Apple TV+ : 3 avis de la rédaction sur le nouveau service d'Apple (+ sondage)
Par Didier Pulicani - Publié le
Puisque les goûts et les couleurs restent par définition très subjectifs, nous avons décidé de vous proposer un retour séparé en fonction des différents rédacteurs. Bien-sûr, on vous invite également à réagir dans les commentaires, et également à répondre à ce petit sondage :
Didier
Si la navigation dans l'application AppleTV+ se révèle assez hasardeuse, ce
bordel organisévise sans-doute à nous faire croire que l'offre est plus étoffée qu'elle n'y parait. Car avec moins d'une dizaine de séries, ce lancement parait encore bien timide comparé à la concurrence déjà bien installée. L'absence de fond de catalogue est d'autant plus étonnant qu'Apple propose déjà des formules de location de films et séries, qui auraient pu faire partie de l'offre, quitte à gonfler un peu le tarif. On pourrait d'ailleurs croire que la série à succès
Tchernobyl(largement mise en avant) faisait partie de l'offre, or chaque épisode coûte le prix de l'abonnement AppleTV+ ! Mais l'idée, pour Apple, semble plutôt de
forcerun peu ses clients -notamment via un démarrage en quasi-gratuité- à découvrir ses contenus originaux et d'éventuellement, y prendre goût. La qualité d'abord, la quantité ensuite, voilà un bon moyen de se démarquer de Netflix, à condition de proposer des contenus vraiment inédits et addictifs.
Les enfants aux premières loges
L'avantage d'un petit catalogue, c'est de pouvoir en faire le tour rapidement : le programme fut idéal pour ce week-end prolongé (et pas spécialement ensoleillé). Apple a eu la bonne idée de partir avec des contenus pour enfants et il y en a pour tous les âges :
Soopy dans l'Espaceest assez rigolo pour les tout petits, mais difficile de les rendre addictifs quand tous les copains sont devant Yakari, Pokemon, Peppa et autres TroTro. Quant à Helpsters, cet univers façon Muppets Show à l'américaine nous rappelle ô combien des versions localisées sont nécessaires -le doublage est ici catastrophique, les écritures présentées ne sont pas traduites et l'esprit est un peu décalé pour des enfants européen. En revanche, le
Secret de la Plume, beaucoup plus proche des univers fantastiques d'Harry Potter, se révèle assez addictifs, d'autant que la série s'inspire de contes populaires déjà connus des bambins et que la réalisation fonctionne vraiment bien -à condition d'avoir au moins 5 ou 6 ans ou, pour les plus âgés, d'avoir gardé une âme d'enfant. Et si c'était lui le plus réussi de la bande ? Histoire de boucler la boucle, le petit documentaire sur les éléphants est bien construit, mais pas assez pour retenir les petits plus de 10 minutes : rien ne le distingue vraiment de ce que l'on peut trouver sur les chaines animalières par exemple, c'est même un peu rasant.
Mélodrames ou science-fiction ?
L'offre pour adulte est toute aussi variée, et de facto, forcément clivante. Ceux qui aiment voir Jennifer Aniston larmoyer au cinéma adoreront probablement
The Morning Show, un mélodrame heureusement épaulée par la pétillante Reese Witherspoon qui parvient à nous faire oublier les longueurs et le scénario très téléphoné. Quand on sait que cette série est désormais la tête de gondole de Tim Cook, on comprend vite le public visé. J'ai déjà mieux accroché sur
For All Mankind, énième récit de la conquête de l'espace, façon mondes parallèles -si vous aimez Apollo 13 et Sliders, vous êtes carrément dans la cible, bien que sur la fin, on se demande si ce n'est pas plutôt House Of Cards. Pour les fans de Waterworld, de Game Of Thrones et du film Bird Box (de Netflix), la combinaison des trois s'appelle
Seeet est pour le moment plutôt sympa, même si beaucoup pointent quelques incohérences dans le scénario, comme souvent dans ces séries post-apocaliptiques.
Seecloue en tout cas le bec à ceux qui pensaient qu'Apple interdirait toute forme de violence et de sexe un peu trop aiguisé, même si l'ensemble reste quand-même assez édulcoré. Dickinson se montre déjà plus original, avec sa bande-son complètement décalée et son personnage très impertinent, à espérer que l'idée de base ne s'essouffle pas trop vite. Se déroulant au XIXe siècle et reprenant l'histoire vraie de l'étonnante poétesse américaine, il règne une ambiance à cheval entre Riverdale et Dark Shadow de Tim Burton -pour le moment, j'aime assez !
