Pourquoi il est temps pour Tim Cook de quitter Apple : partie 1
Par Nicolas Sabatier - Publié le
Tim Cook est à la tête d’Apple depuis la mort de Steve Jobs en 2011 et est entré dans l’entreprise en 1998. À 64 ans, il est temps de faire un état des lieux de son empreinte sur la société de Cupertino.
Nous allons faire cet état des lieux en trois articles : un premier qui analyse comment Tim Cook a permis de développer considérablement Apple, un deuxième beaucoup plus critique sur son bilan et un troisième qui essaie d’anticiper qui pourrait le remplacer comme CEO.
Je peine à imaginer l’état d’esprit de Tim Cook quand on lui annonce la mort de Steve Jobs le 5 octobre 2011. Évidemment de la tristesse d’avoir perdu son mentor et ami. Mais peut-être aussi de l’appréhension, voire de la peur, à l’idée de se retrouver cette fois-ci seul à la tête d’Apple, sans pouvoir demander conseil à son ami. Il a alors, à mon sens, le travail le plus impossible au monde : prendre la suite de Steve Jobs. D’autant plus que le co-fondateur d’Apple est alors presque déifié sur le champ. Il meurt relativement jeune (56 ans) en enchaînant des succès pharaoniques que sont l’iPod, l’iPhone et l’iPad. Steve Jobs est alors plus une figure messianique qu’il est impossible de critiquer. Et Tim Cook doit le remplacer, mais est-ce possible ?
Les fans de la marque, en tout cas les plus vieux, avaient de quoi avoir un peu peur. La dernière fois que Steve Jobs a quitté Apple, c’était en 1985. Pour ceux qui se rappellent, après des débuts intéressants, le CEO John Sculley a rapidement déçu et ses successeurs n’ont pas réussi à redresser la barre. Que ce soit avec Michael Spindler ou Gil Amelio à sa tête, Apple est allé droit dans le mur. Il est logique d’avoir une certaine appréhension à l’annonce de la mort de Steve Jobs : Tim Cook réussira-t-il là où tous les autres ont échoué ?
Quand Steve Jobs disparait, Tim Cook a dû se retrousser les manches, mettre sa tristesse de côté et se mettre au travail. Et avec le recul, on peut dire qu’il a réussi. Combien d’entreprises ne survivent pas au départ de leur fondateur charismatique ? L’histoire aurait pu être tout autre, avec un Apple moribond qui, année après année, perd des parts de marché et devient une entreprise quelconque. Force est de constater que ce n’est pas le cas. Certes, beaucoup critiquent Tim Cook et pensent qu’Apple a perdu de son identité, nous y reviendrons avec le deuxième article, mais si on regarde les chiffres, ils sont impressionnants.
Quand Steve Jobs meurt, le chiffre d’affaires est de 108 milliards de dollars. En 2023, il est de 383 milliards. En ce qui concerne les bénéfices nets, ils passent de 25,9 milliards de dollars en 2011 à 90 en 2023. Soit presque un quadruplement en 12 ans. Ainsi, au niveau comptable, rien à redire : c’est une réussite incomparable. Apple devient sous la direction de Tim Cook l’entreprise la plus importante au monde, tant au niveau de sa capitalisation boursière qu’au niveau de sa surface financière. De plus, au niveau opérationnel, la société continue l’optimisation à tous les niveaux. La rentabilité est en hausse et de nouveaux marchés sont en pleine expansion, comme la Chine et l’Inde.
De plus, Tim Cook a eu l’intelligence de ne pas se prendre pour ce qu’il n’est pas. John Sculley, après le départ de Steve Jobs en 1985, n’a pas eu cet état d’esprit. Il n’arrêtera pas d’essayer de jouer les innovateurs avec, par exemple, le Knowledge Navigator.
Même au sein d’Apple, les ingénieurs à l’époque en souriaient. Andy Hertzfeld, développeur sur le Macintosh, dont je vous conseille son fabuleux livre Revolution in The Valley, dit d’ailleurs : « C’est un frimeur ». Jean-Louis Gassée, qui remplacera Steve Jobs à la tête de l'équipe du Mac, acquiesce : « Il avait un besoin irrépressible de mettre son nom sur un produit ». Ce n’est pas du tout ce que fera Tim Cook. Il aurait pu copier le fonctionnement de son prédécesseur : s’occuper du marketing, du développement des produits, du design tant matériel que logiciel. Au lieu de cela, il s’occupe de près à tout ce qui touche l’opérationnel, sa spécialité, c'est-à-dire la gestion de stock et plus globalement la logistique. D’ailleurs, à l’époque de Steve Jobs, c’était déjà le cas. On peut même dire que, dans les faits, Tim Cook dirigeait Apple depuis des années avant la mort de Steve Jobs, permettant au co-fondateur d’Apple de se concentrer sur des domaines précis comme le développement des produits et le marketing. Le dernier conseil que Steve Jobs donnera à Tim Cook est le suivant : surtout ne te pose jamais la question “Que ferait Steve ?”. Et le conseil sera suivi à la lettre.
