iPhone et photographie : un trek avec un iPhone 5s, mon expérience dans le Makay
Par Didier Pulicani - Publié le
Cet article a été écrit par Laurent que vous pouvez retrouver sur son blog sur lequel vous pourrez découvrir ses photos et d'autres informations complémentaires à son retour d'expérience. Un grand merci à lui pour ce témoignage, ses clichés et tous ses conseils avisés !
Mai 2014, c'était mon quatrième voyage dans le Makay. Produire de nouvelles images sans être trop redondant, pas si simple… Puis une idée m'est apparue comme évidente : tester l'appareil photo d’un smartphone dans des conditions complexes :
• Trek long (ici 15 jours) en autonomie ;
• Isolement sans aucune possibilité de trouver de l’électricité ;
• Environnent difficile pour un appareil, alternance d'eau et de sable.
• Face à ce qui au début ne m’apparaissait être qu'un défi, il ne me restait plus qu'à réaliser cet essai grandeur nature.
J'avais tout lu et son contraire au sujet des photos prises avec un smartphone. Sans a priori ni expérience de ma part, j'étais resté jusqu'à cette année accompagné d’un Nokia 3310, c'est vous dire combien j'étais imperméable au progrès technique des téléphones. J'avais lu les commentaires sur la couverture du Times prise avec un iPhone 4s en 2012. Puis en avril 2013, le New York Times a aussi fait sa couverture avec un cliché tiré d'un smartphone après y avoir effectué quelques retouches à l'aide d'Instagram.
Je devais me rendre compte par moi-même : est-ce un effet de mode ou le smartphone peut-il réellement être utilisé pour faire de la photo ?
Ce n'était pas seulement le traitement qui m’intéressait (chacun est libre de choisir une option artistique - ou pas...) mais aussi de savoir si je pouvais remplacer mes 6kg de matériel par les 112 grammes d'un iPhone 5s (c'est le modèle de smartphone que j'avais choisi)…
J'entends déjà bon nombre de photographes professionnels et amateurs
La plage dynamique représente l’écart entre les lumières les plus fortes et les ombres les plus sombres d’une scène. Bien entendu, tout smartphone, quelle que soit sa marque, n'a pas l’étendue de la plage dynamique d'un moyen format ou d'un capteur full frame. Notre œil a naturellement une plage dynamique de 24 EV (Exposure Value – IL/Indice de Lumination en Français), alors que pour l'instant la plage dynamique théorique maximale des meilleurs capteurs est restreinte à 14 EV, donc moins d'informations dans les très hautes et très basses lumières. Les capteurs ont donc tendance à «enterrer» les ombres et à «griller» les hautes lumières, générant des images avec beaucoup moins de détails. Cependant, les progrès sont constants et ce sont souvent des algorithmes qui viennent résoudre une partie des problèmes liés à la faible surface des capteurs.
Évidemment, on ne peut pas échapper à cette question, puisque les smartphones fonctionnent actuellement en Jpeg. Le Raw caractérise un fichier qui n’est pas compressé, c'est un fichier brut, tandis que le fichier Jpeg a subi une forte compression qui peut affecter ses caractéristiques. Il faut tenir compte du fait que le Jpeg contient 256 niveaux de gris alors que le Raw peut en contenir jusqu’à 16384, c’est pourquoi les dégradés seront donc bien plus esthétiques, notamment sur des grands tirages.
Il s’agit de deux options différentes : avec le Jpeg les informaticiens de la marque ont choisi pour vous le traitement à apporter à votre photo ; avec le Raw, c'est vous qui maîtrisez les informations que vous voulez sauver dans les hautes et basses lumières. En conséquence, si vous ne travaillez pas vos images en post-traitement, il faut rester en Jpeg.
Pour les autres, en relisant ce qui est écrit dans plage dynamique, on se rend compte qu'en lumière peu propice beaucoup d'informations ont été perdues par rapport à ce que l’œil pouvait voir, c’est pourquoi le Raw serait plus favorable.
Le second souci est la profondeur de champ, liée à la taille du capteur. Celui d'un appareil photo dit full frame est de 24x36 mm, alors que celui de l'iPhone 5s utilisé est autour de 4,89 x 3,67 mm. Soit 48 fois plus petit en surface. Or à ouverture équivalente, pour une scène donnée, la profondeur de champ est plus courte à mesure que la taille du capteur augmente, vous avez donc la possibilité de détacher votre sujet de l'arrière-plan, alors qu'avec un capteur limité, vous aurez quasiment une profondeur de champ infinie.
