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John Sculley déballe

Par Arnaud Morel - Publié le

John Sculley, ancien PDG d'Apple, resté surtout célèbre pour avoir conduit, suite à une bataille interne, au départ de Steve jobs en 1986, revient, dans une interview reproduite par CultOfMac, pour l'une des premières fois sur son passage chez Apple -qu'il quittera en 1993-, sur ses rapports avec Jobs et leurs inspirations. Assez passionnant.

John Sculley déballe


La plus grosse erreur d'Apple a été de m'engager comme PDG



John Sculley déballe
D'emblée, l'homme crève l'abcès : en regardant en arrière, ça a été une belle erreur de me choisir comme PDG. Je n'étais pas le premier choix de Steve Jobs. Son premier choix, c'était lui, mais le conseil d'administration n'était pas prêt à lui confier cette responsabilité à 25-26 ans. C'est David Rockefeller, qui était actionnaire d'Apple, qui a proposé une approche différente : demander l'avis d'un chercheur de tête comme Jerry Roach. C'est comme ça que j'ai été recruté. Je suis arrivé en ne connaissant rien aux ordinateurs. L'idée était que Steve et moi travaillions comme partenaires. Lui en charge de la technique, moi du marketing.

Les choses ne se passeront pas ainsi et la cohabitation tournera court du fait d'une définition des rôles très incertaine : Souvenez-vous, il était à la tête du Conseil d'Administration, le plus gros actionnaire, et il conduisait la division Macintosh. De fait il était à la fois en dessous de moi hiérarchiquement et au dessus de moi également. C'était un peu curieux et mon idée aujourd'hui est que nous n'aurions jamais été au conflit si le Conseil d'Administration avait fait un meilleur boulot en ne se demandant pas seulement comment recruter un PDG et le faire accepter par Steve mais en se demandant comment créer un configuration rendant cette coexistence fonctionnelle dans le temps.

Quand Steve est parti en 1986, je ne connaissais toujours pas grand chose aux ordinateurs. Ma première décision a été de rétablir l'entreprise, mais je ne savais pas comment faire ça.

Même viré, Jobs reste l'inspiration de Sculley : Tout ce que nous avons fait, c'était ses idées. J'ai compris sa méthode. Nous ne l'avons jamais changée. Donc nous n'avons pas proposé de licence pour nos produits, nous nous sommes concentrés sur le design. Nous avons développé les PowerBooks, Quicktime. Toutes ces choses étaient conçues autour de la philosophie de Steve.

Le newton a sauvé Apple



Le newton était une idée brillante, mais trop en avance sur son temps. La plupart des gens ne comprennent pas que pour le créer, nous avons du développer une nouvelle génération de microprocesseur. Nous nous sommes associés avec Olivetti et un homme du nom de Herman Hauser, qui avait lancé Acorn Computers en Grande-Bretagne. Et Herman a conçu le processeur ARM, et Apple et Olivetti l'ont soutenu. Apple et Olivetti détenaient 47% des actions de l'entreprise, Herman le reste.

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Si le Newton a sauvé Apple, c'est uniquement en revendant les actions ARM et en en tirant assez d'argent pour éviter la faillite. Quand Apple a été dans une situation financière désespérée, elle a vendu ses actions dans ARM pour 800 millions de dollars. Alors, tandis que le Newton a été un échec comme produit, et probablement englouti 100 millions, ça a été un succès du côté d'ARM. Leur technologie est dans tous les produits aujourd'hui, y compris les iPod et les iPhone d'Apple. C'est le Intel du moment.

Apple, d'inspiration italienne et japonaise



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L'amour de Cupertino pour les produits bien conçus et bien "designés" vient des concepteurs d'automobiles italiens. L'attention portée au packaging est plutôt à chercher du côté du Japon. Nous avons étudié le design des voitures italiennes. Nous l'avons vraiment fait, et nous étions les seuls dans la Silicon Valley à le faire. Ce n'était pas mon idée, c'était encore celle de Steve (...). Les gens nous appelaient une "agence de communication verticale", et c'était une grosse critique. Les ingénieurs ne peuvent rien imaginer de pire que ça, être traité d'agence de communication verticale. Et devinez quoi ? Les entreprises sont toutes sur ce modèle aujourd'hui. C'est le modèle dominant : les produits sont fabriqués ailleurs (que là où ils sont conçus NDR).

