Mac4Pro : Aquafadas, cinglés du Mac
Par Arnaud Morel - Publié le
Pour ne rien gâcher, autour de Claudia Zimmer, très dynamique responsable de l'entreprise, c'est une équipe de français qui travaille. Autant dire qu'à Mac4Ever on a eu un grand plaisir à interviewer Claudia dans la langue de Molière pour qu'elle nous raconte le parcours de son entreprise de passionnés. Et comme ils sont installés à Montpellier, en plus, il y a du soleil dans l'aqua !
Une PME du Mac
Pouvez-vous vous présenter et présenter votre structure ? Combien
êtes-vous ? Quels sont vos rôles ?
Nous sommes actuellement 10 employés chez Aquafadas répartis en 3 pôles:
-le pôle développement de logiciels
-le pôle livre et BD nomades
-le pôle Admin/Commercial
Nous aurons aussi cet été 5 développeurs stagiaires dont certains resterons à l'issue de leur stage. Il y a une petite vidéo sur la (courte) histoire de Aquafadas ici
Les créatifs sont sur Mac
On dit souvent que la niche du Mac permet parfois de faire un plus grand
nombre de ventes que sur PC malgré la faible part de marché comparée.
Est-ce vrai et si oui, comment l'interpréter ?
Pour le moment nous développons des applications qui ne tournent que sur Mac. Il nous est donc difficile de faire un commentaire sur les ratios de vente Mac/PC ;-)
Les utilisateurs Macs sont très exigeants en terme de qualité de logiciel. Ils sont habitués aux standards d'Apple. Ils sont prêts à soutenir des éditeurs indépendants pour avoir des logiciels ergonomiques qui répondent à leurs besoins. C'est grâce à tous ces utilisateurs qu'une société comme Aquafadas peut développer des nouveaux logiciels.
Pour nous, développer sur Mac correspondait à une envie de Matthieu plus qu'à un réel choix stratégique. Ayant développé des logiciels pour les créatifs qui sont souvent équipés en Mac nous n'avons jamais eu à regretter notre choix.
Par contre pour accéder à des marchés comme celui de l'éducation nous sentons que d'être sur Mac uniquement est un réel handicap. Un logiciel comme PulpMotion (ainsi que sa nouvelle mouture Pro qui sera annoncée bientôt) a été pensé pour raconter des histoires avec ses photos ou vidéos. C'est un logiciel qui peut venir en soutien de projets pédagogiques sans que l'enfant n'ait à apprendre un logiciel compliqué.
Nous vendons des licences éducation aux USA (Universités pour leurs labos de langue, écoles primaires et même maternelles), en Grande Bretagne et en Australie où le thème News est utilisé massivement par les écoles. Le canton de Genève a également équipé toutes ses écoles de la maternelle au lycée.
Mais en France, peu de ventes education si ce n'est de nombreuses demandes pour une version compatible windows :-( Nous avons eu la même expérience sur le marché des OEM. Les fabricants de caméras ne seront intéressés par un logiciel que s'il existe en version windows...
Les APIs de luxe de Mac Os X
Que trouvez-vous de particulièrement remarquable pour caractériser la
plateforme de développement MacOS X ?
La qualité des outils mis à disposition gratuitement par Apple. XCode, Interface Builder et tous les outils d'optimisation ont bien mûris depuis quelques années et offrent un environnement intégré assez spectaculaire (même s'il reste des améliorations possibles).
L'infrastructure construite par Apple autour de Cocoa est, elle aussi, un élément majeur dans l'attrait pour la plateforme. Les objets mis à disposition des développeurs sont extrèmement puissants et évolués. Prenez la webView : c'est un objet qui représente une vue dans laquelle peut s'afficher une page web. Un développeur qui utilise cet objet a quasiment Safari entre les mains. On dit souvent, qu'on peut ecrire un éditeur de texte multi-documents complet, avec formattage des polices, règle et tabulations, et correction orthographique en moins de 20 lignes de code.
Ce qui est assez frappant pour un développeur abordant la plateforme, c'est la clarté et la relative concision des interfaces de programmation (APIs). Dans la plupart des cas, ces APIs ont été bien conçues avec peu de méthodes, et un souci d'adhésion à des principes de conception forts. Il y surement des exceptions et des choses à redire ça et là, mais Apple a fait un réel effort de simplicité lors de la conception des nouvelles briques de son édifice Cocoa. On est souvent frappé de voir que de nouvelles technologies telles que Quicklook, Spotlight, iChat Theater, Core Animation etc... requièrent souvent peu de travail de la part des développeurs. C'est dû à une infrastructure très évoluée dans laquelle Apple essaie souvent de cacher toute la complexité afin de ne laisser "dépasser" que les choses "simples". Les développeurs peuvent ensuite rajouter leur complexité propre au système.
Enfin, je trouve que la documentation officielle est très riche et il faut souligner le travail énorme qui est fait pour fournir des documents à jour, des exemples de code, etc...
La jungle des bibliothèques anciennes
Quelles sont encore ses lacunes ?
