Final Cut Studio 3 : les nouveautés
Par Contributeur - Publié le
- en 2005, Apple vendait environ 40% des systèmes de montage vidéo pro (environ 8 à 9% pour Adobe avec Première, et 35 % pour Avid)
- en 2008, c'était presque la moitié des ventes de solutions de montage pro qui étaient pommées (48 à 50%), alors qu'Adobe continuait sa croissance (15% environ), et qu'Avid commençait sérieusement à battre de l'aile (plus que 18-19%).
Pour cette version 3 du Studio, presque tout le monde est là : Final Cut Pro 7, Motion 4, Soundtrack Pro 3, Color 1.5, Compressor 3.5, et le vilain petit canard DVD Studio Pro 4. Adieu donc à LiveType, tout animation de texte se fait désormais dans Motion.
Pour faire le tour du propriétaire, nous avons donc demandé à l'un des responsables produit Final Cut (que nous sommes obligé d'appeler Mr X), de nous présenter les nouveautés, et de répondre à quelques questions (quand il en avait le droit).
Installation
7 DVD, 50 Go, et 7 heures annoncées ("seulement" 3h30, au final) : la dénomination Pro se ressent dès l'installation :
Quelques nouveautés sporadiques, mais bienvenues
Plus de deux ans d'attente depuis la précédente mouture (Final Cut Studio 2, présenté au NAB en avril 2007), on en attendait forcément beaucoup. Et force est de constater que cette mise à jour du Studio est assez décevante, tant sur le fond (moteur) que sur la forme (interface) : peu de réelles nouveautés, pas forcément les plus attendues, et peu d'améliorations des fonctions existantes.
Première question à Mr X : "Pourquoi tant d'attente et ce silence radio entre avril 2007 et juillet 2009, quelle est la cause d'un tel retard (par rapport aux sorties précédentes de Final Cut) ?"
Première réponse, typique : "Je ne peux pas commenter le développement de nos produits". Ça commence bien...
Restons donc concentrés sur les ajouts notables et les améliorations bienvenues de cette nouvelle version de Final Cut Pro.
Tout d'abord, l'interface : les nouveautés les plus remarquables concernent les onglets en couleur, les nouveaux marqueurs colorés, et la nouvelle fenêtre du visualiseur de Time-Code. En gros, c'est tout. Et il faut bien reconnaître que c'est un peu maigre...
Autre amélioration du côté des marqueurs : en plus des différentes couleurs au choix (à attribuer selon l'usage dudit marqueur), il est désormais possible d'ajouter un marqueur et de modifier son contenu textuel tout en restant en lecture :
Nouveauté notable également du côté de la fenêtre de modification de la vitesse, qui propose désormais de lisser la vitesse de début et de fin du plan (façon courbes de Bezier automatiques), pour une accélération (ou un ralentissement) progressif :
Notez au passage les traductions audacieuses telles que "Séquence Ondulation" ("Ripple Sequence") ou "Attributs d'échelle" ("Scale attributes"), qui nous rappellent les traductions merveilleuses de la boîte française d'iLife '09...
Nouvelle fonctionnalité plutôt sympa et qui marche plutôt bien : iChat Theater. L'idée est simple : Final Cut sait déjà sortir la vidéo (sur un moniteur externe par exemple), donc il suffit d'une bonne compression en temps réel pour en faire une source pour iChat : la sortie vidéo de Final Cut devient une entrée vidéo pour iChat (comme une webcam). Ainsi, votre contact dans iChat peut voir directement votre montage en cours dans Final Cut Pro, avec Time-Code affiché :
Sous le capot, la famille ProRes s'agrandit. De deux codecs haute-définition, elle passe à 5 :
- Proxy pour les versions offline bas débit (45 Mbps)
- 422 LT pour les montage ne nécéssitant pas une qualité folle, mais une post-production légère et rapide (102 Mbps)
- 422, introduit dans la version précédente de Final Cut (147 Mbps)
- 422 HQ, également présent depuis quelques années, l'ancien haut de gamme (220 Mbps)
- 4444, le nouveau haut du panier, avec un meilleur échantillonnage de la couleur, et une couche alpha (transparence) intégrée (330 Mbps).
Ce nouveau codec ProRes 4444 ambitionne de remplacer le codec Animation et se veut, d'après notre invité mystère, qualitativement très proche de la vidéo non-compressée. Concernant les autres codec, notre mystérieux interlocuteur nous affirme que le codec ProRes LT a d'ores et déjà été adopté par plusieurs clients, notamment pour du montage de reportages news, et de sports
Bien entendu, Motion et Color supportent également ces nouveaux codecs, une version Windows du codec (pour Quicktime) est également disponible pour la lecture des vidéos ainsi encodées.
