Téléphone et cancer du cerveau : l'emballement médiatique après une étude controversée
Par Didier Pulicani - Publié le
Le 9 mai dernier, un groupe de chercheurs de l'Institut de santé publique, d'épidémiologie et de développement de Bordeaux publiait une énième étude sur l'impact possible des ondes de téléphones portable sur la santé. Comme souvent, on ne sait pas trop pourquoi une étude ressort plus qu'une autre dans la presse, mais l'AFP a décidé de mettre les gros titres pour cette dépêche qui a été reprise par la quasi-totalité des médias internationaux depuis hier.
Il n'est pas ici question de détailler tout le document (que vous pouvez vous procurer sur cette page) mais plutôt d'analyser un peu la façon dont le sujet a été traité compte tenu des informations à disposition. La quasi-totalité des médias généralistes ont titré que
Mais que dit exactement l'étude ? Les premières ligne des résultats sont pourtant claires : Il n'y a pas de lien entre utilisation du téléphone portable et tumeur au cerveau. Ce sont les chercheurs eux-même qui le disent. En revanche, ils ont noté une relation statistique entre la présence d'un gliome (tumeur cérébrale bénigne ou maligne, notez la nuance) et les très gros utilisateurs de téléphone portable (on y revient plus bas). Il faut savoir que ce fameux
Maintenant, la question que se posent rarement les journalistes, lorsqu'ils traitent ce type de sujet, concerne les dispositifs mis en place pour l'étude en question. Nos valeureux chercheurs ont utilisé ce qu'on appelle une étude
Ensuite, il est intéressant de voir comment l'usage des téléphone a été rapporté. Ici, pas de mesure précise, mais uniquement des témoignages : il a été demandé à chacun d'estimer (!) la durée et la façon dont il utilise son téléphone. On pourrait d'ailleurs imaginer que les malades aient tendance à exagérer l'usage qu'ils en ont eu, associant de fait, le cancer au téléphone. Mais lorsqu'on continue de lire la description de la méthodologie, on apprend que pour certains patients, trop malades pour répondre, ce serait en fait l'entourage proche (sic) qui aurait fournit les données d'utilisation. (Quand bien même ma propre femme me connait bien, je doute qu'elle puisse estimer le nombre d'heures que je passe par mois au téléphone...). Il parait bien étonnant de baser une étude chiffrée sur de simples déclarations : qui parmi nous peut vraiment mesurer (avec une précision raisonnable) le nombre d'heures d'appels sans consulter ses factures ?
Comme vu plus haut, l'étude conclut finalement très clairement qu'il n'y a pas de différence notable entre le groupe témoin et le groupe infecté. C'est en fait seulement en sélectionnant 20% de la population étudiée, et qui se dit oralement
Plus étonnant encore, cette étude n'arrive pas du tout aux conclusions des (rares) études ayant mis en lumière un possible lien entre cancer du cerveau et utilisation du téléphone. Par exemple, les précédentes recherches tentaient de prouver que le cancer se développait du côté où l'on place habituellement le combiné : celle-ci prouve exactement le contraire. D'autre part, cette étude tend à montrer que les utilisateurs urbains sont plus touchés que les campagnards... ce qui parait bien étonnant, lorsqu'on sait qu'un téléphone émet bien plus fort lorsque les antennes sont éloignées, que dans des zones de fortes densité, mieux équipées.
Alors que conclure ? Pas grand chose, et surement pas ce qu'on a pu lire ici et là. D'autre part, comme on vous l'a sans doute appris au lycée, pour qu'une étude soit validée par la communauté scientifique, il faut qu'elle ait été au moins reproduite une fois et que le groupe de chercheur arrive aux même conclusions avec les mêmes données de départ, ce qui n'est pas encore le cas ici.
Evidemment, rares sont les journalistes à cumuler une expertise de statisticien et de cancérologue, mais je reste vraiment surpris de la façon dont la presse traite ce type de sujet, et ce, à chaque fois que l'on évoque les ondes électro-magnétiques. Pourquoi diable prendre toujours le parti d'affoler la population ? Pour vendre du papier, sans doute.