En vrac, on peut citer les difficultés potentielles suivantes:
- Il n'est pas toujours facile de voir comment utiliser les interfaces simples dont j'ai parlé plus haut pour faire des choses compliquées, ou qui sortent du cadre standard. Les exemples sont plus rares et il faut partir à la recherche d'indices dans les listes de discussion. C'est souvent long et laborieux (on notera cependant l'excellent site cocoabuilder.com).
- Il y derrière les bibliothèques récentes et assez épurées, une vraie jungle de bibliothèques en C plus anciennes, qui ont été plus ou moins bien conçues. On ne peut pas toujours les ignorer, car elles donnent accès à des fonctionnalités qui n'ont pas d'équivalent dans les bibliothèques plus modernes. C'est un premier point qui peut quelquefois rendre la plateforme moins agréable car plus complexe (Quicktime est un bon exemple).
- Le développement des technologies les plus récentes sur Mac OS X est aussi entouré d'un secret qui rend leur adoption par les développeurs assez difficile dans les phases de beta du système. Ce n'est pas une lacune de la plateforme, mais un effet secondaire lié au caractère peu ouvert de la phase de finalisation du système.
- La gestion des bugs par Apple quant à elle est souvent assez incompréhensible. Il est clair que certaines parties du système sont plus favorisées que d'autres. Nous savons que nous aurons à vivre avec des incohérences importantes qui sont pour l'instant en attente de correction.
Quel partenaire est Apple ? Trouvez-vous auprès de Cupertino un support efficace ? Que voudriez-vous voir amélioré ? Avez-vous le sentiment d’avoir autant de poids que certains développeurs de jeux (qui arrivent à travailler avec les ingénieurs de Cupertino, sur des soucis de libs OpenGL, par exemple) ?
Nos relations avec Apple sont très minimales même s'il y a individuellement des employés d'Apple qui nous soutiennent activement. Nous sommes très loin d'avoir le moindre poids sur les développements à Cupertino ;-)
La bonne nouvelle c'est que Apple choisi très bien ses nouveaux collaborateurs : notre ami Alberto Ricci ( Ovolab) vient d'être nommé iPhone evangelist pour l'Europe.
:-)
Le soleil de Montpellier
Rencontrez-vous des difficultés ou des facilités particulières à exercer ce métier en France ? N’avez-vous jamais été tentés d’émigrer, aux USA par exemple, où les conditions sont parfois plus avantageuses pour les sociétés IT ?
Nous nous sommes installés en France un peu par hasard. Nous étions résidents à Londres et avions envie d'une année sabbatique dans le sud de la France. Matthieu, passionné de Mac, avait envie de s'essayer en faisant une application dont nous avions un besoin désespéré, un logiciel qui nous permette de nous y retrouver dans toutes nos vidéos. Nous avons découverts en travaillant sur le projet que la France (et la région Languedoc Roussillon plus particulièrement) encourageait la création d'entreprises innovantes. Pourquoi nous installer aux USA? La France regorge de jeunes talents que nous envie la City à Londres ... et je ne parle même pas du soleil de Montpellier ;-)
Le processus de distribution actuel vous donne-t-il une visibilité suffisante sur vos applications ? Une mise en avant d’Apple est-elle déterminante (sur l’AppleStore notamment) sur vos ventes ?
La vocation d'Apple n'est clairement pas de faire la promotion des éditeurs indépendants.
Le seul endroit où Apple partage de l'espace c'est sur la rubrique Download de son site apple.com : Apple y liste un certain nombre de logiciels pour Mac, classés par rubrique. Ce site draine beaucoup de trafic et nous permet de toucher un certain public.
Jusqu'à l'année passée Apple livrait avec les Macs un certain nombre de logiciels tiers. Cela n'est plus le cas depuis cette année : les Macs sont livrés avec des produits Apple uniquement, à charge de chaque éditeur de faire la promotion de ses applications. Cette suppression des logiciels tiers a été un signal négatif très fort pour la communauté des éditeurs indépendants. Il nous faut donc trouver de nouvelles formes de promotion de nos produits et ce n'est certainement pas par hasard si on a vu dernièrement une multiplication d'actions de marketing pour les logiciels Macs (Give Good Food to your Mac, MacHeist, MuPromo...)
Les ventes en magasins représentent très peu par rapport à nos ventes en ligne même si nous sommes présents dans le Apple stores aux USA, au Japon et en Italie, à la FNAC en France, chez Gravis en Allemagne.
Des Stores "éditoriaux" ?
Que penseriez-vous d’un AppStore pour le Mac, le marché est-il prêt ?
Il faut que les utilisateurs Mac puissent avoir un endroit identifié, bien référencé où ils puissent touver des solutions logicielles. Les suites iLife et iWork ne répondent pas, loin s'en faut, à tous les besoins d'une famille ou d'un professionnel.