La tentation est grande pour un nouveau CEO de tout chambouler à sa nomination afin d’imprimer sa marque et de montrer ainsi qu’il incarne le renouveau. Ce n’est pas ce qu’a décidé de faire Tim Cook à la mort de Steve Jobs. Au contraire, il s’est entouré d’une équipe avec beaucoup d’expérience déjà bien implantée depuis des années : Scott Forstall pour la gestion du logiciel, Jony Ive pour le design, Phil Schiller au marketing et Eddy Cue à la tête des services. Là encore, il ne fait pas semblant d’être Steve. Il n’ira pas parler pendant des heures de design avec Jony Ive ou chipoter sur l’emplacement de certains pixels avec Forstall, il fera confiance à ces personnes qui sont ultra-compétentes dans leurs domaines respectifs.
L’un des défis de Tim Cook est la diversification des revenus. En 2011, Apple est très dépendante de la performance de ventes des iPhone. À la mort de Steve Jobs, l’iPhone forme 40 % du chiffre d’affaires ; en 2021, cela monte à 59 %. C’est pour cela que Tim Cook décide de diversifier la source des revenus d’Apple de multiples manières, comme en générant des abonnements issus de services. C'est ainsi qu'iCloud est lancé en 2011 : il prend la suite de MobileMe, qui lui-même vient après .Mac, anciennement iTools, etc. C’est un système classique de sauvegarde en ligne qui permet dans le même temps d’avoir accès à certains services en ligne, comme les logiciels de la suite iWork (Pages, Numbers, etc.).
De même, en 2014, Beats est acheté pour 3 milliards de dollars par l’entreprise de Cupertino, principalement pour sa plateforme de streaming qui sera transformée en Apple Music.
Ce n’est que le début.
D’autres services, moins en lien avec le cœur de métier d’Apple, sont sortis par la suite. Faisons rapidement la liste :
Les revenus de l’App Store, Apple Music et iCloud sont immenses. Chacun de ces services pourrait être une très grande entreprise mondiale par son chiffre d’affaires.
Ron Johnson, patron des Apple Store et créateur du concept avec Steve Jobs, décide de quitter Apple quelques jours après la mort du co-fondateur pour être CEO de J.C. Penney. Il faut lui trouver un remplaçant et Tim Cook choisit John Browett, jusque-là patron des magasins d’électronique Dixon au Royaume-Uni. Malheureusement, c’est un très mauvais choix. Dès son arrivée, beaucoup sont surpris. Le choc des cultures est trop important et Browett n’arrive pas à entrer dans le moule. Venant du milieu de la grande distribution, il a essayé d’appliquer les mêmes méthodes en essayant d'optimiser au maximum le chiffre d'affaires au mètre carré. Les employés des Apple Store n’ont pas du tout apprécié ces changements, et c’est assez logiquement que Browett a été remercié, neuf mois seulement après avoir pris ses fonctions. Cela démontre que Tim Cook ne fait pas de sentiments et n’hésite pas à réparer ses propres erreurs rapidement. Nombreux sont ceux qui se seraient entêtés, refusant d’admettre qu’ils s’étaient trompés : pas Tim Cook.
Autre exemple, le fiasco de la première version d’Apple Maps. À sa sortie, l’application était truffée de bugs et de problèmes. Par exemple, des données sont fausses (des noms de ville mal orthographiés ou qui n’apparaissent carrément pas) ou imprécises (des villes se trouvent à plusieurs kilomètres de leur emplacement réel, des entreprises qui n’existent plus ou apparaissent dans le jardin de particuliers, etc.). Même si certaines de ces erreurs peuvent prêter à sourire, cela est très mauvais pour l’image de marque, mais surtout peut avoir des conséquences désastreuses.
Néanmoins, Tim Cook ne perd pas de temps et assume ses responsabilités. Il publie une lettre d’excuses dix jours seulement après la sortie d’iOS 6. Dans celle-ci, il précise qu’Apple travaille à l’amélioration de l’application, mais que celle-ci n’est pas au niveau. Il indique alors que l’App Store propose des alternatives telles que Google Maps ou Waze.
En coulisses, c’est le feu. On apprendra par la suite que Scott Forstall, alors patron du logiciel, devait être le signataire de cette lettre d’excuses, mais qu’il refusera de le faire (prétextant que les critiques étaient pour la plupart exagérées). C’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase pour Tim Cook, qui le congédie sur le champ. En effet, Forstall est assez mal vu en interne, se prenant pour Jobs dans tous ses mauvais côtés : dur, insultant, demandant une loyauté sans faille et une quantité de travail titanesque de chaque membre de son équipe. Pire, son ambition sans bornes commence à être incontrôlable, il ira jusqu’à s’approprier le travail d’autres personnes et refuser d’assumer ses erreurs. Fortsall est un tel problème que certains refusent de travailler avec lui, comme la superstar Jony Ive. Nul doute que cette décision a été difficile à prendre pour Tim Cook, cela ressemble à un premier baptême du feu. Pour ceux qui doutaient qu’il soit à la hauteur, ce choix démontre le contraire. Forstall était un lieutenant important de Jobs depuis plus de vingt ans. Certains le voyaient d’ailleurs comme son successeur légitime (il devait lui-même le penser) : et pourtant, Tim Cook n’a pas hésité à le licencier.
