Et si la fonctionnalité "Do Not Track" rendait le web... payant ?
Par Didier Pulicani - Publié le
bien pensantse réjouit de l'initiative
Do Not Trackqui se met en place sur les navigateurs, cette petite révolution inquiète grandement le milieu publicitaire, et le web gratuit en général.
Pour rappel,
Do Not Trackest une information qu'enverra votre navigateur aux sites consultés (comme Google, Amazon, LeMonde...) afin de leur préciser si vous acceptez d'être pistés par les publicitaires. Pour faire simple, il s'agit de permettre ou non à un annonceur (ou un service tiers) de poser un cookie et sous quelles conditions. D'un point de vue de l'utilisateur, on comprend tout à fait la démarche, qui se veut plus transparente, toujours dans l'optique du respect de la vie privée et de la collecte d'informations.
Mais la question qui se joue en ce moment, aussi bien du côté de l'UE que chez nos amis américains, est de savoir si cette fonction doit rester
opt-inou non. En clair, doit-elle être cochée par défaut, ou s'agit-il d'un choix de l'utilisateur ?
Microsoft a créé une vaste polémique en activant DNT par défaut dans IE10. Même Mozilla condamne la décision de Redmond, qui, selon la fondation, s'oppose au principe même de la fonctionnalité. FireFox propose en effet l'option, mais décochée par défaut,
permettant un dialogue entre les deux parties. Si DNT est activé par défaut, l'utilisateur ne va jamais être sollicité par l'annonceur, qui se retrouvera a fortiori au pied du mur.
Mais le débat a aujourd'hui surtout lieu dans les milieux professionnels du web, que ce soit au niveau des régies et des agences, mais aussi des sites et services gratuits, dont tout le business-model est basé sur la pose de cookies publicitaires. Il faut savoir que ce sont tous les services de statistiques qui sont également concernés (il faudrait par exemple que chaque visiteur donne son accord spécifique pour qu'il soit décompté dans les statistiques d'Analytics). Un vrai casse-tête pour les webmasters, qui ne pourront alors plus avoir de données fiables de leurs visiteurs sans un accord explicite de chacun d'entre-eux ! Autant dire que la majorités des sites web se retrouve aujourd'hui pris en tenailles, avec d'un côté une moralisation du web et de l'autre, une activité qui se retrouve menacée.
Il faut savoir qu'aujourd'hui, l'ensemble du modèle gratuit du web est financé par la pose de cookies publicitaires, et sur le tracking des utilisateurs. Remettre en cause ce principe de fonctionnement pourrait alors conduire à un effondrement (relatif) des services gratuits : qui serait alors prêt à payer chaque recherche Google, la création de son compte Facebook/Twitter, ou encore chaque requête dans les Pages Jaunes ? Sans parler de la presse en ligne, qui commence à peine à trouver un équilibre sur internet, et qui pourrait sérieusement pâtir d'une telle décision.
La polémique révèle avant tout un problème de fond : depuis des années, le web propose du contenu gratuit, financé en sous-main par la traque des utilisateurs et des données "personnelles". Si cette pratique pose aujourd'hui problème à la morale commune, les internautes seront-ils prêts à mettre la main au porte-monnaie pour continuer d'utiliser ces services, qu'ils considéraient jusqu'ici comme
gratuits?