Le paradoxe du Blu-Ray
Au sein du Final Cut Studio, il est une application maudite depuis quelques années. Non pas qu'elle soit mauvaise, elle remplit au contraire plutôt bien sa tâche, et est largement répandue et utilisée dans le milieu de l'authoring de DVD. Ce mal aimé, c'est bien évidemment DVD Studio Pro. N'en cherchez pas mention sur la page des nouveautés, elle n'en contient aucune. Stagnant en version 4 depuis quelques temps déjà, DVD Studio Pro est condamné à ne plus évoluer et à être caché au fond du carton.
Sa malédiction, c'est le Blu-Ray !
(travelling avant rapide sur un disque bleu dans la forêt en pleine nuit - musique qui fait peur - éclairs dans le ciel - texte récité par Vincent Price ou Christopher Lee)
Pour diverses raisons (sur lesquelles notre interlocuteur Mr X n'a bien évidemment pas pu communiquer, on peut supposer entre autre une menace pour l'économie des films dématérialisée de l'iTunes Store), le Blu-Ray est aussi bienvenu chez Apple que Steve Ballmer à une install-party de Linux. Pas de sortie HDMI sur Mac (ni d'adaptateur compatible vendu par Apple), pas d'entrée HDMI sur les moniteurs Apple, pas de lecteur Blu-Ray (encore moins de graveur) intégré dans les Mac, pas de support logiciel dans Mac OS X pour les DRM (HDCP) des films protégés, ...
Mais quand on s'appelle Apple, qu'on est derrière Quicktime, Final Cut et iMovie, qu'on vend un logiciel d'authoring de DVD (et de HD-DVD) qui s'appelle "DVD Studio Pro" dans un pack logiciel qui s'appelle "Final Cut Studio" (labellé "HD" depuis la version 4.5 de Final Cut Pro), on peut difficilement continuer à jouer à l'autruche en 2009, soit quatre ans après la sortie du Blu-Ray (et après la guerre remportée face au HD-DVD, qui a imposé le disque bleu en support de prédilection pour la vidéo en haute-définition).
L'équilibre trouvé par Apple entre "on n'en veut pas" et "nos clients en veulent" est donc un support minimaliste de la création de disques Blu-Ray. Non pas dans DVD Studio Pro (qui était pourtant tout indiqué, lui qui sait gérer des ressources vidéos en haute définition et graver du HD-DVD depuis des années), mais dans Compressor, l'application de conversion/encodage vidéo du Studio.
Le grand écart est très surprenant : d'un côté DVD Studio Pro, application tout à fait capable d'authoring complexe et de fonctions avancées (y compris en haute définition) est privé de Blu-Ray et donc condamné à dépérir, et de l'autre c'est Compressor qui hérite d'une sorte d'ersatz de iDVD (version 1) pour Blu-Ray (Apple parle d'ailleurs de "gravure" et pas d'"authoring" de Blu-Ray)
Le message envoyé par Apple est très clair : si vous voulez faire de l'authoring de Blu-Ray, allez voir ailleurs ! Encore chez Adobe, par exemple ? Apple joue avec le feu, Adobe et la Pomme étant ouvertement en concurrence sur leurs suites logicielles de post-production vidéo (on se rappelle que Final Cut Pro vient de Première, et on salue Randy Ubillos au passage :-) ). Pousser les demandeurs de Blu-Ray chez Adobe, c'est en effet pour Apple prendre le risque qu'ils y restent...
Fermons ici cet aparté sur le Blu-Ray, et revenons aux exports vidéo du Studio. Dans les pré-réglages d'export de la nouvelle fenêtre de partage (sorte de mini-Compressor commun aux applications du Studio), on trouve donc la gravure de Blu-Ray (et de DVD simples), les périphériques Apple habituels (iPod, iPhone, AppleTV), mais aussi des formats plus grand public, comme l'export sur MobileMe YouTube. Apple s'étant soi-disant basé sur les retours des utilisateurs, faut-il en conclure que les professionnels de la vidéo préfèrent publier leurs vidéos hautes-définition sur YouTube, que de les graver un Blu-Ray ?
Quelques mots pour finir sur Soundtrack Pro, qui se voit doté de divers outils, nouveaux ou améliorés, notamment le "Time Stretch" (pour ralentir ou accélérer la voix sans changer le ton), ou l'ajustement automatique de niveau vocal (pour mettre rapidement au même niveau sonore différentes interviews et commentaires, par exemple).
