Raccordement de l’EPR de Flamanville : mais ça change quoi pour nous au juste ?
Par Vincent Lautier - Publié le
Un réacteur enfin opérationnel
Vous vous demandez parfois pourquoi on vous parle ici des coûts de l’électricité, de centrales, de nucléaire, de politiques énergétiques. Il y a une multitude de raisons à cela, la première c’est que chaque produit que nous évoquons dans nos colonnes fonctionne à l’électricité (Breaking news), et qu’à chaque fois que nous testons un ordinateur, que nous analysons une nouvelle puce lancée par Intel, AMD ou Apple, sa consommation énergétique est un sujet. Nous vous parlons aussi beaucoup de batteries, de panneaux solaires, et bien sûr de véhicules électriques. Alors oui, quand la France raccorde enfin sa plus grosse centrale au réseau, ça nous intéresse.
Le projet ne date pas d’hier. Lancé en 2007, cet EPR (réacteur pressurisé européen) de Flamanville est un projet ambitieux, qui a été marqué par des déboires techniques et financiers nombreux. Conçu pour produire jusqu’à 1 600 MW, il est le réacteur le plus puissant du parc nucléaire français. Un de ses objectifs est de réduire les déchets radioactifs de 15 à 30 % grâce à une fission plus complète de l’uranium, mais il a accumulé 12 ans de retard et vu son coût exploser de 3,3 milliards à 19 milliards d’euros, selon la Cour des comptes. Les calculs sont pas bons Kevin.
Cette mise en service tardive marque quand même le premier raccordement d’un réacteur en France depuis 25 ans. Et donc, c’est la news de ces dernières heures, son exploitation débute progressivement, avec des tests et une montée en puissance qui s’étaleront jusqu’à l’été 2025.
Quel impact pour nous ?
Sur le court terme, nous ne devrions hélas pas constater de changement sur nos factures. Les prix de l’électricité dépendent principalement des marchés européens, de la demande et de la production globale. L’EPR, en revanche, renforce la sécurité énergétique de la France, en particulier pour éviter des situations comme en 2022, où des pannes dans les centrales ont obligé le pays à importer de l’électricité pour la première fois depuis 42 ans.
L’ajout de ce réacteur pourrait également faire, à terme, de la France un exportateur net d’électricité, grâce à une capacité plus importante. Mais attention, ne nous emballons pas, cette “surcapacité” reste soumise à des aléas économiques et ne garantit pas une stabilisation des tarifs pour les particuliers. Loin de là.
Un levier clé pour la transition énergétique
L’EPR de Flamanville fait quand même partie d’une stratégie qui a pour but d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. En complément des énergies renouvelables, le nucléaire est aujourd’hui encore une source essentielle pour produire de l’électricité bas carbone, même si certains partis politiques et associations continuent à penser que le nucléaire comporte des risques importants, et préfèreraient que le pays investisse sur le solaire et l’éolien, comme c’est le cas en Allemagne, qui a fermé ses centrales (ce qui pose quand même quelques problèmes).
Emmanuel Macron a lui relancé cette filière en 2022, avec l’annonce de la construction de six nouveaux réacteurs EPR2, en particulier sur les sites de Penly et Gravelines. Mais là aussi les problèmes sont au coin de la rue, les retards et dépassements de coûts posent question sur la faisabilité de ces projets. EDF, entreprise publique lourdement endettée, a réduit les investissements prévus pour les préparatifs de ces chantiers, c’est donc plutôt mal parti.
Une réussite quand même ?
L’EPR symbolise malgré tout une relance ambitieuse de la filière nucléaire française, en même temps qu’un pari risqué. Ses coûts colossaux, ses nombreux retards et les incertitudes sur sa rentabilité posent question, et les experts ont du mal à trancher sur la pertinence de ce modèle à long terme.
Au-delà des débats économiques, la mise en service de l’EPR rappelle quand même la nécessité d’une planification rigoureuse pour éviter les erreurs passées. Si ce réacteur réussit à répondre aux besoins énergétiques du pays, en nous évitant d’importer de l’électricité, ça sera néanmoins toujours ça de gagné.