A l’inverse, le 24x36, lui, permet un plus grand contrôle du flou et de sa répartition. C’est pour pallier la qualité du capteur que l'on voit fleurir des applications smartphone qui viennent ajouter du flou dans l'arrière-plan en post-traitement. Il y a aussi une solution matériel pour obtenir des portraits qui se détachent du fond, comme le Klyp+ de Manfrotto et son optique portrait.
Il faut bien se mettre d'accord, je ne compare pas la qualité des capteurs entre les différentes marques de smartphone. Dans le cas présent, j'ai utilisé un iPhone 5s, mais il aurait tout aussi bien pu être un Nokia Lumia 925, un Sony Xperia Z2, ou un Samsung Galaxy... D'ailleurs, on ne parle plus de smartphone, il a fallu inventer un nouveau mot : photophone (même si le photophone est une technique de téléphonie optique développée par Alexandre Graham Bell dans les années 1880)...
Avec mon Nikon D800, je pars avec un capteur de 36 millions de pixels (soit un format d'image de 7360 x 4912), alors qu'avec l'iPhone 5s, je n'ai plus que 8 millions de pixels (3264 x 2448). Donc rapidement, je me suis rendu compte qu'il ne fallait surtout pas penser à zoomer avec l'iPhone 5s. Il s’agit bien entendu d'un zoom numérique, et pour moi l’essai s’est traduit par des résultats vite catastrophiques : au fur et à mesure du zoom il existe une "pixelisation" très forte (comme on dit dans le jargon,
L’iPhone 5s embarque une focale fixe équivalente à un 30mm (en 24x36), et c'est tout. Il est toujours possible d'y ajouter tout un tas de gadgets (grand angle, zoom...) mais je m'étais fixé comme principe de ne partir qu'avec l'appareil nu. Avec cette focale, l'index de la main gauche entre souvent dans le cadre et l'absence de pare-soleil ne permet pas trop de se tourner vers le soleil, sauf à rendre artistiques les flares engendrés...
Je suis donc parti pour tout un voyage au 30mm ; une focale pas très habituelle, mais à laquelle il a fallu s’accommoder...
L'application native de l'iPhone 5s est-elle suffisante ? A mon goût non, et ce pour plusieurs raisons :
- La définition de sortie des images est de 72dpi (pixels pas pouce), donc pour une impression papier le format maximum en 300dpi est 21x27 cm. Ce qui au final n'est pas si mal, mais pas toujours satisfaisant. J'aurais donc préféré directement une définition à 300dpi. Par contre, pour un affichage à l'écran, c'est largement suffisant.
- Le fichier est en Jpeg, donc plus aucune possibilité de travailler sur toutes les informations d'un fichier en Raw. A ce jour, dans l'univers Apple, il n'y a pas de possibilité de capturer une image en Raw. Par contre, d'autres applications utilisent le format Tiff, ce qui pour une image permet normalement de ne pas subir de dégradation. Ce qui n'est pas le cas pour le Jpeg.
A l'origine ce choix du tout Jpeg était une nécessité pour le stockage sur smartphone, car les fichiers en Tiff sont beaucoup plus lourds. Compter dans notre cas plus de 20Mo, alors qu'en Jpeg c’est aux alentours de 5Mo. Mais dorénavant avec 64go, on pourrait stocker dans les 2700 à 3000 images en Raw...Suffisant non ? Il faudra attendre la sortie prochaine de l'iOS 8, pour savoir si ces demandes seront suivies ou pas...
Les applications dont je disposais pour l'iPhone 5s étaient les suivantes :
Cette application permet le Tiff à 300dpi et propose un large choix de formats d'image, dont le panorama direct, sans avoir à faire tourner l'appareil… Même si cela ne couvre pas le même angle. Elle permet de verrouiller la balance des blancs et l'exposition, avec en bonus un histogramme. Elle offre, pour ceux qui le veulent, de choisir des équivalences de pellicules argentiques (13) : H5, E64, V50...que l'on peut coupler avec des filtres photographiques : NG1, NG2, NG3, rouge ou orange pour le N&B... Bon, vous avez le choix.
