L'horlogerie suisse est en crise depuis plusieurs années, mais les raisons sont multiples et le problème ne touche pas tous les secteurs.
S'il est toujours compliqué de comparer les montres connectée avec l'industrie horlogère helvétique (qui dépend aussi beaucoup de l'Asie), un chiffre va marquer l'histoire : pour la premier année, les ventes d'Apple Watch (en volume) ont dépassé celles de l'industrie suisse toute entière, comme le figure très bien ce graphique du site du Temps (journal quotidien local) :
28,5 millions à Cupertino, 20,7 au Nord du Lac Léman, tout un symbole ! Mais les deux phénomènes sont-ils réellement corrélés ? Industriels et observateurs ne sont pas tous d'accord, d'une part car le marché mondial est encore large, comme le souligne à nos confrères le patron de Tissot C’est une erreur de comparer Apple à l’industrie horlogère suisse, soutient-il. Il faut prendre en compte le 1,2 milliard de montres fabriquées chaque année dans le monde et se dire que la Suisse n’en produit que 20 millions. Vous voyez la gigantesque marge de progression que nous avons? Il y a du potentiel pour tout le monde.
Si l'industrie suisse semble lui donner raison (la tendance est plutôt à l'embauche), les chiffres de ventes sont en revanche plus disparates : les modèles de luxe (qui possèdent les plus gros volumes, en valeur) restent stables, alors que l'entrée de gamme (sous les 1000€) souffre bien plus nettement et durablement :
L'impact à long terme pourrait être assez catastrophique pour toute l'industrie et notamment des groupes comme Swatch (dont Tissot fait justement partie) puisque ces bracelets à moins de 200CHF représentent la grande majorité des ventes (en volumes) et que le segment 200 à 3000 est lui-aussi plutôt à la baisse ces dernières années :
Les horlogers sont donc tiraillés entre la volonté de proposer des modèles connectés dans l'ère du temps -comme c'est déjà le cas chez Tag Heuer ou encore Frédérique Constant- mais le secteur est également composé de nombreux petits acteurs historiques, qui n'ont ni les moyens ni l'envie de changer de métier -car c'est bien de cela qu'on parle. Si Jean-Claude Biver a plutôt réussi son pari avec sa Modular Connected, les volumes se comptent seulement en dizaines de milliers de pièces. Swatch, plus grand public, avait également promis une vraie montre connectée Swiss Made pour 2018, puis 2019, et désormais... pour l'été 2020. C'est finalement Tissot (une des nombreuses marques du groupe) et sa T-Touch Connected qui devraient sortir les premières des usines du Centre suisse d’électronique et de microtechnique (CSEM), de Neuchâtel, avec un OS propriétaire et une électronique majoritairement helvête. Les points forts de cette «T-Touch connected» – «une vraie montre, avec des fonctions additionnelles» – seront la longévité de sa batterie ainsi que son système opérationnel Swiss Made imaginé avec le CSEM. répond François Thiébaud (Tissot) à nos confrères. Mais sera-t-elle vraiment concurrente au modèle d'Apple ? Suffira-t-elle à convaincre les clients de revenir chez Tissot sur ce segment de prix ?
Chez Tag Heuer, les montres connectées en Titane sont arrivées bien avant l'Apple Watch Series 5 !
Car comme le rappellent à juste titre nos confrères suisses, Apple possède non seulement une avance technologiquee énorme, mais aussi des moyens financiers comparativement presque illimités. Pire que cela, l'écosystème créé avec iOS parait totalement hors de portée, si bien que même des acteurs techno comme Fitbit, Garmin ou Suunto ont dû se concentrer sur des marchés de niche qui n'intéressent pas forcément Cupertino. Quant à Google, rare groupe à avoir les moyens financiers et logiciels pour venir taquiner son encombrante voisine, il peine à trouver de bons partenaires (qui baissent tour à tour les bras) et aussi à proposer des fonctions aussi bien intégrées que sur watchOS. Si aucune firme n'est intouchable, Apple semble malgré tout poser problème dans tous les marchés, et ce, pour encore quelques années...
