Le français Aquafadas fête ses 10 ans ! Auto-interview de Claudia Zimmer et Matthieu Kopp
Par Didier Pulicani - Publié le
Aquafadas fait partie de ces pépites de la
French Techqui n'ont cessé d'enchainer les succès. D'iDive -un logiciel pour gérer des bibliothèques de cassettes- en passant par -le système de lecture de BD sur iOS- jusqu'aux solutions de publishing numérique, la firme basée à Montpellier a su se développer intelligemment et trouver de nouveaux relais de croissances année après année.
En 2012, la société se fait racheter par Kobo, lui-même acquis par le japonais Rakuten, mais Aquafadas garde son indépendance et son savoir-faire. De seulement deux personnes en 2006 -Claudia Zimmer et Matthieu Kopp-, ils sont désormais 75 collaborateurs, et sont présents sur près de 25 marchés dans le monde !
Reportage
Puisqu'on ne fête pas ses 10 ans tous les jours, je vous propose de revoir le reportage que nous avions tourné en 2012 dans leurs locaux, et où nous revenions justement déjà sur ce joli succès :
L'auto-Interview
A l'occasion de cet anniversaire, les deux entrepreneurs se sont prêtés au jeu de l'auto-interview, l'occasion de découvrir une véritable petite pépite française que l'on adore et qui -on l'espère- inspirera les nouvelles générations. Saviez-vous par exemple que la société a été largement soutenu par Apple, mais aussi par Pixar et Disney ?
Comment vous est venue l’idée de créer Aquafadas ?
Claudia Zimmer : Vivre à Londres a été une grande aventure et une belle leçon de vie. Nous y avons passé 6 ans. Matthieu travaillait pour une startup et je dirigeais mon cabinet d’architecte. Mais le soleil nous manquait, comme beaucoup d’étrangers vivants au Royaume-Uni ! Nous ne supportions plus le mauvais temps et rêvions d’une simple piscine, pas d’une grande entreprise.
Matthieu Kopp : Exactement, c’est comme ça que nous avons démarré. Nous nous imaginions au bord d’une piscine avec nos Macs, en train de coder et d’avancer sur nos projets communs installés au soleil.
Avez-vous réalisé votre rêve ?
CZ et MK : {Rires} Oui et non, effectivement nous avons retrouvé le soleil du Sud de la France mais nous avons vite réalisé qu’avec les ordinateurs de l’époque (des années 2000), travailler dehors n’était pas possible : l’anti-reflets contre le soleil n'existait pas ! Donc, comme la plupart des startups nous avons fini dans notre garage à travailler sur le projet d’Aquafadas. Voilà nos premiers pas !
Est-ce qu’il y a un lien entre la natation, l’eau et le nom d’Aquafadas ?
MK : En fait, le nom vient de notre première passion et inspiration : Mac. J’ai toujours voulu coder pour Mac, j’appréciais les fonctionnalités et l’affichage innovant. Aqua correspondait à l’interface graphique de Mac OS X d’Apple.
CZ : Fada signifie en Occitan “inspiré par” ou “fou de quelque chose”. Donc Aquafadas veut dire “inspiré par Mac”. Vous avez surement remarqué que notre logo représente un poisson avec un regard fou !
MK : De la même façon, tous nos logos s’inspirent de la même idée : ronds, légers, ressemblant à une goutte d’eau. Cette inspiration trouve son origine dans le design des anciennes versions de Mac Aqua qui s’inspirait du thème de l’eau, des gouttes et de la fluidité.
Comment est né iDive et Banner Zest, vos premiers outils ? Comment en avez-vous fait la promotion ?
MK : Comme la plupart des créateurs de startup, nous avons réalisé qu’il y avait un réel besoin. En effet, dans de nombreuses familles se conservaient des boîtes remplies de vieilles photos et vidéos de famille prenant de la place. Je parle de ces mini-discs ou CD-roms, que les digital natives n’ont pas connus, et qui prenaient littéralement la poussière. Nous avons décidé de mettre de l’ordre dans tout ça : le slogan d’iDive c’était “créer et organiser votre catalogue numérique de vidéos” et les gens ont adoré ! Notre deuxième outil, BannerZest, a été créé dans le but d’aider les utilisateurs dans la création “de diaporamas animés” - simple mais très utile.
CZ : J’étais en charge de faire connaître la marque dans le monde. Nous étions une petite équipe : Matthieu s’occupait du code et je faisais tout le reste. Je contactais les blogueurs, les geeks, les férus des nouvelles technologies et tout ceux qui travaillaient dans le monde du digital. J’encourageai aussi nos futurs clients à tester nos outils et à parler de nous autour d’eux. Ce qu’ils font toujours aujourd’hui.