Une autre application pour pouvoir utiliser une fonction que l'on retrouve dans tout appareil photo, la possibilité de surexposer ou sous-exposer en un clin d’œil. C'est tout de même très agréable lorsqu'il est difficile de trouver la bonne exposition en tapotant sur l’écran du smartphone.
Un programme dédié aux panoramiques lorsque la fonction de l'iPhone 5s est prise à défaut.
C'est tout ! Mais j'aurais bien aimé tester ProCamera. Appareil Photo RAW, vu tout le bien que l'on en dit...
Un photophone, est tout de même avant tout un téléphone conçu pour être utilisé en milieu sophistiqué, il n'est pas du tout prévu pour répondre aux conditions exigeantes d'un trek isolé. Il faut donc le protéger. Il serait dommage qu'il tombe à l'eau (nous sommes tout de même dans le Makay), qu'il subisse les attaques du sable, qu'il tombe sur une roche à haut potentiel fracassant...Vous voyez ce que je veux dire.
Parmi plusieurs dispositifs de protection, j'ai opté pour une coque Griffin Survivor, mais n'importe quel autre modèle doit pouvoir convenir s'il a les mêmes caractéristiques. Bien entendu, l'iPhone change un peu de format et devient sensiblement plus encombrant, mais ce n'est vraiment pas grand-chose par rapport aux services rendus.
Il est à noter qu'après trois mois d'utilisation, je n'ai pas été très tendre avec le caoutchouc qui protège la partie photo qui montre des signes de faiblesses, alors je vous encourage à être un peu plus soigneux que moi...
Griffin Survivor, modèle avec du rouge pour retrouver facilement le smartphone s'il tombe dans l'eau...
C'est un peu le souci principal... Il paraît difficile d'avoir une batterie qui dure 15 jours, même avec les progrès réalisés en terme d’autonomie.
Dans un premier temps, il faut passer le téléphone en mode avion, c'est indispensable. Puis couper toutes les fonctions de géolocalisation (sauf si vous en avez vraiment besoin pour les programmes photographiques, mais cela consomme beaucoup de batteries), ne pas regarder sans cesse ses photos, ne pas les trier, se restreindre d’appliquer des " filtres artistiques ".
Tout cela n’est pas vraiment nécessaire sur le terrain, vous pourrez très bien le faire une fois rentrés chez vous, que ce soit directement sur le smartphone ou sur tout autre logiciel avec votre ordinateur. Tous ces conseils appliqués, combien de jours de prises d'images, dans ces conditions et sans se restreindre ? Avec un recul de 15 jours d'utilisation, je ne peux compter que sur 2 à 3 jours d’autonomie, pas plus...
Et encore, dès que la batterie affiche 40%, il est difficile de ne pas recharger, car il n’est même pas certain de tenir la journée si quelque chose d'exceptionnel se présente ;-).
Sur ce modèle, impossible de changer la batterie, ce qui est parfois le cas aussi pour d’autres smartphones.
J'ai donc opté pour une batterie auxiliaire qui m'a permis de recharger 5/6 fois l’iPhone 5s. Puis en supplément, un panneau solaire pour recharger cette batterie auxiliaire. Tout cela devient un peu plus encombrant, mais toujours moins que les 6kg de matériel habituel.
Une fois tous ces éléments pris en compte, il ne restait plus qu'une chose à faire : prendre des photos !
Toutes les personnes qui prenaient des photos en tendant les bras me faisaient sourire. Je ne vous parle même pas de celles qui le font avec une tablette... Alors lorsque moi aussi, je me suis retrouvé à effectuer le même geste, j'ai à nouveau souri, mais à mon sujet cette fois-ci. Ne jamais dire jamais...
Pour passer à l’action, il faut trouver la façon la plus rapide pour mettre en œuvre l'iPhone 5s. Pour faire simple, il faut enlever tout ce qui est demandes de codes à l'ouverture du téléphone ou l'utilisation de Touch ID (reconnaissance d'empreinte) à la sortie de veille du téléphone.
Vous imaginez bien le temps nécessaire à ces procédures avant de prendre une image, et cela des dizaines de fois par jour (en contrepartie, il ne faut pas perdre votre smartphone, qui serait alors en accès libre à tout utilisateur ; et ne pas oublier non plus de remettre vos codes d’accès sécurisés en fin de trek...).