Avant, Apple était définie par Steve Jobs : tout ce qu’il décidait était en accord avec la culture d’entreprise. C’était lui qui incarnait, en intégralité, ce qui faisait Apple. Qu’importent ses contradictions, tel un empereur, Steve Jobs définissait ce qu’était Apple par sa seule décision qui faisait loi. Depuis sa disparition, Tim Cook passera beaucoup de temps avec ses collaborateurs à la réflexion de ce qu’est vraiment Apple. Tout cela est explicité lors de la keynote de la WWDC en 2013. La vidéo d’introduction est un résumé de ce qu’est Apple pour Tim Cook. On peut synthétiser cela en une phrase : Apple, c’est un millier de non pour chaque oui. En effet, l’ADN de l’entreprise est d’essayer de faire le produit parfait et pour cela, il faut être intransigeant sur la qualité et sur les fonctionnalités. Ainsi, Cook institutionnalise cela aux yeux de tous.
Outre la diversification des revenus, Tim Cook veut faire d’Apple une entreprise plus éthique. Cela se constate à plusieurs niveaux. Premièrement, l’accent est mis sur la nécessité pour Apple de présenter plus de diversité au niveau de ses employés. C’est un problème récurrent dans le monde de la technologie qui a tendance à avoir qu’un seul profil de technicien : jeune homme blanc hétérosexuel issu d’un milieu social privilégié. C’est dans cette optique qu’Apple diffuse à présent des données sur la diversité de ses employés. On peut ainsi connaître la répartition hommes/femmes et leurs origines. Rappelons qu’il est possible de faire des statistiques ethniques aux États-Unis, alors qu’il est interdit de le faire en France. Ainsi, en 2022, il y avait 27 % d’Asiatiques, 9 % de Noirs, 14 % d’Hispaniques et 42 % de Blancs. En faisant cela chaque année, Apple peut noter les évolutions dans le recrutement. Par exemple, le nombre de personnes issues de minorités a augmenté de 64 % en six ans, 70 % pour les femmes. On peut aussi le voir directement lors des keynotes où les femmes et les minorités sont de plus en plus mises en avant comme présentateurs et présentatrices, là où à l’époque de Steve Jobs, il n’y avait que des hommes blancs d’âge mûr.
Déjà à l’époque de Steve Jobs, Apple avait investi massivement dans l’écologie en éliminant des composants toxiques de ses produits et en proposant des initiatives de recyclage. Cela sous la pression de Greenpeace, qui avait accusé l’entreprise de ne pas en faire assez. Depuis, sous la houlette de Tim Cook, les initiatives se sont multipliées. Apple annonce qu’elle sera neutre en carbone en 2030, et cela, même pour toute la chaîne logistique. Ainsi, en 2030, les produits Apple ne devraient plus avoir d'impact sur le climat. Cupertino est déjà neutre en carbone, mais comme la production de ses produits est gérée par des sous-traitants, cette annonce est importante. Apple investit aussi dans des champs à éolienne offshore et finance des puits de carbone naturels. Cupertino incite aussi ses fournisseurs à se « verdir » : en 2021, cent dix partenaires sont passés à 100 % d’énergie renouvelable sur leurs chaînes de production.
Tim Cook a également conduit Apple à protéger la vie privée de ses clients. C’est un coup à deux bandes, car cela permet aussi d’avoir un positionnement marketing intéressant. En s’investissant dans ce combat, non seulement Apple se montre sous un jour favorable, mais cela permet aussi d’attirer l’attention sur ses concurrents que sont Facebook et Google. Ajoutons qu’il est facile pour Apple d’apparaître comme le chevalier blanc sur la gestion de la vie privée. En effet, son chiffre d’affaires n’est pas lié à la publicité. Cela ne lui coûte rien de limiter le suivi des utilisateurs de produit Apple et cela blesse ses concurrents : c’est du gagnant-gagnant.
Le combat pour la vie privée peut prendre des tournures inédites. Pour protéger les utilisateurs, Apple chiffre toutes les données sur ses produits, comme l’iPhone. Ainsi, personne ne peut accéder aux données, même pas Apple, sans le mot de passe de l’utilisateur. La conséquence devient une affaire de sécurité nationale quand, en décembre 2015, un couple de terroristes fait un attentat dans la ville de San Bernardino en Californie, faisant quatorze morts et vingt-deux blessés. Le couple a été tué pendant leur interpellation, mais la police a récupéré un iPhone 5c parmi leurs affaires. Cependant, impossible d’accéder aux données sans le mot de passe. La cour de justice de Californie demande alors à Apple d’aider la police et le FBI à cracker le chiffrement pour accéder aux données, et cela onze fois. Et onze fois, Apple refuse. L’argument de la société de Tim Cook est simple : cracker cet iPhone mettrait en danger les données de tous les utilisateurs. Apple refuse ainsi de mettre aussi en place une porte dérobée uniquement pour la police, car une fois qu’il existe un accès, celui-ci a le risque d’être diffusé largement.
Imaginez si tout le monde devait avoir comme serrure de son logement une serrure qui peut être ouverte par un pass que seule la police possède (un peu sous la forme de la clé que possède la Poste, qui ouvre toutes les boîtes aux lettres). Que se passe-t-il quand ce pass se retrouve dans la nature ? C’est comme s’il était impossible de fermer votre porte à clé.
Ce n’est pas de la science-fiction, c’est déjà arrivé. En 2017, des pirates informatiques appelés Shadow Brokers ont volé des outils de piratages développés par la NSA. Ils ont été utilisés par la suite pour créer le logiciel de rançon WannaCry et NotPetya, paralysant des centaines d’entreprises et hôpitaux dans le monde. Ainsi, Apple se bat pour un monde plus sécurisé, mais passe pour le complice de dangereux terroristes.