MK : Nous avons été contactés par Ed Catmull, le président de Pixar Animation Studios et des Walt Disney Animation Studios, qui a découvert notre logiciel iDive. C’était incroyable et fou pour une petite startup de deux personnes d’avoir été contacté par ce grand nom. Ainsi débutait notre relation avec Pixar, et même des années après, nous sommes restés en contact avec Michael B. Johnson de Pixar qui a travaillé avec nous sur le projet de bande dessinée.
CZ : N’importe quelle petite entreprise espère ce type de moment - que l’on n’est pas prêt d’oublier !
Avez-vous été soutenus ou contactés par d’autres personnalités influentes ?
MK : Nous avons rencontré quelques célébrités qui ont influencé Aquafadas. J’ai un bel exemple, que les fans de musique pourront apprécier. Avez-vous entendu parler d’Elliott Landy ? C’est un photographe renommé spécialisé dans la photo de groupes de rock, il était le photographe officiel du Woodstock festival de 1969. C’était l’un de nos fidèles utilisateurs d’iDive, avec qui nous sommes restés en contact longtemps.
CZ : Nous avons aussi eu la chance de collaborer avec un acteur majeur : Apple. Michel Sutter, responsable mondial des relations développeurs, travaille chez Apple depuis 25 ans. Il a eu beaucoup d’influence en créant des ponts entre les jeunes entrepreneurs et les grandes entreprises : il nous a donné des conseils, encouragé nos développeurs à aller au bout de leurs idées et à toujours veiller à la qualité de ce qu’ils livraient.
Bertrand Serlet, également, un ancien vice-président des développements logiciels d’Apple, nous a soutenus et aidés lorsque nous avons créé une version numérique de la célèbre bande dessinée Luke Luke pour les éditions Dargaud.
Sans oublier la contribution et les encouragements de John Geleynse, Directeur de l’évangélisation technologique et de l’expérience utilisateur au sein d’Apple.
Par ailleurs, notre présence au Festival d'Angoulême nous a permis de nous diversifier en nous éloignant un peu des logiciels pour nous rapprocher du monde des bandes dessinées numériques. Ce festival, très célèbre en France et partout dans le monde, rassemble des milliers de fans et de professionnels du milieu. Ils fêteront en 2017 leur 44e édition !
En 2008, un de nos stagiaires passionné a simplement contacté les organisateurs par e-mail et au téléphone : grâce à sa persévérance, nous avons fini par travailler avec eux. Nous avons ainsi créé la première librairie digitale de bandes dessinées pour iPhone ! Cela a été un vrai succès avec plus de 120 000 téléchargements - ce qui était incroyable au début des smartphones ! Notre relation avec le festival a duré pendant des années, ce qui nous a permis de nous rapprocher des éditeurs de bandes dessinées.
Le numérique a donné une nouvelle vie à la bande dessinée qui est passé d’une version imprimée à l’écran des smartphones : Aquafadas a joué un rôle important dans cette transformation.
CZ et MK : Oui, la bande dessinée nous tient vraiment à coeur et nous sommes fiers d’avoir eu un impact considérable dans sa transformation digitale.
Après le lancement du premier iPhone, il y a 10 ans maintenant, nous avons été contactés par Mediatoon (groupe Media Participations), l’éditeur de l’une des séries les plus connues et vendues d’Europe : Lucky Luke. Ils nous ont demandé de convertir le dernier tome “L’homme de Washington” en une version numérique pour smartphones. Nous étions très enthousiastes à l’idée de travailler sur la numérisation de cette célèbre BD. Certaines articles de presse ont parlé de révolution digitale dans le monde de la bande dessinée, conduite par une petite startup dans le Sud de la France, nous !
Aquafadas a aussi influencé une autre grande révolution - celui de la presse papier vers la presse numérique.
MK : C’était un grand défi à relever. Les éditeurs voyaient les revenus du papier diminuer, mais ils n’avaient pas forcément une personne en interne dédiée au digital, et surtout, à l’époque, les modèles économiques n’étaient pas bien définis. Les smartphones venaient tout juste de sortir.
CZ : C’est pourquoi nous avons travaillé, avec nos clients du monde de l’édition, sur des fonctionnalités et des outils qui s’appuient sur leur matériel existant tels que les fichiers PDF. Nous nous sommes assurés que nos outils puissent être utilisés par un graphiste qui ne sait pas coder. Nous avons également ajouté des fonctionnalités de marketing - comme par exemple la possibilité d’envoyer des notifications push et d’éditer des codes promos - pour augmenter les ventes des éditeurs.
Tout cela n’aurait pas été possible sans les personnes influentes que nous avons rencontrées alors : des PDG visionnaires, enthousiasmés par l’innovation, tels que Alain Weill de NextRadioTV et Alain Augé de Bayard.
MK : Un entrepreneur comme Bruno Bonnell (co-fondateur d’Infogrames et ex-président d’Atari à la tête de Robopolis) a également été d’une grande aide en nous faisant part de ses suggestions et idées, et en nous accompagnant dans le lancement de notre startup.
