iPhone : comment Apple répond au piratage
Par Didier Pulicani - Publié le
Une prise de conscience tardive
En mettant son iPhone sur le marché, Apple a été claire : l’appareil serait bridé aux applications propriétaires. Comme pour l’iPod, il ne serait officiellement pas possible de rajouter des programmes, Cupertino justifiant ce choix pour des questions de sécurité.
Or assez rapidement, un SDK
non-officielest apparu sur la toile, permettant d’aller assez loin dans les fonctionnalités de l’iPhone. Fin 2007, on peut même dire que ce dernier a atteint un stade relativement mature, permettant de proposer des programmes tout à fait stables aux utilisateurs ayant choisi de "JailBreaker" leur appareil. La manipulation est en effet nécessaire pour profiter d'application tierces.
Face à cela, Apple n’a pas tardé à réagir : annonce de l’annonce, puis annonce officielle début mars, pour une date de disponibilité finale fixée à juin, moyennant 99$ pour pouvoir développer dans de bonnes conditions et proposer ses applications au reste du monde. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’Apple n’a pas traîné à faire ses annonces, à tel point que certains outils (Interface Builder) ne sont pas encore disponibles à l'heure où j'écris ces lignes. Par ailleurs, rares sont les développeurs à avoir pu accéder au SDK payant, Apple en limitant le nombre.
Il aura donc fallu pratiquement 1 an pour qu’une plateforme de développement apparaisse, depuis la sortie de l'iPhone.
Un SDK officiel très complet
Nous fournissons aux développeurs les mêmes outils que nous utilisonsa déclaré Apple, lors de la présentation du SDK.
La messe est dite : simulateur d’iPhone, support complet d’OpenGL, compilation en temps réel en mode debug. Ces trois petites choses n’ont l’air de rien, mais accélèrent largement les temps de développement et facilitent fortement le débuggage.
Le fondateur du SDK non-officiel a pourtant décidé de continuer l’aventure, en élevant la voix après Apple et ses limitations.
Nous continuerons !a-t-il lancé, jugeant son SDK assez mature pour poursuivre son évolution. Si sur la forme, on apprécie le geste quasi héroîque, les développeurs risquent pourtant fort de quitter le navire, car sur le papier, la comparaison avec les outils d’Apple est sans commune mesure !
Ne vendons pas la peau de l'ours, mais les solutions dites alternatives, risquent de passer assez inaperçues d'ici quelques mois tant elle ne pourront suivre la cadence.
AppStore or not AppStore : un calcul vite fait
C’est dans la nature de l’homme que de préférer une solution touchant un maximum de personnes pour y faire la démonstration de ses créations.
En proposant un AppStore, Apple permet aux développeurs de toucher directement les possesseurs d’iPhone, en mettant en avant les programmes disponibles pour la petite plate-forme. On imagine alors qu’une application pourra vite être téléchargée plusieurs milliers de fois si elle est bien placée, surtout si elle recommandée par Cupertino.
Apple joue alors sur les deux tableaux : pas besoin de vendre son programme, puisque la Pomme finance les frais de bande passante gratuitement s’il s’agit d’un freeware. Si le développeur veut, a contrario, être rémunéré, Cupertino prend une marge de 30% pour frais bancaires et les coûts liés aux téléchargements.
Si la contrepartie peut paraître importante, le calcul des frais est vite fait. Ceci sans compter que tout développeur n’a pas à s’embêter avec les mises à jour (qui sont gérées par iTunes), et n’a pas non plus besoin de maintenir son site web.
Que dire, si ce n'est que tout développeur d'iPhone, qui aura payé ses 100$ pour débugger depuis l'iPhone, aura déjà une petite place toute prête sur iTunes ? Difficile alors d'aller jouer les rebels, tant la plate-forme de vente deviendra incontournable !
Le problème des iPhone non-officiels
Une question va cependant rapidement se poser : dans quelle mesure un iPhone désimlocké pourra-t-il profiter des programmes ?
Il est fortement probable qu’Apple bride l'AppStore pour tous les téléphones crackés. Ce serait assez logique et dans la continuité de ce que la société a entrepris en jouant au chat et à la souris avec les pirates. Mais… peut-être pas.
En effet, si un iPhone acquis hors du circuit officiel, se met à rapporter de l’argent, la donne change. On se rapproche alors du business model de l’AppleTV et le bridage n’est plus nécessaire. Il ne parait donc pas illusoire de penser qu’Apple pourrait fermer les yeux dans ce cas là.
Il reste un problème de distribution
Limiter la distribution d’applications à l’AppStore est donc une bonne idée sur le papier, car elle satisfait pratiquement tout le monde, mais cela va rapidement poser problème.
- Tout d’abord aux entreprises. En effet, si un programme interne est développé spécifiquement pour l’iPhone, comment ne le proposer qu’à ses employés via le réseau de la société ? Apple n’a pour l’instant pas communiqué là-dessus, si ce n'est de proposer une page privée sur l'AppStore, ce qui veut dire qu'Apple aura toujours accès aux applications, même professionnelles.
- Ensuite, si Apple n’ouvre pas son AppStore aux iPhone débloqués, comment ces derniers vont-il pouvoir contourner le système en place ? Les développeurs pourront-ils proposer les applications via leur site web si un installeur officieux existe pour les applications crées avec le SDK officiel ?
Voilà un certain nombre de questions qui restent en suspens et qui ne trouveront réponse que dans quelques mois.
Conclusion
Impressionnante. Voilà comment on pourrait qualifier la réponse d’Apple face au piratage de l’iPhone et aux développements non-officiels. Pour profiter confortablement de son appareil, il va devenir de plus en plus difficile de le pirater et surtout, de moins en moins intéressant. Toutes les applications vont rapidement se retrouver sur l'AppStore et il sera même certainement tentant de mettre la main à la poche pour quelques programmes bien pratiques. Qui plus est, il faudra parier que le nombre de freewares sera lui aussi important, du moins pour les petites applications de type "Widget".
Dernier point à envisager : Apple pourrait enfin libérer la vente d’iPhone si le modèle économique de l’AppStore s’avère viable. Mais il ne faut pas s’attendre à un tel revirement de situation avant une bonne année, le temps d’avoir assez de recul sur la situation actuelle.