Une tribune toute trouvée pour Apple
L'offre est donc plutôt variée, et assez large pour plaire à chacun des membres de la famille. Mais si vous regardez les séries uniquement en couple ou en colloc, pas sûr que vous ayez envie de rester accroché à plus d'une ou deux d'entre-elles. Malgré l'originalité annoncée, on retrouve quand-même beaucoup de similitudes dans les scénarios de la concurrence, je n'ai pas senti qu'Apple parvenait vraiment à se démarquer outre mesure -mais l'exercice est-il vraiment possible compte tenu de la production actuelle ? Les placements produits réguliers vous rappelleront d'ailleurs vite que la Pomme se servira de ses
showspour faire la promotion ouverte de ses nouveaux iPhone et Apple Watch, que tous les acteurs portent (presque) tous au poignet. Certains passages comme
Plus personne n'utilise d'argent liquidesont à la limite de la propagande pour Apple Pay ! Sur le plan créatif, on sent aussi que les dadas de Tim Cook (lutte pour le climat, féminisme, diversité) sont à la base d'une grande partie des scenarii, mais la tendance n'est pas tellement propre à Apple ces derniers mois.
C'est le moment de passer à la 4k HDR !
Sur le plan technique, saluons la qualité intrinsèque des productions et de ce point de vue, on ne peut reprocher à Apple d'avoir sorti le chéquier : la qualité d'image est fabuleuse, le son est souvent à couper le souffle et même les génériques sont magnifiques, là où Netflix se montre souvent plus chiche. Si vous avez un Home Cinéma récent, une Apple TV 4k et une télévision 4k HDR OLED, on est clairement un cran au dessus de la concurrence, certaines images étant carrément bluffantes. Pour le coup, ça serait dommage de regarder ça sur un iPad 7 avec son écran médiocre et ses haut-parleurs sans vraie stéréo. D'après certaines études, il semblerait d'ailleurs (sans surprise) qu'Apple offre des débits deux fois plus élevés que son concurrent direct...
Bilan
Alors, serais-je prêt à payer 4,99/mois pour ces quelques séries de lancement ? Absolument pas, le choix est trop restreint pour l'instant. Même si l'abonnement peut paraitre abordable, partager son compte Netflix avec sa famille revient toujours beaucoup moins cher, avec une offre incomparable -même si la qualité est souvent inégale. Avec un vrai fond de catalogue, ce qui arrivera peut-être par la suite, ou une offre combinée avec Apple Music (pour 1 ou 2€ de plus par exemple), il y a matière à réfléchir. La question sous jacente est surtout de savoir si les gens pourront multiplier les abonnements dédiés au streaming vidéo (Netflix, Apple, Disney, Amazon) ou s'ils feront plutôt leur choix en fonction de leurs goûts, comme actuellement entre Spotify et Apple Music. Apple n'aurait-elle pas plutôt dû s'inspirer d'Amazon Prime, pour qui l'offre vidéo vient finalement compléter un modèle combinée ? Imaginez par exemple, 200Go de stockage iCloud, Apple Music, Apple Arcade et Apple TV+, le tout pour une quinzaine d'euros par mois, on se poserait sans doute moins la question.
June
La première rencontre avec le service de streaming de Cupertino est assez déconcertante, Apple tentant de masquer le manque de contenu avec une interface qui se résume, sur une Apple TV, à plusieurs bandeaux comprenant les quelques programmes de la pomme. On ne peut alors s'empêcher de comparer l'épaisseur du catalogue avec les offres actuellement disponibles sur notre territoire, comme l'inévitable Netflix, MyCanal, ou encore Prime Video. Apple aurait pu délier sa bourse pour offrir des nouveautés supplémentaires, mais quelques titres nous sont déjà promis pour les semaines à venir.
En fin stratège, Apple permet aux utilisateurs ayant acquis un produit de la gamme après le 10 septembre (hors Apple Watch et AirPods) de profiter d'une année gratuite, laissant un peu de temps pour étoffer son offre au fur et à mesure. Quelques titres intéressants sont déjà en chemin, comme The Servant de M.Night Shyamalan, ou encore l'alléchante
Histoire de Lisey, tirée de l'œuvre de Stephen King, qui mettra en scène Clive Owen et Julianne Moore pour une série en huit épisodes.
Une fois le pop-corn réchauffé, et la télécommande de l'Apple TV devenue luisante, See, le premier de cordée sur l'échelle de mon intérêt dévoile son générique. On sent que Cupertino a mis les petits plats dans les grands
hotque l'on jurerait calibrées pour faire mentir l'adage selon lequel Apple ne produit que des contenus prudes et non violents.