Cependant, Tim Cook tient bon et c’est tout à son crédit, car la pression était forte, il aurait très bien pu céder pour être dans les bonnes grâces des autorités. D’autant plus que les relations entre Apple et le nouveau gouvernement de Donald Trump étaient pour le moins complexes. Il aurait été facile pour Tim Cook d’être plus « arrangeant » et en contrepartie demander à Trump que le gouvernement soit moins regardant concernant les problèmes d’antitrust.
Il est souvent reproché à Tim Cook de ne pas avoir sorti un produit aussi important que l’iPod, l’iPhone ou l’iPad. Cependant, des nouveaux produits très intéressants ont vu le jour sous sa direction, comme l’Apple Watch qui est le premier nouveau produit depuis la mort de Steve Jobs. Jony Ive dira qu’aucun projet de montre connecté n’a été discuté du vivant du cofondateur charismatique, faisant de l’Apple Watch le premier produit Apple post-Steve Jobs.
Au fur et à mesure des années, l’Apple Watch s’impose comme un des produits phares de la marque. À tel point qu’en 2019, Apple vend plus de montres que toutes les marques suisses réunies : 31 millions d’Apple Watch ont été vendus, contre 21,1 millions pour toutes les marques helvètes, le géant Swatch y compris. Une réussite totale.
L’iPhone X est la première évolution importante de l’iPhone. Créé pour marquer le coup des dix ans de l’iPhone, il change radicalement la façon d’interagir avec le smartphone. On oublie le bouton « Home » avec le TouchID, et on accueille FaceID et une interface tout en glisse et sans aucun bouton pressé. Cette version prépare l’avenir du smartphone.
Cette nouvelle incarnation était un vrai risque pour Apple et Tim Cook. L’iPhone est le produit le plus important pour l’entreprise, le changer peut avoir des conséquences sérieuses : impossible de se tromper. Force est de constater que l’iPhone X est une réussite et que toutes les décisions prises pour le faire évoluer ont été les bonnes. Tous les iPhone sortis depuis ont repris les mêmes principes. De manière générale, il faut bien admettre que la gestion de la ligne des iPhone depuis la mort de Steve Jobs a été conduite de main de maître par Tim Cook. Cela n'a pas été le cas pour les smartphones concurrents...
Les AirPods sont des produits dont on parle peu, mais qui sont pourtant une véritable merveille. Ils sont la définition même du produit Apple : beau, pratique, facile d’utilisation, et complètement intégré à l’écosystème de la marque. Même si, à son lancement, certains ont essayé de le ridiculiser en se moquant du fait qu’il était facile de perdre une oreillette, ils se sont imposés de manière phénoménale. On les voit partout, notamment en visioconférence ou aux oreilles des journalistes de terrain à la télévision. Les concurrents ne peuvent d'ailleurs s'empêcher de les copier.
Contrairement à l’iPhone et à l’Apple Watch qui ont mis quelques années à s’imposer, les ventes ont décollé dès la sortie. Les AirPods sont même devenus un marqueur social : on retourne au début des années 2000 où avoir des écouteurs blancs montrait qu’on avait un iPod, qu’on était « cool ». C’est la même chose aujourd’hui avec les AirPods qui eux aussi sont d’un blanc nacré distinctif. On évalue les ventes d’AirPods aux alentours de 90 millions par an, un succès considérable.
Au niveau technique, tout a été revu pour éviter de se retrouver dans l’impasse dans laquelle se trouvait l’entreprise qui a failli l’amener à la faillite en 1996. Au contraire, des investissements massifs ont été faits pour avoir des plateformes technologiques saines pour l’avenir. Par exemple, les processeurs faits maison donnent à Apple un avantage technologique sans pareil. La transition des processeurs Intel aux processeurs M s’est passé avec succès dans un contexte économique difficile, le monde étant alors en pleine pandémie. Ils sont parmi les meilleurs du marché et ne sont disponibles que pour les produits Apple. Un véritable tour de force face aux géants que sont Intel, AMD et Qualcomm.
Que ce soit le langage de programmation Swift et ses bibliothèques comme ARKit pour la réalité augmentée ou HomeKit pour les objets connectés, les systèmes d’exploitation macOS, iOS, iPadOS, tvOS, watchOS et d’autres : Apple est préparée pour le long terme. Et tout cela s’est fait sous la direction de Tim Cook. Si vous voulez aller plus loin, vous pouvez lire sa biographie, même si elle est un peu trop hagiographique à mon goût.
Reste la question du leadership. Comme nous l’avons abordé, l’équipe a peu évolué depuis dix ans. La plupart des personnes à la tête de l’entreprise étaient déjà là en 2011, et même avant. Cependant, cela change progressivement. Jony Ive est parti, ainsi que Phil Schiller et Luca Maestri. On voit apparaître de nouvelles têtes plus diverses et jeunes, comme Katherine Adams, Lisa Jackson ou encore Isabel Ge Mahe.
Malgré tous ces succès, nous verrons dans un deuxième article pourquoi il est temps pour Tim Cook de laisser sa place à quelqu’un d’autre.
Nous allons faire cet état des lieux en trois articles : un premier qui analyse comment Tim Cook a permis de développer considérablement Apple, un deuxième beaucoup plus critique sur son bilan et un troisième qui essaie d’anticiper qui pourrait le remplacer comme CEO.
Partie 1 : Tim Cook, un grand CEO.