Allez, c'est parti pour 15 jours de photo avec un nouvel outil ! Je dois avouer que cela m'a demandé deux bonnes journées avant de réellement arriver à prendre des photos qui me plaisaient. Deux journées à me demander pourquoi j'avais eu cette idée. Et puis, tout est rentré dans l'ordre, le plaisir de la photo reprenant le dessus. Je pense que cela a été possible parce que je m'étais interdit d'utiliser autre chose comme matériel.
Pas facile de n'avoir qu'un 30mm pour tous les cas de figure ; le 200mm m'a souvent manqué. Devant de beaux paysages très ouverts, je me suis souvent rendu compte que la partie ciel prenait beaucoup trop de place... il faut donc repenser ses images. Mais en contrepartie, une focale fixe de ce type oblige à être proche du sujet, à se déplacer pour trouver le meilleur point de vue, et au final à renoncer à prendre certaines images parce que ce n'est tout simplement pas possible...
Chercher un bon sujet, le bon angle, donc se focaliser sur la photo et non sur le matériel. Attention tout de même, l'écran est tellement flatteur que l'on en oublie ce qui a été développé dans la rubrique " Un peu de technique ".
On se laisse vite happer par la prise de vue, en oubliant tout ce qui nous faisait sourire précédemment...
Bien entendu, tout n'est pas parfait. Les mises au point peuvent être parfois un peu aléatoires, mais au final, il n'est pas si facile que cela de le prendre en défaut. Par contre, pour ce qui est de la balance des blancs ou de la zone de calcul pour la lumière, là c'est un peu compliqué. Si cela n'est pas votre souci habituellement, vous n'en serez pas chagriné.
Dans mon cas, je n'aime pas trop que les ingénieurs aient pris des options pour tout équilibrer en essayant de faire la photo parfaite. Au final, une image
Sans parler de la profondeur de champ, car l’utilisateur n'a aucun pouvoir sur l'ouverture de l'objectif (dans les exif j'ai toujours f/2,2). C'est lumineux, mais malgré tout il n'y a quasiment pas de possibilités d'avoir d'arrière-plans avec un beau dégradé de flous. De plus, aucune possibilité de choisir les ISO ou la vitesse de déclenchement. Ce sont les compromis d'un tel appareil...
Enfin, un autre facteur à prendre compte, c'est bien le poids. Beaucoup moins de fatigue en fin de journée... ce qui n'est pas négligeable sur un circuit un peu engagé.
Il faut malgré tout s'entraîner un peu, comme avec un nouveau reflex, pour ne pas perdre de temps à chercher dans les menus les bons réglages. Prendre des photos les bras tendus, au 30 mm, demande aussi un temps d'adaptation. Il faut repenser son rapport à l'image.
Mais au final, c'est le plaisir de photographier qui prend le dessus. Le smartphone, le reflex, ne sont que des outils, mais la composition, le cadrage, les choix techniques restent à la charge du photographe. Et puis tout dépend de ce que vous voulez faire de vos images, écran ou impression en 4x3m...il faut se poser la question dès la prise de vue.
Avec toutes les restrictions liées à ce type d'appareil photo, j'ai été agréablement surpris par le résultat. Les images ont un bon rendu général, et sont au final d'un bon niveau.
J'espère juste que la prochaine génération embarquera un capteur encore plus performant (13 millions de pixels, avec une taille plus grande) et la possibilité d’enregistrer les fichiers en Raw, si l’utilisateur le désire.
Chez Apple, il ne reste plus qu'à attendre l’iPhone 6 sous iOS 8...(à suivre)…tout en restant vigilant sur ce que font Samsung, LG, Sony et consorts...
Au fait, vous n'êtes pas obligé de me croire sur parole, je vous invite donc à découvrir les 2 galeries réalisées au cours de ce dernier voyage dans le Makay :
Trek Makay, 15 jours - Mai 2014 (smartphone - iPhone 5s)
Trek Makay, Panoramik - Mai 2014 (iPhone 5s)
En route pour le Makay sans Reflex !