Quant à Motion, les deux directions d'évolutions de cette nouvelle version sont le texte, et la 3D. Tri-dimensionellement parlant, Motion continue sur sa lancée, en intégrant les ombres et les reflets en 3D et la profondeur de champ (mise au point). Côté texte, on trouve un nouvel éditeur de glyph qui permet de manipuler chaque lettre comme un objet 3D, de nouveaux générateurs de texte animés, de quoi faire des génériques déroulant. Motion englobe donc les possibilités de LiveType, qui disparaît au passage. Également nouveau dans Motion : la possibilité de "viser" des objets avec la caméra, pour passer de l'un à l'autre par exemple, de nouveaux générateurs de formes (spirales et autres formes concentriques), et le support de nouvelles interfaces (multi-touch, joysticks, ...).
Question sur les nouveautés de Motion et l'abandon de Shake : "Motion est-il en train de devenir le successeur de Shake ?"
Réponse de Mr X : "Non, Motion reste avant tout axé sur les graphismes et l'animation, pas vraiment le compositing."
Synthèse : pour et contre
Inutile de re-préciser que cette mise à jour est décevante :
- toujours pas de rendu en tâche de fond dans Final Cut Pro (l'analyse du SmoothCam se sent toujours bien seule, dans sa fenêtre de processus d'arrière plan). Mais Apple y réfléchirait...
- un support de la gravure de Blu-Ray plus que léger, et une politique générale bancale concernant le disque bleu
- une interface toujours aussi "exotique" pour Color
- toujours rien pour la création de sous-titres ni (le support du Closed-Caption annoncé se limite à la capture de cassettes vidéos disposant déjà de sous-titres, pas à la création et encore moins à l'export, ni pour DVD Studio Pro ni pour iPod/iPhone/iTunes).
Sur ce dernier point concernant la création de sous-titres Closed-Captions, notre Mr X nous a promis de faire remonter l'information.
Notez que cet article serait beaucoup moins négatif s'il s'était agi là d'une mise à jour présentée comme mineure et proposée rapidement (une version 6.5, par exemple, qui serait arrivée un an après la 6).
Mais là, l'amertume et la déception de cette mise à jour sont à la hauteur de l'attente et de la manière dont cette "nouvelle version" est présentée (communiquer sur la couleur des onglets ou celle des marqueurs comme s'il s'agissait de nouveautés révolutionnaire...)
Pour finir sur une note plus joyeuse, résumons quand même les points positifs :
+ de nouveaux codecs ProRes qui vont simplifier la post-production, alléger les calculs et les rendus, faire gagner de la place et du temps, ...
+ une bien jolie fenêtre de Time-Code dans Final Cut Pro, qui rendra les visionnages beaucoup plus simples
+ un outil de modification de vitesse qui fera le bonheur des John Woo en herbe
+ iChat Theater, anecdotique et pas forcément utile pour tout le monde, mais fort sympathique en cadeau bonus
+ toujours en cadeau bonus, les transitions Alpha
+ la possibilité d'appliquer enfin d'un seul coup une même transition à tous les cuts séléctionnés
+ une intégration entre Color et Final Cut Pro nettement plus poussée, qui nécessitera beaucoup moins souvent l'étape de préparation (rendus) lors de l'envoi d'une séquence de l'un à l'autre
+ l'export via Compressor en tâche de fond (je le gardais pour la fin ;-) ), qui ne bloque plus l'interface de Final Cut Pro pendant un encodage/export dans Compressor !
Bilan: on achète, ou pas ?
Pour les nouveaux arrivants (utilisateurs de Final Cut Express, par exemple) qui hésitaient à passer à Final Cut Pro, c'est le moment : des logiciels de cette qualité pour 999 €, c'est toujours une très bonne affaire. Les réserves et déceptions ne viennent que des nouveautés et améliorations attendues et espérées pour cette mise à jour, mais le Final Cut Studio en lui-même reste toujours aussi chaudement recommandable !
Pour les professionnels, la question ne se pose pas vraiment : il faudra bien suivre le mouvement, les projets crées par la version 7 n'étant pas compatibles avec Final Cut Pro 6. Quant aux professionnels de l'authoring de Blu-Ray, ils ont depuis longtemps adopté des logiciels tiers, et cette mise à jour du Studio leur donnera raison. Pour les autres, la mise à jour vers ce nouveau Final Cut Studio (version 3, notez qu'Apple ne communique plus sur le numéro de version du pack, uniquement sur celui des logiciels inclus) coûte 299 € TTC. Autant dire que s'il faut encore attendre plus de deux ans pour la prochaine révision, elle sera vite amortie !
La question se pose pour les utilisateurs des versions précédentes, qui n'échangent pas de projets avec d'autres utilisateurs disposant déjà de version plus récente. À vous de peser le pour et le contre, selon votre utilisation et les nouveautés évoquées ici (et détaillées sur le site d'Apple).
Cette mise à jour vaut globalement le coup, même si on en attendait plus, et qu'elle laisse immanquablement un arrière-goût un peu amer de
tout ça pour ça ?