Aujourd’hui vos produits s’adressent aux entreprises. En quoi Aquafadas peut-elle les aider ?
CZ : Nous sommes entrés dans une nouvelle ère de transformation digitale. Nous nous associons avec les entreprises pour les accompagner dans leurs projets cross-plateformes. Grâce à l'expérience que nous avons acquise dans le domaine de la bande dessinée et de l’édition numérique, nous pouvons conseiller les entreprises dans leurs stratégies et leurs défis digitaux. C’est un challenge pour le marketing, le service IT, la communication et les ressources humaines. Ils doivent être capables de s’adapter, évoluer, et apporter de nouvelles compétences dans leurs équipes mais surtout accompagner un changement de mentalité. C’est le plus stimulant.
MK : Nous avons développé une application Next Gen, permettant aux équipes marketing de créer eux-mêmes le design de leur application et d’y apporter des changements en temps réel ! Avec nos outils, les entreprises peuvent créer des applications d’aide à la vente, de relations investisseurs, de communication interne et externe, et de formation eLearning.
Aquafadas est basée au Montpellier International Business Incubator. Cela vous rapproche- t-il des startups ? Partagez-vous votre expérience ?
MK : Oui, nous n’oublierons jamais nos premiers jours, beaucoup d’excitation mais aussi beaucoup de défis. Être un entrepreneur c’est comme faire un tour de montagnes russes ! Nous pensons souvent à nos débuts quand nous étions très proches des passionnés de nouvelles technologies et lorsque chaque nouveau lancement était très attendu. En tant que startup, on ne reste jamais en place, on évolue sans cesse, en essayant de nouvelles choses sans grands moyens. On essaie et on teste, on réussit et on échoue.
CZ : Pour toute nouvelle entreprise, il est important de garder un esprit créatif et flexible afin d’apporter de nouvelles idées et d’acquérir de nouveaux talents. Il faut aussi rester au plus près de la demande du marché.
Cela s'applique aussi à nous. Aujourd'hui nous sommes une PME, bien implantée et reconnue mais nous veillons à être les plus innovants possibles, les plus créatifs et à avoir une longueur d’avance.
Nous partageons la connaissance issue de cette expérience. Matthieu et moi sommes tous les deux présents dans des groupes consultatifs : l’International Digital Publishing Forum et Transfert LR (l’Agence Régionale de l'Innovation du Languedoc-Roussillon).
De quoi êtes-vous le plus fiers aujourd’hui ?
CZ : Nous sommes heureux de voir que la créativité est toujours présente, que les résultats sont visibles et que nos outils sont efficaces. J’étais architecte et je pense que les mêmes principes s’appliquent autant dans le développement de logiciels que sur un chantier de construction. Grâce à nos outils, nous posons les fondations pour générer du business. Avec notre aide, les entreprises sont capables de se démarquer et d’augmenter leur efficacité avec de nouvelles procédures.
MK : Oui, c’est fantastique de voir que toutes les opportunités et possibilités offertes par notre solution sont utilisées d’une manière à laquelle nous n’avions même pas pensé.
Vous faites partie du Groupe Rakuten et travaillez avec des partenaires partout dans le monde. Les défis sont-ils différents ?
CZ : Nous sommes présents partout dans le monde grâce à notre réseau de 25 entreprises partenaires. Nous faisons également partie du Groupe Rakuten (leader mondial sur les services informatiques et internet). Quotidiennement nous communiquons avec des petites, moyennes et grandes entreprises présentes sur plusieurs continents et de nouveaux enjeux apparaissent : des modèles économiques différents, des mentalités différentes etc. mais aussi des problèmes liés à la connectivité et à la vitesse de connexion internet.
MK : Par exemple, en Europe et en Amérique du Nord nous adorons utiliser Facebook, Twitter, Instagram etc. mais cela change selon les pays. En Chine, WeChat est l'application la plus utilisée, et au Japon c’est Line. Par conséquent, les fonctionnalités de notre outil d'édition numérique doivent s’adapter en fonction du pays.
CZ : Il en va de même pour le modèle économique. Quand certains contenus mobiles connaissent une baisse de rentabilité pour les éditeurs en Europe ou aux USA, ils représentent une source de revenus croissante pour les pays émergents. En Indonésie ou en Thaïlande par exemple, la vente de magazines papier n’a jamais vraiment décollé à cause de problèmes de distribution. Les outils d’édition numérique comme celui d’Aquafadas ont vraiment ouverts des portes et permettent de toucher plus de personnes qu'auparavant.
Pouvez-vous résumer vos 10 dernières années en 10 idées ?
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L’élégance numérique
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Le besoin constant de nouvelles fonctions indispensables dans un monde où les nouvelles technologies évoluent vite
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