Mai 2014, c'était mon quatrième voyage dans le Makay. Produire de nouvelles images sans être trop redondant, pas si simple… Puis une idée m'est apparue comme évidente : tester l'appareil photo d’un smartphone dans des conditions complexes :
• Trek long (ici 15 jours) en autonomie ;
• Isolement sans aucune possibilité de trouver de l’électricité ;
• Environnent difficile pour un appareil, alternance d'eau et de sable.
• Face à ce qui au début ne m’apparaissait être qu'un défi, il ne me restait plus qu'à réaliser cet essai grandeur nature.
J'avais tout lu et son contraire au sujet des photos prises avec un smartphone. Sans a priori ni expérience de ma part, j'étais resté jusqu'à cette année accompagné d’un Nokia 3310, c'est vous dire combien j'étais imperméable au progrès technique des téléphones. J'avais lu les commentaires sur la couverture du Times prise avec un iPhone 4s en 2012. Puis en avril 2013, le New York Times a aussi fait sa couverture avec un cliché tiré d'un smartphone après y avoir effectué quelques retouches à l'aide d'Instagram.
Je devais me rendre compte par moi-même : est-ce un effet de mode ou le smartphone peut-il réellement être utilisé pour faire de la photo ?
Ce n'était pas seulement le traitement qui m’intéressait (chacun est libre de choisir une option artistique - ou pas...) mais aussi de savoir si je pouvais remplacer mes 6kg de matériel par les 112 grammes d'un iPhone 5s (c'est le modèle de smartphone que j'avais choisi)…
J'entends déjà bon nombre de photographes professionnels et amateurs
expertscrier à l'hérésie, et je les comprends… Sans vouloir arrêter la photo "traditionnelle", je voulais juste tester, dans un autre registre, un nouveau moyen de prendre des photos.
Un peu de technique
Plage Dynamique
La plage dynamique représente l’écart entre les lumières les plus fortes et les ombres les plus sombres d’une scène. Bien entendu, tout smartphone, quelle que soit sa marque, n'a pas l’étendue de la plage dynamique d'un moyen format ou d'un capteur full frame. Notre œil a naturellement une plage dynamique de 24 EV (Exposure Value – IL/Indice de Lumination en Français), alors que pour l'instant la plage dynamique théorique maximale des meilleurs capteurs est restreinte à 14 EV, donc moins d'informations dans les très hautes et très basses lumières. Les capteurs ont donc tendance à «enterrer» les ombres et à «griller» les hautes lumières, générant des images avec beaucoup moins de détails. Cependant, les progrès sont constants et ce sont souvent des algorithmes qui viennent résoudre une partie des problèmes liés à la faible surface des capteurs.
Jpeg ou Raw ?
Évidemment, on ne peut pas échapper à cette question, puisque les smartphones fonctionnent actuellement en Jpeg. Le Raw caractérise un fichier qui n’est pas compressé, c'est un fichier brut, tandis que le fichier Jpeg a subi une forte compression qui peut affecter ses caractéristiques. Il faut tenir compte du fait que le Jpeg contient 256 niveaux de gris alors que le Raw peut en contenir jusqu’à 16384, c’est pourquoi les dégradés seront donc bien plus esthétiques, notamment sur des grands tirages.
Il s’agit de deux options différentes : avec le Jpeg les informaticiens de la marque ont choisi pour vous le traitement à apporter à votre photo ; avec le Raw, c'est vous qui maîtrisez les informations que vous voulez sauver dans les hautes et basses lumières. En conséquence, si vous ne travaillez pas vos images en post-traitement, il faut rester en Jpeg.
Pour les autres, en relisant ce qui est écrit dans plage dynamique, on se rend compte qu'en lumière peu propice beaucoup d'informations ont été perdues par rapport à ce que l’œil pouvait voir, c’est pourquoi le Raw serait plus favorable.
Profondeur De Champ et focale
Le second souci est la profondeur de champ, liée à la taille du capteur. Celui d'un appareil photo dit full frame est de 24x36 mm, alors que celui de l'iPhone 5s utilisé est autour de 4,89 x 3,67 mm. Soit 48 fois plus petit en surface. Or à ouverture équivalente, pour une scène donnée, la profondeur de champ est plus courte à mesure que la taille du capteur augmente, vous avez donc la possibilité de détacher votre sujet de l'arrière-plan, alors qu'avec un capteur limité, vous aurez quasiment une profondeur de champ infinie.
