Élection américaine : Trump ou Harris, qu’est-ce que ça change pour le monde de la Tech ?
Par Vincent Lautier - Publié le
Concurrence avec la Chine
Nous, Français, et plus généralement Européens, avons parfois l’impression de peser dans le monde de la tech. Parfois par nos innovations, beaucoup par nos régulations Il nous semble avoir une petite prise sur les décisions des géants américains. Sauf que dans les faits, nous sommes une goutte d’eau. En particulier dans cette campagne où l’Europe est quasi inexistante, à part quand l’Ukraine est évoquée, et encore… Non, le sujet qui obnubile les décideurs américains, et les deux candidat·e·s, c’est la Chine, et uniquement la Chine. Un sujet qui concerne et impacte très directement les entreprises du secteur, qu’il soit informatique, automobile, ou celui des smartphones.
Donald Trump a toujours adopté une position ferme face à la Chine, en imposant des tarifs douaniers élevés sur les produits chinois et en restreignant l’accès des entreprises technologiques chinoises au marché américain. Il a également exprimé son intention de renforcer les capacités technologiques des États-Unis pour contrer l’influence croissante de la Chine dans des domaines stratégiques. Par exemple, lors de la convention du Parti républicain en juillet 2024, Trump a réaffirmé son souhait de réduire les régulations et d’augmenter la puissance énergétique pour accroître le leadership des États-Unis dans le domaine de l’intelligence artificielle et contrer des pays comme la Chine et le Japon. En gros, ouvrir toutes les vannes pour lutter à armes égales avec la Chine.
Kamala Harris, en revanche, prône une approche plus collaborative avec la Chine, tout en maintenant une vigilance sur les questions de sécurité nationale. Elle soutient le renforcement des alliances internationales et la coopération avec des partenaires pour établir des normes technologiques mondiales. Cette stratégie vise à équilibrer la concurrence avec la Chine tout en évitant une escalade des tensions commerciales. Une approche prudente, donc, appréciée par certains dirigeants du monde de la tech.
Intelligence Artificielle (IA)
Sous l’administration Trump, l’accent a été mis sur la réduction des régulations pour favoriser l’innovation, un aspect qui a peut-être permis à l’IA de se développer si fort et si vite ces dernières années. Trump a récemment critiqué les régulations strictes imposées par l’administration Biden, les qualifiant de freins à l’innovation. Il propose de remplacer ces régulations par un cadre plus favorable aux entreprises du secteur, avec l’objectif de faire des États-Unis le leader mondial incontesté sur l’IA.
Kamala Harris, en tant que vice-présidente de Biden, a soutenu des initiatives cherchant plutôt à encadrer le développement de l’IA pour garantir la sécurité et une certaine éthique des systèmes informatiques. Elle a plaidé pour une législation assurant la fiabilité de l’IA et la protection des données personnelles. Sa politique en matière d’IA met donc l’accent sur la responsabilité des entreprises technologiques et la protection des consommateurs, plus que sur l’innovation à tout prix.
Apple se souvient très bien de l’administration Trump
Apple, l’une des entreprises technologiques les plus influentes au monde, se trouve au carrefour des politiques technologiques divergentes de Donald Trump et de Kamala Harris. Sous l’administration Trump, Apple a été confrontée à des tensions commerciales importantes avec la Chine, principal site de production de ses appareils. Les tarifs douaniers imposés par Trump ont entraîné une augmentation des coûts de production pour Apple, la poussant à diversifier sa chaîne d’approvisionnement en dehors de la Chine. L’administration Trump a aussi exercé des pressions sur Apple pour qu’elle coopère davantage avec les agences gouvernementales en matière de sécurité nationale, notamment en ce qui concerne le décryptage des données des utilisateurs.
Le rôle d’Elon Musk et de la Silicon Valley dans cette élection
Vous le savez, Elon Musk, PDG de Tesla et SpaceX, est devenu un allié important de Donald Trump lors de cette campagne électorale. Musk a apporté un soutien financier important à la campagne de Trump, avec des dons totalisant 75 millions de dollars au cours des trois derniers mois. Il a également participé à des meetings de campagne aux côtés de Trump, renforçant ainsi l’alliance entre les deux hommes. Ces derniers jours, il est pointé du doigt pour son utilisation de l’algorithme X pour favoriser la visibilité des publications qui soutiennent Trump, au détriment des publications qui émanent du camp démocrate.
Kamala Harris, originaire de Californie, entretient elle aussi des liens étroits avec la Silicon Valley. Elle a reçu le soutien de plusieurs dirigeants technologiques, notamment Sheryl Sandberg (COO de Meta jusqu’en 2022) et Aaron Levie (CEO de BOX), qui ont salué son approche équilibrée de l’innovation et de la régulation. Harris est perçue comme favorable à l’industrie technologique, tout en soutenant des mesures visant à assurer la concurrence et la protection des consommateurs. Elle reste la candidate d’une forme de stabilité qui rassure les marchés et les grands groupes, là où Donald Trump a quelque chose d’imprévisible, ce qui peut inquiéter certains géants du secteur des nouvelles technologies.
La régulation n’est pas un sujet qu’en Europe
On l’a dit, l’administration Trump a adopté une approche de dérégulation pour réduire les contraintes pesant sur les entreprises technologiques et stimuler l’innovation. Une approche critiquée car elle permet aussi aux grandes entreprises de renforcer leur position dominante sans suffisamment de surveillance.
