les temps de charge, il faut au moins 200kW, or beaucoup de bornes sont encore à 150/160kW -rien de grave, mais c'est encore 10mn de perdues.
Enfin, si vous devez vous arrêter dans un hôtel, vérifiez bien qu'il possède des bornes dans son parking ou aux alentours, cela vous permet de repartir à 100% le matin. Manque de chance pour nous, notre seul arrêt sur un établissement situé sur une aire d'autoroute avait bien des bornes, mais toutes prises par d'autres véhicules électriques. Le réseau secondaire est décidément encore inadapté quelque soit le pays.
En Pologne : les ennuis commencent
L'arrivée en Pologne s'est d'abord déroulée assez facilement : une station Ionity flambant neuve nous attendait à la frontière !
Une fois à Katowice, notre première destination, une borne de ville puissante (150 kW) nous a permis de refaire le plein en mangeant au restaurant. Soyons francs, on a choisi l'établissement en partie car il y avait une borne en face, mais Sylwia connaissait le resto de réputation, le combo parfait !
Notre lieu de résidence (une maison) ne nous permettait cependant pas de nous brancher : la dernière fois, les 8A tirées sur la prise ont suffi à faire griller les fils (on a eu chaud) et on ne voulait pas renouveler l'expérience. Du coup, il fallait se montrer plus prévoyant : soit charger le soir avant de rentrer, soit le matin sur le trajet ou au pire, à midi.
Nous avons d'abord tenté de ne pas trop perdre de temps, en ne changeant que lorsque nous étions en visite ou au restaurant. Malheureusement, c'est là que les ennuis ont commencé car l'improvisation est (pour l'instant) surtout une question de chance !
Nous avons en effet tenté une visite au Muzeum Śląskie, équipé d'une dizaine de bornes de charge... toutes prises ! Il y a même même une thermique qui squattait une emplacement, et les parking étaient effectivement bondés partout. Le restaurant que nous convoitions était d'ailleurs complet... on a donc décidé de changer nos plans.
Un peu plus loin en ville, on repère une pizzeria situé non loin d'une borne de 50kW... squattée par une thermique. Il a donc fallu négocier pour que le monsieur déplace son véhicule. Mais ce n'était que le début des ennuis ! La borne a ensuite refusé le plug&charge, mais aussi la carte Mercedes.me ou encore le déclenchement depuis la voiture -qui l'indiquait pourtant comme
compatible.
Nous avons alors tenté de payer dans l'application (en polonais), mais impossible de recevoir le mail de confirmation ! Restait la possibilité d'utiliser des badges tiers (Chargemap, Chargepoint) mais les tarifs demandés sont exorbitants, ces opérateurs surchargent exagérément les prix. Bref, on n'a pas pu charger ce jour là avons perdu au moins une bonne heure pour rien !
Le lendemain, nouvelle visite, cette fois à Cracovie. Même dans cette grande ville (750 000 habitants !), il y a finalement assez peu de bornes dans le centre, au regard des besoins. Dans le quartier que nous voulions visiter (vers le cimetière juif), pas une seule station ! Dommage, car pendant les 4 à 5H de balade, la voiture est restée le long du trottoir, aux côtés d'autres véhicules électriques, pourtant nombreux.
Précisons -pour être tout à fait transparent- qu'on a réussi à se brancher sur la plupart des bornes lentes durant nos visites, mais il fallait souvent créer un compte sur une application, pas toujours traduite. Cela s'améliore, mais ce n'est pas encore très
simple. Pour les touristes, il est finalement plus facile de réaliser des charges rapides ponctuellement que de s'embêter avec ces petits réseaux de ville.
Nous voulions terminer nos vacances dans la station de ski de Zakopane -village très populaire de Pologne, car il est possible de s'adonner aux sports d'hiver, chose rare dans le pays. Début décembre, la neige était encore peu présente, mais cela nous a permis de découvrir la région et de tester la voiture sur les petites routes de montagne.
N'étant pas assez chargé pour atteindre la destination, il a fallu trouver une borne sur le trajet. Histoire de réduire les temps de charge, nous avions exclu les bornes inférieures à 150 kW, mais c'était une erreur car le planificateur nous propose alors un énorme détour ! En Pologne, les puissances sont très variables et il y avait en effet une borne de 140 kW sur la route, située juste à côté d'un centre commercial, que l'on avait donc filtré par erreur dans un premier temps. On en a profité pour manger un peu et se balader dans les boutiques. Si nous avions pu charger pendant la nuit ou durant la journée précédente, on aurait sûrement préféré avancer plus vite et déguster les sandwiches de Sylwia pendant le trajet.
Avec cette pause forcée, on est donc arrivés de nuit, car le soleil se couche vers 15H30 à cette époque de l'année. Malgré l'absence de borne à l'arrivée, l'hôtel -manifestement habitué à ce type de demande- nous a fourni assez facilement une rallonge : la réception avait même un compteur électrique, pour pouvoir nous facturer le lendemain ! A presque 40 centimes le kWh, on comprend que la charge est encore loin d'être un service inclus dans le tarif de la chambre !