A l’inverse, le 24x36, lui, permet un plus grand contrôle du flou et de sa répartition. C’est pour pallier la qualité du capteur que l'on voit fleurir des applications smartphone qui viennent ajouter du flou dans l'arrière-plan en post-traitement. Il y a aussi une solution matériel pour obtenir des portraits qui se détachent du fond, comme le Klyp+ de Manfrotto et son optique portrait.
Il faut bien se mettre d'accord, je ne compare pas la qualité des capteurs entre les différentes marques de smartphone. Dans le cas présent, j'ai utilisé un iPhone 5s, mais il aurait tout aussi bien pu être un Nokia Lumia 925, un Sony Xperia Z2, ou un Samsung Galaxy... D'ailleurs, on ne parle plus de smartphone, il a fallu inventer un nouveau mot : photophone (même si le photophone est une technique de téléphonie optique développée par Alexandre Graham Bell dans les années 1880)...
Avec mon Nikon D800, je pars avec un capteur de 36 millions de pixels (soit un format d'image de 7360 x 4912), alors qu'avec l'iPhone 5s, je n'ai plus que 8 millions de pixels (3264 x 2448). Donc rapidement, je me suis rendu compte qu'il ne fallait surtout pas penser à zoomer avec l'iPhone 5s. Il s’agit bien entendu d'un zoom numérique, et pour moi l’essai s’est traduit par des résultats vite catastrophiques : au fur et à mesure du zoom il existe une "pixelisation" très forte (comme on dit dans le jargon,
ça pique les yeux;-)).
L’iPhone 5s embarque une focale fixe équivalente à un 30mm (en 24x36), et c'est tout. Il est toujours possible d'y ajouter tout un tas de gadgets (grand angle, zoom...) mais je m'étais fixé comme principe de ne partir qu'avec l'appareil nu. Avec cette focale, l'index de la main gauche entre souvent dans le cadre et l'absence de pare-soleil ne permet pas trop de se tourner vers le soleil, sauf à rendre artistiques les flares engendrés...
Je suis donc parti pour tout un voyage au 30mm ; une focale pas très habituelle, mais à laquelle il a fallu s’accommoder...
Quelles applications ?
L'application native de l'iPhone 5s est-elle suffisante ? A mon goût non, et ce pour plusieurs raisons :
- La définition de sortie des images est de 72dpi (pixels pas pouce), donc pour une impression papier le format maximum en 300dpi est 21x27 cm. Ce qui au final n'est pas si mal, mais pas toujours satisfaisant. J'aurais donc préféré directement une définition à 300dpi. Par contre, pour un affichage à l'écran, c'est largement suffisant.
- Le fichier est en Jpeg, donc plus aucune possibilité de travailler sur toutes les informations d'un fichier en Raw. A ce jour, dans l'univers Apple, il n'y a pas de possibilité de capturer une image en Raw. Par contre, d'autres applications utilisent le format Tiff, ce qui pour une image permet normalement de ne pas subir de dégradation. Ce qui n'est pas le cas pour le Jpeg.
A l'origine ce choix du tout Jpeg était une nécessité pour le stockage sur smartphone, car les fichiers en Tiff sont beaucoup plus lourds. Compter dans notre cas plus de 20Mo, alors qu'en Jpeg c’est aux alentours de 5Mo. Mais dorénavant avec 64go, on pourrait stocker dans les 2700 à 3000 images en Raw...Suffisant non ? Il faudra attendre la sortie prochaine de l'iOS 8, pour savoir si ces demandes seront suivies ou pas...
Les applications dont je disposais pour l'iPhone 5s étaient les suivantes :
Cette application permet le Tiff à 300dpi et propose un large choix de formats d'image, dont le panorama direct, sans avoir à faire tourner l'appareil… Même si cela ne couvre pas le même angle. Elle permet de verrouiller la balance des blancs et l'exposition, avec en bonus un histogramme. Elle offre, pour ceux qui le veulent, de choisir des équivalences de pellicules argentiques (13) : H5, E64, V50...que l'on peut coupler avec des filtres photographiques : NG1, NG2, NG3, rouge ou orange pour le N&B... Bon, vous avez le choix.
Une autre application pour pouvoir utiliser une fonction que l'on retrouve dans tout appareil photo, la possibilité de surexposer ou sous-exposer en un clin d’œil. C'est tout de même très agréable lorsqu'il est difficile de trouver la bonne exposition en tapotant sur l’écran du smartphone.