Je peine à imaginer l’état d’esprit de Tim Cook quand on lui annonce la mort de Steve Jobs le 5 octobre 2011. Évidemment de la tristesse d’avoir perdu son mentor et ami. Mais peut-être aussi de l’appréhension, voire de la peur, à l’idée de se retrouver cette fois-ci seul à la tête d’Apple, sans pouvoir demander conseil à son ami. Il a alors, à mon sens, le travail le plus impossible au monde : prendre la suite de Steve Jobs. D’autant plus que le co-fondateur d’Apple est alors presque déifié sur le champ. Il meurt relativement jeune (56 ans) en enchaînant des succès pharaoniques que sont l’iPod, l’iPhone et l’iPad. Steve Jobs est alors plus une figure messianique qu’il est impossible de critiquer. Et Tim Cook doit le remplacer, mais est-ce possible ?
Les fans de la marque, en tout cas les plus vieux, avaient de quoi avoir un peu peur. La dernière fois que Steve Jobs a quitté Apple, c’était en 1985. Pour ceux qui se rappellent, après des débuts intéressants, le CEO John Sculley a rapidement déçu et ses successeurs n’ont pas réussi à redresser la barre. Que ce soit avec Michael Spindler ou Gil Amelio à sa tête, Apple est allé droit dans le mur. Il est logique d’avoir une certaine appréhension à l’annonce de la mort de Steve Jobs : Tim Cook réussira-t-il là où tous les autres ont échoué ?
Une réussite financière certaine
Quand Steve Jobs disparait, Tim Cook a dû se retrousser les manches, mettre sa tristesse de côté et se mettre au travail. Et avec le recul, on peut dire qu’il a réussi. Combien d’entreprises ne survivent pas au départ de leur fondateur charismatique ? L’histoire aurait pu être tout autre, avec un Apple moribond qui, année après année, perd des parts de marché et devient une entreprise quelconque. Force est de constater que ce n’est pas le cas. Certes, beaucoup critiquent Tim Cook et pensent qu’Apple a perdu de son identité, nous y reviendrons avec le deuxième article, mais si on regarde les chiffres, ils sont impressionnants.
Quand Steve Jobs meurt, le chiffre d’affaires est de 108 milliards de dollars. En 2023, il est de 383 milliards. En ce qui concerne les bénéfices nets, ils passent de 25,9 milliards de dollars en 2011 à 90 en 2023. Soit presque un quadruplement en 12 ans. Ainsi, au niveau comptable, rien à redire : c’est une réussite incomparable. Apple devient sous la direction de Tim Cook l’entreprise la plus importante au monde, tant au niveau de sa capitalisation boursière qu’au niveau de sa surface financière. De plus, au niveau opérationnel, la société continue l’optimisation à tous les niveaux. La rentabilité est en hausse et de nouveaux marchés sont en pleine expansion, comme la Chine et l’Inde.
Tim Cook ne se voit pas comme le nouveau Steve Jobs
De plus, Tim Cook a eu l’intelligence de ne pas se prendre pour ce qu’il n’est pas. John Sculley, après le départ de Steve Jobs en 1985, n’a pas eu cet état d’esprit. Il n’arrêtera pas d’essayer de jouer les innovateurs avec, par exemple, le Knowledge Navigator.
Même au sein d’Apple, les ingénieurs à l’époque en souriaient. Andy Hertzfeld, développeur sur le Macintosh, dont je vous conseille son fabuleux livre Revolution in The Valley, dit d’ailleurs : « C’est un frimeur ». Jean-Louis Gassée, qui remplacera Steve Jobs à la tête de l'équipe du Mac, acquiesce : « Il avait un besoin irrépressible de mettre son nom sur un produit ». Ce n’est pas du tout ce que fera Tim Cook. Il aurait pu copier le fonctionnement de son prédécesseur : s’occuper du marketing, du développement des produits, du design tant matériel que logiciel. Au lieu de cela, il s’occupe de près à tout ce qui touche l’opérationnel, sa spécialité, c'est-à-dire la gestion de stock et plus globalement la logistique. D’ailleurs, à l’époque de Steve Jobs, c’était déjà le cas. On peut même dire que, dans les faits, Tim Cook dirigeait Apple depuis des années avant la mort de Steve Jobs, permettant au co-fondateur d’Apple de se concentrer sur des domaines précis comme le développement des produits et le marketing. Le dernier conseil que Steve Jobs donnera à Tim Cook est le suivant : surtout ne te pose jamais la question “Que ferait Steve ?”. Et le conseil sera suivi à la lettre.
Tim Cook sait déléguer
La tentation est grande pour un nouveau CEO de tout chambouler à sa nomination afin d’imprimer sa marque et de montrer ainsi qu’il incarne le renouveau. Ce n’est pas ce qu’a décidé de faire Tim Cook à la mort de Steve Jobs. Au contraire, il s’est entouré d’une équipe avec beaucoup d’expérience déjà bien implantée depuis des années : Scott Forstall pour la gestion du logiciel, Jony Ive pour le design, Phil Schiller au marketing et Eddy Cue à la tête des services. Là encore, il ne fait pas semblant d’être Steve. Il n’ira pas parler pendant des heures de design avec Jony Ive ou chipoter sur l’emplacement de certains pixels avec Forstall, il fera confiance à ces personnes qui sont ultra-compétentes dans leurs domaines respectifs.