Cette
charge à destinationnous a permis de nous balader aux alentours tout en ayant la voiture chargée chaque matin. Je vous rappelle d'ailleurs que charge à 100% n'est pas gênante pour la batterie, tant que vous la déchargez dans la foulée : il faut par contre éviter de la laisser à 100% pendant plusieurs jours, ce qui n'est pas recommandé pour le bon vieillissement des accus.
EQS SUV : le grand luxe mais pas seulement !
S'il y a bien un domaine où Tesla ne peut encore rivaliser, c'est l'univers du premium allemand.
Sièges massants, diffuseurs de parfum, programmes de détente pendant la conduite... les passagers sont chouchoutés comme jamais chez l'américain. Certains systèmes, comme le filtre automatique des particules fines, sont même particulièrement efficaces dans les zones très polluées de Pologne, où le charbon est encore très utilisé.
Mais tout n'est pas qu'une affaire de plastiques moussés ! Mercedes propose en effet des technologies parmi les meilleures du marché. La voiture offre par exemple des fonctionnalités que l'on ne retrouve pas chez l'américain, comme les feux Matrix LED, les roues arrières directrices, la caméra 3D et à 360 degrés, les écrans individuels pour les passagers et le conducteur...
A l'inverse, certaines fonction de Tesla manquent cruellement, comme le mode Sentinelle (la surveillance active) ou encore le streaming (YouTube, Netflix, Apple Music et Spotify). Ici, il faudra se contenter de CarPlay et de petits jeux basiques sur le système, que le passager peut utiliser pendant la conduite -à condition que le conducteur ne détourne pas le regard de la route. Mercedes se rattrape avec une app complète, qui permet même de voir l'état de la charge sans déverrouiller son iPhone !
A la conduite, notre EQS SUV est largement devant l'Autopilot de Tesla : pas besoin de la ré-enclencher à chaque dépassement/rabattement, pas de
punitionsinjustes car le volant est capacitif, le dépassement de voie automatique ne demande pas de
serrerle volant outre mesure et surtout, la voiture ne
bipepas toutes les 10 secondes dès qu'elle détecte une petite erreur de conduite.
In fine, le trajet est très reposant, d'autant que le
stress de l'autonomiese fait peu ressentir. En un an, le nombre de bornes a explosé et dès que vous avez au moins 500 Km WLTP (soit 300Km sur autoroute), la recharge se fait assez naturellement, toutes les 2 ou 3H.
Bilan : Tesla toujours devant ?
Alors, vraiment galère ce voyage en Europe de l'Est en voiture électrique et sans Tesla ? Oui et non.
Une chose est sûre, le réseau de SuperChargers reste nettement plus fiable que la concurrence sur les grands trajets. Vous pouvez programmer pratiquement toutes les destinations possibles avec une Tesla dans la plupart des pays d'Europe, elle vous y emmènera sans aucun problème. Chez Ionity et consorts, c'est plus aléatoire, même s'il devient rare qu'une station soit 100% hors d'usage.
Avec notre EQS SUV, et ce malgré quelques couacs chez Ionity, on ne peut pas dire qu'on ait vraiment
galérésur les autoroutes suisses, allemandes et polonaises. La seule contrainte concernait plutôt le planificateur capricieux de Mercedes, qui moulinait pendant de longues minutes avant de fournir le trajet optimisé. Quant il fonctionne, ce planificateur est même plus complet que celui d'Elon Musk, qui ferait d'ailleurs bien de s'en inspirer -pour permettre un pourcentage à l'arrivée par exemple. Rappelons au passage que Tesla ne gère pas le
plug&charge: en dehors des SuperChargers, vous devez vous débrouiller !
Sur place, la différence entre Tesla et les autres constructeurs s'amenuise. Certes, il est toujours possible de compter sur les SuperChargers pour faire le plein d'une Model 3, mais le réseau public sera globalement plus facile à utiliser avec le système de Mercedes : il affiche toutes les bornes sur le GPS et permet de charger sans devoir sortir un badge, une CB ou autre... quand ça marche.
Enfin sur le plan tarifaire, c'est assez kif-kif avec Tesla : sur Ionity, Mercedes.me offre des tarifs autour de 30cts/kWh, comme les SuperChargers. Par ailleurs, le roaming appliqué sur les bornes tierces est généralement assez faible, comparé à des opérateurs comme Shell, Chargemap, ou Chargepoint qui appliquent généralement des frais fixes assez élevés et un calcul compliqué de l'addition finale (temps d'immobilisation, parfois des frais à la minute...). A l'arrivée, comptez environ 20 à 30€ pour un plein d'électrons, mais qui peut grimper entre 40 et 100€ suivant les opérateurs.
Pour conclure, ce voyage s'est globalement bien déroulé, notamment sur les grands axes. Sur place, il aurait été plus reposant d'avoir une solution de charge à domicile, car le vrai problème -en France comme en Pologne- reste le réseau secondaire (en ville, sur les parking...), très aléatoire et trop disparate.
On espère d'ailleurs que ce petit VLOG vous aura donné envie de visiter la Pologne et l'Europe de l'Est, des régions souvent sous-cotées ! Do widzenia !