George "Geohot" Hotz, le "Pied Piper" de la voiture autonome
Par Didier Pulicani - Publié le
Geohot a déjà fait le buzz deux fois dans la vie. En 2007, il est le premier à craquer l'iPhone, en proposant une technique permettant de déverrouiller le téléphone et de l'utiliser chez tous les opérateurs. Ce petit succès médiatique l'envoie directement en stage chez Google, à 17 ans à peine.
Hotz se fait remarquer une seconde fois, fin 2015, lorsqu'il crée un véhicule autonome tout seul, dans sa cave, en seulement quelques semaines et avec des composants standards, achetés sur Amazon. Le jeune homme prétend alors être capable de rivaliser avec Mobileye, le logiciel qui équipe l'
autopilotede Tesla. Il parvient même à rencontrer Elon Musk en personne, avec lequel il conclut un pacte étonnant : Musk aurait accepté de remplacer son système par Comma.ai si Hotz parvenait à lui démontrer que son outil était plus abouti que celui développé par des dizaines d'ingénieurs israéliens.
Mais les choses se gâtent, Elon Musk décidant finalement de revenir sur sa promesse et publiant une courte tribune ironisant sur le
cas George Hotzen déclarant notamment
qu'il est extrêmement improbable qu'une personne seule ou même une petite société [...] produise un système de véhicules autonomes qui puisse être déployé sur des véhicules de production. [...] c'est possible pour une démo sur des petites routes [...] Tesla avait déjà ça il y a deux ans.
Les ennuis continuent, avec cette fois, les autorités locales. Après la publication de l'article, Hotz a reçu un courrier du
California Department of Motor Vehiclesqui l'a sommé d'arrêter ses tests dans la circulation.
Ils n'ont rien comprisa rétorqué Hotz au journaliste de Forbes, affirmant que sa voiture n'était pas autonome, mais uniquement
de niveau 3, c'est à dire, capable de déléguer la conduite que dans certaines conditions (comme les bouchons ou les autoroutes). Reste que pour le moment, les démos à la presse se font désormais sur les parking.
George Hotz a donc poursuivi rapidement le développement sa société et s'est associé à son ancien collègue Yunus Saatchi, titulaire d'un PhD de l'Université de Cambridge en intelligence artificielle. En recevant le prestigieux journal devant ses locaux, l'homme semble tout droit sortir de la série
Silicon Valley, dont il confirme d'ailleurs être un grand fan. T-shirts avec écrit en gros
comma.ai(sa start-up), branding à tous les étages sur le véhicule, et discours bien préparé : nul doute que notre jeune ami cherche activement de la crédibilité... et des investisseurs. Selon certains experts (notamment le prestigieux Andreessen Horowitz), sa startup serait désormais valorisée à 20 millions de dollars.
Je n'ai aucun mal à trouver de l'argents'enorgueillit toutefois Hotz, qui ne veut pas créer de
hardware. Son but ? Offrir au plus grand nombre, un système bon marché, qu'il pourrait adapter à tout véhicule. A terme, il prévoirait d'offrir un petit boitier couplé à un système de caméras qu'il suffirait de brancher sur la prise diagnostic, ce qui rendrait la plupart du parc automobile compatible.
Il travaille actuellement avec le soutien d'NVidia, qui a lui a fourni des GPU haut-de-gamme, très utiles pour traiter de grande quantité de données en calcul parallèle. D'ailleurs, Hotz reconnait que le manque de
dataconstitue son plus gros point faible. La création de logiciels pour véhicules autonomes nécessite en effet de la fouille de données (data mining) et de l'apprentissage automatique (
machine learning), et donc, de grande quantité de données de conduite. Google avait d'ailleurs enregistré plusieurs millions de
milesavant de déployer son programme.
Durant la démo (filmée) de Forbes, tout fier, Hotz lance donc la dernière version de son système, le journaliste ayant pris la place du conducteur. Manque de chance, le véhicule fonce tout droit sur un cône, incapable de l'éviter.
C'était un test. J'avais désactivé le Lidarse justifie-t-il. Le Lidar est un radar laser placé sur le toit du véhicule et utilisé pour détecter d'éventuelles collisions que la caméra n'aurait pas perçues. Il reste donc encore un peu de travail à Geohot avant de venir empiéter sur les platebandes de Mobileye ou de Google, et leurs équipes de centaines d'ingénieurs.
Mobileye a un peu d'avancereconnait-il devant le journaliste.
Une chose est sûre, George Hotz a de nombreux points communs avec Richard Hendricks de la série Silicon Valley. Mais il faudra attendre encore quelques saisons pour savoir si le génie aura finalement réussi à transformer l'essai... ou s'il est déjà passé à autre chose.