Nous avons appris comment faire des produits à la manière des Japonais. Nous assemblions nos produits à Singapour et les envoyons au Japon. La première chose que les clients voyaient était le manuel, mais celui-ci était placé dans le mauvais sens. Tout notre lot a été refusé. Aux USA, nous n'avions jamais rien connu de tel. Si vous mettez le manuel dans ce sens ou dans un autre, qu'est-ce que ça change ?

Et bien ça fait une grosse différence au Japon. Si vous regardez Apple et son attention portée aux détails... Le "Ouvrez-moi d'abord", la façon dont les boîtes sont conçues, les scotchs pour les ouvrir, la qualité du papier, de l'impression... C'est comme si vous ouvriez un colis en provenance d'un bijouterie. À mon époque, c'était le fait des japonais
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Le premier Macintosh non susceptible d'être proposé en licence



Souvent, les historiens des technologies voient dans l'absence de licence proposée aux constructeurs tiers pour les technologies du Macintosh comme le tournant décisif dans la bataille avec Microsoft, qui verra s'établir la domination de Windows sur le parc informatique. Selon Sculley, la raison en est très simple : le Macintosh n'avait pas d'OS au sens moderne du terme mais proposait un assemblage bricolé de briques logicielles et matérielles. Quelque chose d'impossible à proposer à des tiers. Le premier Macintosh n'avait pas de systèmes opératoire. Les gens ne cessent de demander "pourquoi n'avez-vous pas proposé de licence de Mac OS". La réponse est qu'il n'y en avait pas. Tout était fait à partir d'astuces logicielles et matérielles. Les microprocesseurs, à cette époque, était si faibles comparé à ce qu'ils sont aujourd'hui. Pour pouvoir afficher des graphiques à l'écran, il fallait utiliser toute la puissance disponible. Alors vous deviez coller des puces un peu partout autour pour décharger le processeur de certaines fonctions. Et vous deviez mettre ce que les ingénieurs appelaient des appels à la ROM. il y en avait 400, qui étaient des petites routines appelées depuis la ROM. Toutes ces choses tenaient à peine ensemble. Et c'est tout à fait remarquable qu'on ait pu produire une machine quand vous pensez que le premier microprocesseur du Mac avait une puissance de 3 MIPP (millions d'opérations par seconde). On ne peut pas trouver d'équivalent à cette puissance dans aucun produit aujourd'hui. Même une montre numérique est 200 ou 300 fois plus puissante.

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Le héros de Steve Jobs



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Steve Jobs était, d'après Sculley, très admiratif d'Edwin Land, cofondateur de Polaroïd. Je me souviens quand Steve a rencontré le Dr. Land. Nous étions dans une grande salle de conférence, autour d'une table vide. Land et Jobs regardaient le centre, vide, de la table. Land disait : "Je peux voir à quoi devrait ressembler l'appareil photo Polaroïd. C'est aussi réel que si je l'avais en face de moi. Et Steve a répondu : "Oui, c'est exactement comme ça que j'ai vu le Macintosh". Il a dit que s'il avait demandé à quelqu'un qui utilisait un calculateur personnel à quoi devrait ressembler le Macintosh, personne n'aurait pu lui dire. "Il n'y a aucune possibilité de faire une recherche grand public là dessus, alors j'ai du y aller et le créer, puis le montrer aux gens et leur demander ce qu'ils en pensaient".

Ces deux hommes avaient la faculté non pas d'inventer un produit, mais de le découvrir.

Jobs refuse toujours de parler avec Sculley



Même si l'homme se montre très humble face à Jobs, iPapy lui garde toujours une belle rancœur. De retour aux affaire, Jobs arrêtera immédiatement le projet Newton. Une volonté de revanche contre Sculley ? Je ne sais pas, il ne veut toujours pas me parler.

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