Des sites de téléchargement à la VersionTracker ou MacUpdate sont aussi de bons endroits pour découvrir de nouveaux logiciels mais l'offre y est trop pléthorique. Comment s'y retrouver. Au delà d'un store unique centralisateur, je pense qu'il y a de la place pour des stores 'editoriaux'. Des lieux spécialisés autour de thématiques où l'on puisse découvrir des nouveaux logiciels, les acheter mais aussi se faire conseiller, avoir accès à des banc d'essai... Ce qu'il faut pouvoir reproduire sur la toile c'est le conseiller du magasin qui guide l'acheteur, connait les besoins du client et accompagne l'achat grace à des conseils, articles...Un AppStore unique ne remplira pas cette fonction. Il y a donc la place pour de nombreux stores spécialisés.
Les bons conseils de Claudia !
Quels premiers conseils donneriez-vous à un développeur souhaitant se
lancer ?
-Trouver une bonne idée de logiciel : si vous avez un besoin particulier, il est très probable que vous ne soyez pas le seul. Parlez en autour de vous ...et foncez!
-Regarder et s'imprégner des standards de la plateforme. Les utilisateurs Mac sont très attachés à l'ergonomie des logiciels : forme et fonction doivent être parfaites. Si vous n'avez pas de talents particuliers en design graphique, faites vous aider.
-Rendre publiques les bétas pour avoir un retour des utilisateurs: rien de tel que les commentaires des utilisateurs pour orienter le developpement d'un produit. Même si on se fait plaisir en designant une application il ne faut pas perdre de vue que l'on développe pour la communauté : les avis des utilisateurs sont précieux et il est primordial de les prendre en compte pour développer dans la bonne direction.
-Prendre le temps d'une longue Beta pour avoir une version 1.0 qui soit 'polished'. De nombreux utilisateurs essaieront la 1.0 pour découvrir un logiciel et n'y retourneront plus jamais s'ils n'ont pas été convaincus dans les premières secondes. Votre application va être comparée aux applications b Apple! Il y a de nombreux et superbes logiciels sur le marché... à vous de faire la différence!
-Proposer immédiatement une version anglaise du logiciel à côté de la version française (je sais je vais recevoir des mails d'insultes...).
Mais, le marché Mac est surtout mondial et au démarrage il n'est pas évident de faire entendre sa voix. Alors il vaut mieux pouvoir communiquer sur le plus grand nombre. Les américains sont plus friands de nouveautés que les européens.
-Il vous faudra consacrer un temps certain à la communication. Vous allez faire un produit merveilleux dont tout le monde a besoin... mais comment le monde va-t-il le savoir? Consacrez au moins un jour par semaine à faire de la communication ou demandez de l'aide à quelqu'un si vous êtes allergique ;-) C'est primordial. Abandonnez cette idée reçue: ce n'est pas parce qu'on touche toute la planète avec internet, que votre produit se vendra tout seul.
- Lorsque le logiciel est sorti, vous entrez dans un autre monde. Attention, car on ne le mesure pas assez ! Vous vous serez habitué à ce monde sans contrainte du développement: un monde, ou votre agenda n'est dicté que par vos idées, vos envies. Un monde, où vous avez un certain contrôle sur votre temps, et pouvez planifier. Une fois le logiciel sorti, tout change. Vous aurez des clients, des courriels arriveront par centaines. Il faudra y répondre. Il y a d'un côté d'avoir un réel feedback et échange avec les utilisateurs mais vous aurez aussi à gérer cette frustration de ne plus pouvoir travailler comme avant, de voir votre temps se consumer dans des activités de support, de réponse aux mails. Contrairement à une idée reçue, plus le logiciel a de succès, plus ce virage peut s'avérer difficile à gérer. Ne pas sous-estimer cette partie.
- Restez fidèle à votre vision de départ: en général, quand on crée, on a une vision de produit. Vous serez amené a faire des ajustements, car vous aurez sous-estimé une chose ou une autre, ou découvrirez une bonne idée en parlant avec vos utilisateurs. Mais gardez aussi la tête froide et sachez déceler la fausse bonne idée qui vous aurait fait perdre du temps ... ne vous laissez pas impressionner par 1 utilisateur qui veut vous entrainer là ou vous n'aviez pas prévu d'aller.
Quels sont les moyens minimaux à mettre en oeuvre ?
Pour demarrer il faut un Mac (ou deux pour tester) , des idées et un réel plaisir à developper. C'est à peu près tout ;-)
Il faut tout de même prévoir de la trésorerie pour tenir pendant tout le temps où vous allez développer sans encore avoir de revenu.
Sur les quelques logiciels que nous avons développé nous avons pu constater que le temps consacré à la finition d'un logiciel très important: si vous avez un premier prototype fonctionnel de votre application vous avez fait 5% du chemin!
Certains choisissent de développer en plus de leur travail ou encore de faire du service en parallèle mais attention, cela allonge les délais.
Et pour finir, quand vous êtes content de votre logiciel déployez la dernière énergie à l'élaboration du site (et oui, il faut une vitrine) et la documentation.
Les Aquafadas
Une interview vidéo réalisée par Mac4Ever lors de l'Apple Expo 07