Kamala Harris soutient donc une régulation plus stricte du secteur technologique, notamment en matière de protection des données et de concurrence. Elle a exprimé son soutien à des initiatives visant à encadrer les pratiques des grandes entreprises technologiques et à protéger les droits des consommateurs. Ses positions précises sur des questions telles que le démantèlement des grandes entreprises technologiques, comme Google, restent ambiguës. On comprend que c’est un sujet sensible pour le camp démocrate, qui ne veut pas être accusé de représenter un frein à l’innovation, et donc à la croissance américaine.
Et l’industrie automobile dans tout ça ?
Donald Trump a historiquement soutenu l’industrie automobile traditionnelle, en particulier les véhicules à moteur thermique. Son administration a assoupli les normes d’émissions pour les constructeurs automobiles, facilitant la production de véhicules moins économes en carburant. Mais les choses ont un peu changé ces derniers mois. Avec le soutien d’Elon Musk, il pourrait adopter une position plus favorable aux véhicules électriques, bien que cela reste incertain, sachant que Trump se méfie toujours de Musk et ne compte pas en faire son plus proche conseiller.
Kamala Harris, elle, a clairement exprimé son soutien à la transition vers les véhicules électriques. Elle propose des incitations fiscales importantes pour les acheteurs de véhicules électriques et des investissements dans les infrastructures de recharge. Harris veut aider à réduire les émissions de gaz à effet de serre tout en cherchant à promouvoir l’innovation dans le secteur automobile.
Le monde de la culture très polarisé
Encore plus qu’en France, les artistes s’impliquent beaucoup politiquement aux États-Unis à chaque campagne présidentielle. Le Parti démocrate est régulièrement soutenu par des artistes de renommée internationale, tandis que les candidats républicains, et encore plus Trump, sont souvent soutenus par des artistes très ancrés dans la culture populaire des États historiquement plus conservateurs.
La campagne de Kamala Harris a reçu, par exemple, le soutien de nombreuses personnalités du monde de la culture, du cinéma et de la musique. Des artistes tels que Taylor Swift, Beyoncé, Lizzo et Eminem ont publiquement exprimé leur soutien à Harris, participant à des événements de campagne et encourageant leurs fans à voter pour elle. Ces soutiens ont pour but de mobiliser les jeunes électeurs et de renforcer l’image progressiste de Harris. Il y a quelques heures, c’est Harrison Ford qui a publié une vidéo de soutien à la candidate.
Donald Trump, lui, bénéficie du soutien de personnalités telles que Kid Rock et Hulk Hogan, des figures plus clivantes. Le soutien le plus notable vient bien sûr d’Elon Musk, dont l’influence dans le secteur technologique et l’engagement financier apportent un poids considérable à la campagne de Trump.
Et les cryptomonnaies ?
Donald Trump a récemment annoncé le lancement d’une plateforme de cryptomonnaies,
The DeFiant Ones, visant à défier les grandes banques et les élites financières. Cette initiative marque un changement par rapport à ses positions antérieures, où il se montrait critique envers les cryptoactifs. Trump promet désormais une politique pro-Bitcoin s’il est réélu.
Kamala Harris, quant à elle, n’a pas encore clairement défini sa position sur les cryptomonnaies. On peut supposer qu’elle adoptera une approche équilibrée, ne cherchant pas à entraver l’innovation, tout en assurant une régulation appropriée pour protéger les consommateurs et le système financier.
La tech sera forcément impactée
L’élection de Donald Trump ou de Kamala Harris pourrait entraîner des changements significatifs dans le secteur des nouvelles technologies. Trump privilégie une approche axée sur la dérégulation et la concurrence agressive, notamment face à la Chine, tout en promouvant des initiatives comme le développement des cryptomonnaies. Harris, quant à elle, favorise une régulation plus stricte, la protection des consommateurs et une coopération internationale accrue. Le choix des électeurs américains aura donc des implications majeures pour l’avenir du secteur technologique aux États-Unis et dans le monde.
Au-delà de ces approches divergentes, l’ensemble des acteurs de la tech, qu’ils soient entrepreneurs, employés ou consommateurs, observera de près les décisions prises par le prochain ou la prochaine président·e. Des sujets aussi divers que la protection des données, le monopole des grandes entreprises, l’innovation en IA, la transition énergétique dans l’automobile et l’indépendance numérique des États-Unis sont au cœur de cette élection. Plus que jamais, cette présidentielle pourrait redéfinir les règles du jeu pour les géants de la tech, et ce, bien au-delà des frontières américaines.
Les semaines à venir promettent d’être décisives pour les grandes entreprises comme Apple, Tesla, et même pour les startups qui attendent de voir quelles seront les opportunités ou les restrictions imposées par la prochaine administration. Les enjeux sont clairs : un futur où la technologie continue de se développer de manière rapide et, dans certains cas, non régulée, ou un avenir où la sécurité, la réglementation, et la coopération avec la Chine sont mises en avant. Le verdict appartient désormais aux électeurs américains, et leurs choix résonneront bien au-delà de leurs propres frontières.
Allez on termine avec un petit sondage, qui remportera cette présidentielle selon vous ?