Un programme dédié aux panoramiques lorsque la fonction de l'iPhone 5s est prise à défaut.
C'est tout ! Mais j'aurais bien aimé tester ProCamera. Appareil Photo RAW, vu tout le bien que l'on en dit...
Aspects pratiques
Protection
Un photophone, est tout de même avant tout un téléphone conçu pour être utilisé en milieu sophistiqué, il n'est pas du tout prévu pour répondre aux conditions exigeantes d'un trek isolé. Il faut donc le protéger. Il serait dommage qu'il tombe à l'eau (nous sommes tout de même dans le Makay), qu'il subisse les attaques du sable, qu'il tombe sur une roche à haut potentiel fracassant...Vous voyez ce que je veux dire.
Parmi plusieurs dispositifs de protection, j'ai opté pour une coque Griffin Survivor, mais n'importe quel autre modèle doit pouvoir convenir s'il a les mêmes caractéristiques. Bien entendu, l'iPhone change un peu de format et devient sensiblement plus encombrant, mais ce n'est vraiment pas grand-chose par rapport aux services rendus.
Il est à noter qu'après trois mois d'utilisation, je n'ai pas été très tendre avec le caoutchouc qui protège la partie photo qui montre des signes de faiblesses, alors je vous encourage à être un peu plus soigneux que moi...
Griffin Survivor, modèle avec du rouge pour retrouver facilement le smartphone s'il tombe dans l'eau...
Autonomie et recharge de la batterie
C'est un peu le souci principal... Il paraît difficile d'avoir une batterie qui dure 15 jours, même avec les progrès réalisés en terme d’autonomie.
Dans un premier temps, il faut passer le téléphone en mode avion, c'est indispensable. Puis couper toutes les fonctions de géolocalisation (sauf si vous en avez vraiment besoin pour les programmes photographiques, mais cela consomme beaucoup de batteries), ne pas regarder sans cesse ses photos, ne pas les trier, se restreindre d’appliquer des " filtres artistiques ".
Tout cela n’est pas vraiment nécessaire sur le terrain, vous pourrez très bien le faire une fois rentrés chez vous, que ce soit directement sur le smartphone ou sur tout autre logiciel avec votre ordinateur. Tous ces conseils appliqués, combien de jours de prises d'images, dans ces conditions et sans se restreindre ? Avec un recul de 15 jours d'utilisation, je ne peux compter que sur 2 à 3 jours d’autonomie, pas plus...
Et encore, dès que la batterie affiche 40%, il est difficile de ne pas recharger, car il n’est même pas certain de tenir la journée si quelque chose d'exceptionnel se présente ;-).
Sur ce modèle, impossible de changer la batterie, ce qui est parfois le cas aussi pour d’autres smartphones.
J'ai donc opté pour une batterie auxiliaire qui m'a permis de recharger 5/6 fois l’iPhone 5s. Puis en supplément, un panneau solaire pour recharger cette batterie auxiliaire. Tout cela devient un peu plus encombrant, mais toujours moins que les 6kg de matériel habituel.
Une fois tous ces éléments pris en compte, il ne restait plus qu'une chose à faire : prendre des photos !
Sur le terrain !
Toutes les personnes qui prenaient des photos en tendant les bras me faisaient sourire. Je ne vous parle même pas de celles qui le font avec une tablette... Alors lorsque moi aussi, je me suis retrouvé à effectuer le même geste, j'ai à nouveau souri, mais à mon sujet cette fois-ci. Ne jamais dire jamais...
Pour passer à l’action, il faut trouver la façon la plus rapide pour mettre en œuvre l'iPhone 5s. Pour faire simple, il faut enlever tout ce qui est demandes de codes à l'ouverture du téléphone ou l'utilisation de Touch ID (reconnaissance d'empreinte) à la sortie de veille du téléphone.
Vous imaginez bien le temps nécessaire à ces procédures avant de prendre une image, et cela des dizaines de fois par jour (en contrepartie, il ne faut pas perdre votre smartphone, qui serait alors en accès libre à tout utilisateur ; et ne pas oublier non plus de remettre vos codes d’accès sécurisés en fin de trek...).