Diversification des revenus
L’un des défis de Tim Cook est la diversification des revenus. En 2011, Apple est très dépendante de la performance de ventes des iPhone. À la mort de Steve Jobs, l’iPhone forme 40 % du chiffre d’affaires ; en 2021, cela monte à 59 %. C’est pour cela que Tim Cook décide de diversifier la source des revenus d’Apple de multiples manières, comme en générant des abonnements issus de services. C'est ainsi qu'iCloud est lancé en 2011 : il prend la suite de MobileMe, qui lui-même vient après .Mac, anciennement iTools, etc. C’est un système classique de sauvegarde en ligne qui permet dans le même temps d’avoir accès à certains services en ligne, comme les logiciels de la suite iWork (Pages, Numbers, etc.).
De même, en 2014, Beats est acheté pour 3 milliards de dollars par l’entreprise de Cupertino, principalement pour sa plateforme de streaming qui sera transformée en Apple Music.
Ce n’est que le début.
D’autres services, moins en lien avec le cœur de métier d’Apple, sont sortis par la suite. Faisons rapidement la liste :
- Apple News+ : abonnement permettant d’accéder au contenu de plus de trois cents magazines et quotidiens (non disponible en France actuellement).
- Apple TV+ : concurrent de Netflix, Amazon Prime ou Disney+ avec ses films et séries exclusives.
- Apple Fitness+ : service de vidéo de remise en forme connecté à l’Apple Watch, concurrent de Peloton entre autres.
- Apple Arcade : ensemble de jeux vidéo exclusifs.
- On peut aussi ajouter l’Apple Card qui est une carte bleue lancée en partenariat avec la banque Goldman Sachs.
Les revenus de l’App Store, Apple Music et iCloud sont immenses. Chacun de ces services pourrait être une très grande entreprise mondiale par son chiffre d’affaires.
Tim Cook reconnait ses erreurs et sait prendre des décisions difficiles
Ron Johnson, patron des Apple Store et créateur du concept avec Steve Jobs, décide de quitter Apple quelques jours après la mort du co-fondateur pour être CEO de J.C. Penney. Il faut lui trouver un remplaçant et Tim Cook choisit John Browett, jusque-là patron des magasins d’électronique Dixon au Royaume-Uni. Malheureusement, c’est un très mauvais choix. Dès son arrivée, beaucoup sont surpris. Le choc des cultures est trop important et Browett n’arrive pas à entrer dans le moule. Venant du milieu de la grande distribution, il a essayé d’appliquer les mêmes méthodes en essayant d'optimiser au maximum le chiffre d'affaires au mètre carré. Les employés des Apple Store n’ont pas du tout apprécié ces changements, et c’est assez logiquement que Browett a été remercié, neuf mois seulement après avoir pris ses fonctions. Cela démontre que Tim Cook ne fait pas de sentiments et n’hésite pas à réparer ses propres erreurs rapidement. Nombreux sont ceux qui se seraient entêtés, refusant d’admettre qu’ils s’étaient trompés : pas Tim Cook.
Tim Cook ne se laisse pas faire
Autre exemple, le fiasco de la première version d’Apple Maps. À sa sortie, l’application était truffée de bugs et de problèmes. Par exemple, des données sont fausses (des noms de ville mal orthographiés ou qui n’apparaissent carrément pas) ou imprécises (des villes se trouvent à plusieurs kilomètres de leur emplacement réel, des entreprises qui n’existent plus ou apparaissent dans le jardin de particuliers, etc.). Même si certaines de ces erreurs peuvent prêter à sourire, cela est très mauvais pour l’image de marque, mais surtout peut avoir des conséquences désastreuses.
Néanmoins, Tim Cook ne perd pas de temps et assume ses responsabilités. Il publie une lettre d’excuses dix jours seulement après la sortie d’iOS 6. Dans celle-ci, il précise qu’Apple travaille à l’amélioration de l’application, mais que celle-ci n’est pas au niveau. Il indique alors que l’App Store propose des alternatives telles que Google Maps ou Waze.
En coulisses, c’est le feu. On apprendra par la suite que Scott Forstall, alors patron du logiciel, devait être le signataire de cette lettre d’excuses, mais qu’il refusera de le faire (prétextant que les critiques étaient pour la plupart exagérées). C’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase pour Tim Cook, qui le congédie sur le champ. En effet, Forstall est assez mal vu en interne, se prenant pour Jobs dans tous ses mauvais côtés : dur, insultant, demandant une loyauté sans faille et une quantité de travail titanesque de chaque membre de son équipe. Pire, son ambition sans bornes commence à être incontrôlable, il ira jusqu’à s’approprier le travail d’autres personnes et refuser d’assumer ses erreurs. Fortsall est un tel problème que certains refusent de travailler avec lui, comme la superstar Jony Ive. Nul doute que cette décision a été difficile à prendre pour Tim Cook, cela ressemble à un premier baptême du feu. Pour ceux qui doutaient qu’il soit à la hauteur, ce choix démontre le contraire. Forstall était un lieutenant important de Jobs depuis plus de vingt ans. Certains le voyaient d’ailleurs comme son successeur légitime (il devait lui-même le penser) : et pourtant, Tim Cook n’a pas hésité à le licencier.