La série retraçant la vie de la poétesse américaine Emily Dickinson aura le même effet, son ambiance est travaillée, il n'y pas de doute là-dessus, et la bande originale colle parfaitement à l'esprit, mais la tragi-comédie n'a pas réussi à éveiller l'intérêt. Les personnages sont hauts en couleur, quelques répliques font mouche, mais l'envie de passer plusieurs heures à suivre l'héroïne n'y est pas. Encore une fois, c'est très personnel, mais peut-être en attendais-je un peu trop, ou simplement que les univers d'époques de séries comme
Peaky Blindersou l'extraordinaire
Mrs Maisel, femme fabuleusesonnent plus justes.
Le scénario s'est répété pour For All Mankind et The Morning Show, l'impression d'être détaché d'une ambiance très américaine, peut-être, ou ce sentiment insistant de déjà vu. L'alchimie qui fait que l'on apprécie ou non un programme est extrêmement subtile, et n'a pas pris face à ces propositions. Le documentaire animalier
The Elephant Mothera quant à lui été avalé avec gourmandise en famille, nécessitant parfois de sécher quelques larmes, rapidement oubliées devant des images grandioses, tout comme les premiers épisodes du
Secret de la plume, et au contraire d'Helpsters au doublage navrant, mais que les enfants ne sont pas encore prêts à regarder en V.O.
En l'état, la proposition d'Apple semble trop fade pour mériter un abonnement, mais la curiosité reste de mise pour les quelques programmes déjà prévus, et les surprises que l'on espère du fond de son canapé. L'année à venir sera donc décisive, et Apple semble l'avoir compris. Il lui faudra multiplier les contenus pour attirer de nombreux spectateurs dans ses filets, et la tâche s'annonce d'autant plus ardue que d'autres services de streaming vont bientôt pointer le bout de leurs programmes.
Laurence
Le week-end pluvieux de la Toussaint a fourni une
A force de rumeurs, on avait un peu peur d’un contenu trop soft - à la limite du prude- mais les séries commencent toutes très fort de ce côté-là, entre les injures copieuses de
The Morning Show, les scènes sanglantes (et intimes) de
SEEou les concepts très avant-gardistes et plutôt morbides de
Dickinson(où sans spoiler le contenu, il parait tout de même que le premier épisode recèle quelques blagues salaces et une scène plutôt osée ainsi qu'une présence certaine d'hémoglobine !).
La bonne surprise est finalement du côté de la jeunesse avec
Le Secret de la Plumeet une excellente intégration des contes de fées, même si d’autres séries ont surfé sur ce thème ces dernières années, comme Charmed, Grimm, Once Upon a Time ou encore Supernatural
Snoopys’offre un petit coup de jeune avec un côté très didactique, on pourrait même dire une professionalisation du dessin animé. En effet, le petit chien connaît les affres de la candidature spontanée, la lettre type de refus du RH de la Nasa, la valeur de l’expérience de terrain et la nécessité d’aller à l’école (même si son prof est une IA) pour viser le job de ses rêves. Les petites secondes historiques pourront même faire un clin d’œil aux fans des Mystérieuses Cités d’Or de la première heure.
The Helpster-avec des voix VF absolument redoutables- est la série de Tim Cook. Le but est de donner des conseils éducatifs. Parmi les thèmes abordés, on trouve comment faire un sandwich, suivre un plan, soigner son rhume, faire des tours de magie. Malgré le côté marionnette, l’accueil reste mitigé chez les plus jeunes, qui préféreront aller sur Apple Arcade ou sur un concurrent si vous leur donnez le choix.
The Elephant Queenest un très bon documentaire, et on peut en espérer d'autres du même type et avec une qualité équivalente d'ici les prochains mois.
En définitive, on reste un peu sur sa faim. Certes, le catalogue est court mais les idées développées ne sont pas si originales que cela. Par exemple,
TMSest une série sociale très axée sur des sujets US : le système journalistique américain (le principe même de l’émission d'infos du matin), le scandale de #meetoo, la dénonciation des discriminations entre les femmes et les hommes, la violence à l’écran ou l’histoire économique. Tout fait d’elle une série typiquement US -voire la série flagship d’Apple qui ne lésine pas sur le placement produit à outrance.
La dystopie
For All Mankind(là encore un genre qui a beaucoup de succès avec notamment Watchmen ou Divergente) revient sur le sujet fort (mais toujours très américain) de la conquête spatiale, en modifiant le cours de l'histoire réelle. La même chose pourrait être dite sur
SEE: on retrouve les bases d’une « bonne » série SF desservie par les gros bras du moment (ceux de Jason Momoa), un générique trop travaillé (qui laissait espérer mieux…)
Finalement, Apple TV+ n'est, pour l'instant, qu'une bonne base de départ pour le service de streaming de Cupertino. Les séries se laissent regarder mais aucune n'a le potentiel pour justifier à elle seule un succès massif auprès du public. Les prochaines annonces et les programmes à venir seront déterminants pour le succès ou non du service.