Allez, c'est parti pour 15 jours de photo avec un nouvel outil ! Je dois avouer que cela m'a demandé deux bonnes journées avant de réellement arriver à prendre des photos qui me plaisaient. Deux journées à me demander pourquoi j'avais eu cette idée. Et puis, tout est rentré dans l'ordre, le plaisir de la photo reprenant le dessus. Je pense que cela a été possible parce que je m'étais interdit d'utiliser autre chose comme matériel.
Pas facile de n'avoir qu'un 30mm pour tous les cas de figure ; le 200mm m'a souvent manqué. Devant de beaux paysages très ouverts, je me suis souvent rendu compte que la partie ciel prenait beaucoup trop de place... il faut donc repenser ses images. Mais en contrepartie, une focale fixe de ce type oblige à être proche du sujet, à se déplacer pour trouver le meilleur point de vue, et au final à renoncer à prendre certaines images parce que ce n'est tout simplement pas possible...
Chercher un bon sujet, le bon angle, donc se focaliser sur la photo et non sur le matériel. Attention tout de même, l'écran est tellement flatteur que l'on en oublie ce qui a été développé dans la rubrique " Un peu de technique ".
On se laisse vite happer par la prise de vue, en oubliant tout ce qui nous faisait sourire précédemment...
Bien entendu, tout n'est pas parfait. Les mises au point peuvent être parfois un peu aléatoires, mais au final, il n'est pas si facile que cela de le prendre en défaut. Par contre, pour ce qui est de la balance des blancs ou de la zone de calcul pour la lumière, là c'est un peu compliqué. Si cela n'est pas votre souci habituellement, vous n'en serez pas chagriné.
Dans mon cas, je n'aime pas trop que les ingénieurs aient pris des options pour tout équilibrer en essayant de faire la photo parfaite. Au final, une image
ni trop, ni trop peu... Lorsque la lumière est parfaite, il n’existe pas de problème majeur. En revanche, lorsqu'elle est très contrastée, la situation est plus compliquée : pas moyen de choisir une zone particulière et de modifier l'exposition manuellement. En tout cas pas avec le logiciel natif de la marque pommée...
Sans parler de la profondeur de champ, car l’utilisateur n'a aucun pouvoir sur l'ouverture de l'objectif (dans les exif j'ai toujours f/2,2). C'est lumineux, mais malgré tout il n'y a quasiment pas de possibilités d'avoir d'arrière-plans avec un beau dégradé de flous. De plus, aucune possibilité de choisir les ISO ou la vitesse de déclenchement. Ce sont les compromis d'un tel appareil...
Enfin, un autre facteur à prendre compte, c'est bien le poids. Beaucoup moins de fatigue en fin de journée... ce qui n'est pas négligeable sur un circuit un peu engagé.
Pour conclure
Il faut malgré tout s'entraîner un peu, comme avec un nouveau reflex, pour ne pas perdre de temps à chercher dans les menus les bons réglages. Prendre des photos les bras tendus, au 30 mm, demande aussi un temps d'adaptation. Il faut repenser son rapport à l'image.
Mais au final, c'est le plaisir de photographier qui prend le dessus. Le smartphone, le reflex, ne sont que des outils, mais la composition, le cadrage, les choix techniques restent à la charge du photographe. Et puis tout dépend de ce que vous voulez faire de vos images, écran ou impression en 4x3m...il faut se poser la question dès la prise de vue.
Avec toutes les restrictions liées à ce type d'appareil photo, j'ai été agréablement surpris par le résultat. Les images ont un bon rendu général, et sont au final d'un bon niveau.
J'espère juste que la prochaine génération embarquera un capteur encore plus performant (13 millions de pixels, avec une taille plus grande) et la possibilité d’enregistrer les fichiers en Raw, si l’utilisateur le désire.
Chez Apple, il ne reste plus qu'à attendre l’iPhone 6 sous iOS 8...(à suivre)…tout en restant vigilant sur ce que font Samsung, LG, Sony et consorts...
Au fait, vous n'êtes pas obligé de me croire sur parole, je vous invite donc à découvrir les 2 galeries réalisées au cours de ce dernier voyage dans le Makay :
Trek Makay, 15 jours - Mai 2014 (smartphone - iPhone 5s)
Trek Makay, Panoramik - Mai 2014 (iPhone 5s)