Tim Cook redéfinit Apple
Avant, Apple était définie par Steve Jobs : tout ce qu’il décidait était en accord avec la culture d’entreprise. C’était lui qui incarnait, en intégralité, ce qui faisait Apple. Qu’importent ses contradictions, tel un empereur, Steve Jobs définissait ce qu’était Apple par sa seule décision qui faisait loi. Depuis sa disparition, Tim Cook passera beaucoup de temps avec ses collaborateurs à la réflexion de ce qu’est vraiment Apple. Tout cela est explicité lors de la keynote de la WWDC en 2013. La vidéo d’introduction est un résumé de ce qu’est Apple pour Tim Cook. On peut synthétiser cela en une phrase : Apple, c’est un millier de non pour chaque oui. En effet, l’ADN de l’entreprise est d’essayer de faire le produit parfait et pour cela, il faut être intransigeant sur la qualité et sur les fonctionnalités. Ainsi, Cook institutionnalise cela aux yeux de tous.
Un Apple plus représentatif
Outre la diversification des revenus, Tim Cook veut faire d’Apple une entreprise plus éthique. Cela se constate à plusieurs niveaux. Premièrement, l’accent est mis sur la nécessité pour Apple de présenter plus de diversité au niveau de ses employés. C’est un problème récurrent dans le monde de la technologie qui a tendance à avoir qu’un seul profil de technicien : jeune homme blanc hétérosexuel issu d’un milieu social privilégié. C’est dans cette optique qu’Apple diffuse à présent des données sur la diversité de ses employés. On peut ainsi connaître la répartition hommes/femmes et leurs origines. Rappelons qu’il est possible de faire des statistiques ethniques aux États-Unis, alors qu’il est interdit de le faire en France. Ainsi, en 2022, il y avait 27 % d’Asiatiques, 9 % de Noirs, 14 % d’Hispaniques et 42 % de Blancs. En faisant cela chaque année, Apple peut noter les évolutions dans le recrutement. Par exemple, le nombre de personnes issues de minorités a augmenté de 64 % en six ans, 70 % pour les femmes. On peut aussi le voir directement lors des keynotes où les femmes et les minorités sont de plus en plus mises en avant comme présentateurs et présentatrices, là où à l’époque de Steve Jobs, il n’y avait que des hommes blancs d’âge mûr.
Un Apple plus écologique
Déjà à l’époque de Steve Jobs, Apple avait investi massivement dans l’écologie en éliminant des composants toxiques de ses produits et en proposant des initiatives de recyclage. Cela sous la pression de Greenpeace, qui avait accusé l’entreprise de ne pas en faire assez. Depuis, sous la houlette de Tim Cook, les initiatives se sont multipliées. Apple annonce qu’elle sera neutre en carbone en 2030, et cela, même pour toute la chaîne logistique. Ainsi, en 2030, les produits Apple ne devraient plus avoir d'impact sur le climat. Cupertino est déjà neutre en carbone, mais comme la production de ses produits est gérée par des sous-traitants, cette annonce est importante. Apple investit aussi dans des champs à éolienne offshore et finance des puits de carbone naturels. Cupertino incite aussi ses fournisseurs à se « verdir » : en 2021, cent dix partenaires sont passés à 100 % d’énergie renouvelable sur leurs chaînes de production.
Le combat pour la vie privée
Tim Cook a également conduit Apple à protéger la vie privée de ses clients. C’est un coup à deux bandes, car cela permet aussi d’avoir un positionnement marketing intéressant. En s’investissant dans ce combat, non seulement Apple se montre sous un jour favorable, mais cela permet aussi d’attirer l’attention sur ses concurrents que sont Facebook et Google. Ajoutons qu’il est facile pour Apple d’apparaître comme le chevalier blanc sur la gestion de la vie privée. En effet, son chiffre d’affaires n’est pas lié à la publicité. Cela ne lui coûte rien de limiter le suivi des utilisateurs de produit Apple et cela blesse ses concurrents : c’est du gagnant-gagnant.
Le combat pour la vie privée peut prendre des tournures inédites. Pour protéger les utilisateurs, Apple chiffre toutes les données sur ses produits, comme l’iPhone. Ainsi, personne ne peut accéder aux données, même pas Apple, sans le mot de passe de l’utilisateur. La conséquence devient une affaire de sécurité nationale quand, en décembre 2015, un couple de terroristes fait un attentat dans la ville de San Bernardino en Californie, faisant quatorze morts et vingt-deux blessés. Le couple a été tué pendant leur interpellation, mais la police a récupéré un iPhone 5c parmi leurs affaires. Cependant, impossible d’accéder aux données sans le mot de passe. La cour de justice de Californie demande alors à Apple d’aider la police et le FBI à cracker le chiffrement pour accéder aux données, et cela onze fois. Et onze fois, Apple refuse. L’argument de la société de Tim Cook est simple : cracker cet iPhone mettrait en danger les données de tous les utilisateurs. Apple refuse ainsi de mettre aussi en place une porte dérobée uniquement pour la police, car une fois qu’il existe un accès, celui-ci a le risque d’être diffusé largement.
Imaginez si tout le monde devait avoir comme serrure de son logement une serrure qui peut être ouverte par un pass que seule la police possède (un peu sous la forme de la clé que possède la Poste, qui ouvre toutes les boîtes aux lettres). Que se passe-t-il quand ce pass se retrouve dans la nature ? C’est comme s’il était impossible de fermer votre porte à clé.
Ce n’est pas de la science-fiction, c’est déjà arrivé. En 2017, des pirates informatiques appelés Shadow Brokers ont volé des outils de piratages développés par la NSA. Ils ont été utilisés par la suite pour créer le logiciel de rançon WannaCry et NotPetya, paralysant des centaines d’entreprises et hôpitaux dans le monde. Ainsi, Apple se bat pour un monde plus sécurisé, mais passe pour le complice de dangereux terroristes.
Cependant, Tim Cook tient bon et c’est tout à son crédit, car la pression était forte, il aurait très bien pu céder pour être dans les bonnes grâces des autorités. D’autant plus que les relations entre Apple et le nouveau gouvernement de Donald Trump étaient pour le moins complexes. Il aurait été facile pour Tim Cook d’être plus « arrangeant » et en contrepartie demander à Trump que le gouvernement soit moins regardant concernant les problèmes d’antitrust.
Apple Watch
Il est souvent reproché à Tim Cook de ne pas avoir sorti un produit aussi important que l’iPod, l’iPhone ou l’iPad. Cependant, des nouveaux produits très intéressants ont vu le jour sous sa direction, comme l’Apple Watch qui est le premier nouveau produit depuis la mort de Steve Jobs. Jony Ive dira qu’aucun projet de montre connecté n’a été discuté du vivant du cofondateur charismatique, faisant de l’Apple Watch le premier produit Apple post-Steve Jobs.
Au fur et à mesure des années, l’Apple Watch s’impose comme un des produits phares de la marque. À tel point qu’en 2019, Apple vend plus de montres que toutes les marques suisses réunies : 31 millions d’Apple Watch ont été vendus, contre 21,1 millions pour toutes les marques helvètes, le géant Swatch y compris. Une réussite totale.
iPhone X
L’iPhone X est la première évolution importante de l’iPhone. Créé pour marquer le coup des dix ans de l’iPhone, il change radicalement la façon d’interagir avec le smartphone. On oublie le bouton « Home » avec le TouchID, et on accueille FaceID et une interface tout en glisse et sans aucun bouton pressé. Cette version prépare l’avenir du smartphone.
Cette nouvelle incarnation était un vrai risque pour Apple et Tim Cook. L’iPhone est le produit le plus important pour l’entreprise, le changer peut avoir des conséquences sérieuses : impossible de se tromper. Force est de constater que l’iPhone X est une réussite et que toutes les décisions prises pour le faire évoluer ont été les bonnes. Tous les iPhone sortis depuis ont repris les mêmes principes. De manière générale, il faut bien admettre que la gestion de la ligne des iPhone depuis la mort de Steve Jobs a été conduite de main de maître par Tim Cook. Cela n'a pas été le cas pour les smartphones concurrents...
AirPods
Les AirPods sont des produits dont on parle peu, mais qui sont pourtant une véritable merveille. Ils sont la définition même du produit Apple : beau, pratique, facile d’utilisation, et complètement intégré à l’écosystème de la marque. Même si, à son lancement, certains ont essayé de le ridiculiser en se moquant du fait qu’il était facile de perdre une oreillette, ils se sont imposés de manière phénoménale. On les voit partout, notamment en visioconférence ou aux oreilles des journalistes de terrain à la télévision. Les concurrents ne peuvent d'ailleurs s'empêcher de les copier.
Contrairement à l’iPhone et à l’Apple Watch qui ont mis quelques années à s’imposer, les ventes ont décollé dès la sortie. Les AirPods sont même devenus un marqueur social : on retourne au début des années 2000 où avoir des écouteurs blancs montrait qu’on avait un iPod, qu’on était « cool ». C’est la même chose aujourd’hui avec les AirPods qui eux aussi sont d’un blanc nacré distinctif. On évalue les ventes d’AirPods aux alentours de 90 millions par an, un succès considérable.
Des investissements techniques d’ampleur
Au niveau technique, tout a été revu pour éviter de se retrouver dans l’impasse dans laquelle se trouvait l’entreprise qui a failli l’amener à la faillite en 1996. Au contraire, des investissements massifs ont été faits pour avoir des plateformes technologiques saines pour l’avenir. Par exemple, les processeurs faits maison donnent à Apple un avantage technologique sans pareil. La transition des processeurs Intel aux processeurs M s’est passé avec succès dans un contexte économique difficile, le monde étant alors en pleine pandémie. Ils sont parmi les meilleurs du marché et ne sont disponibles que pour les produits Apple. Un véritable tour de force face aux géants que sont Intel, AMD et Qualcomm.
Que ce soit le langage de programmation Swift et ses bibliothèques comme ARKit pour la réalité augmentée ou HomeKit pour les objets connectés, les systèmes d’exploitation macOS, iOS, iPadOS, tvOS, watchOS et d’autres : Apple est préparée pour le long terme. Et tout cela s’est fait sous la direction de Tim Cook. Si vous voulez aller plus loin, vous pouvez lire sa biographie, même si elle est un peu trop hagiographique à mon goût.
Reste la question du leadership. Comme nous l’avons abordé, l’équipe a peu évolué depuis dix ans. La plupart des personnes à la tête de l’entreprise étaient déjà là en 2011, et même avant. Cependant, cela change progressivement. Jony Ive est parti, ainsi que Phil Schiller et Luca Maestri. On voit apparaître de nouvelles têtes plus diverses et jeunes, comme Katherine Adams, Lisa Jackson ou encore Isabel Ge Mahe.
Malgré tous ces succès, nous verrons dans un deuxième article pourquoi il est temps pour Tim Cook de laisser sa place à quelqu’un d’autre.