Si le sujet vous intéresse, voici quelques liens (dont je vous laisserais appréciser la diversité de traitement) :
L'étude en question
Le Guardian
Le Figaro
Doctissimo
Le Point
Sud Ouest
Le Monde
Ars
Il n'est pas ici question de détailler tout le document (que vous pouvez vous procurer sur cette page) mais plutôt d'analyser un peu la façon dont le sujet a été traité compte tenu des informations à disposition. La quasi-totalité des médias généralistes ont titré que
30 minutes d'utilisation quotidienne de son portable doublerait les risques de cancer du cerveau. Ce genre de déclaration a vite fait de créer un vent de panique et d'affoler la population. Certains sites (comme ici, chez Doctissimo) rapportent d'ailleurs l'information d'une drôle de façon, sans aucun sens critique et sans prendre le temps de lire les conclusions de l'étude, de quoi rendre tout néophyte sacrément inquiet à la vue de son iPhone.
Mais que dit exactement l'étude ? Les premières ligne des résultats sont pourtant claires : Il n'y a pas de lien entre utilisation du téléphone portable et tumeur au cerveau. Ce sont les chercheurs eux-même qui le disent. En revanche, ils ont noté une relation statistique entre la présence d'un gliome (tumeur cérébrale bénigne ou maligne, notez la nuance) et les très gros utilisateurs de téléphone portable (on y revient plus bas). Il faut savoir que ce fameux
risquetant décrié est naturellement de 5 à 6 pour 100 000 individus dans la population, et selon l'étude, il passerait à 8 à 10 pour 100 000 en cas d'usage à
haute dose. Un risque qui reste donc très faible (même doublé), on est par exemple très loin des risques d'AVC créés par une surconsommation de tabac et l'alcool. Mais soit, pourquoi pas. Qu'appelle-t-on alors un usage
à haute dose? L'étude démontre un effet à partir de 30mn par jour environ, là où la moyenne française est de 2,5H... par mois. En imaginant que tout ceci soit exact, le niveau de risque combiné à celui de la population à risque (commerciaux, VRP...) reste donc extrêmement faible.
Maintenant, la question que se posent rarement les journalistes, lorsqu'ils traitent ce type de sujet, concerne les dispositifs mis en place pour l'étude en question. Nos valeureux chercheurs ont utilisé ce qu'on appelle une étude
cas-témoins, c'est à dire qu'ils ont pris une population de personnes malades (447 personnes atteintes de tumeurs bénignes ou malignes du SNC (253 gliomes et 194 méningiomes), diagnostiquées entre juin 2004 et mai 2006) et ils sont allés chercher des
témoinsdans la population nationale, en doublant cette fois l'échantillon. On pourrait déjà être un peu critique sur la taille de l'échantillon, ici assez faible d'autant que l'usage du téléphone est rarement le même pour tous (type d'appareil, DAS variant, oreillettes, kit main-libre etc.). Suivant les personnes, certains ont d'ailleurs eu leur premier appareil à des âges très différents.
Ensuite, il est intéressant de voir comment l'usage des téléphone a été rapporté. Ici, pas de mesure précise, mais uniquement des témoignages : il a été demandé à chacun d'estimer (!) la durée et la façon dont il utilise son téléphone. On pourrait d'ailleurs imaginer que les malades aient tendance à exagérer l'usage qu'ils en ont eu, associant de fait, le cancer au téléphone. Mais lorsqu'on continue de lire la description de la méthodologie, on apprend que pour certains patients, trop malades pour répondre, ce serait en fait l'entourage proche (sic) qui aurait fournit les données d'utilisation. (Quand bien même ma propre femme me connait bien, je doute qu'elle puisse estimer le nombre d'heures que je passe par mois au téléphone...). Il parait bien étonnant de baser une étude chiffrée sur de simples déclarations : qui parmi nous peut vraiment mesurer (avec une précision raisonnable) le nombre d'heures d'appels sans consulter ses factures ?
Comme vu plus haut, l'étude conclut finalement très clairement qu'il n'y a pas de différence notable entre le groupe témoin et le groupe infecté. C'est en fait seulement en sélectionnant 20% de la population étudiée, et qui se dit oralement
grande consommatriceque l'étude statistique laisse entrevoir un doute. Je ne suis pas statisticien, mais on n'en arrive ici à étudier des échantillons d'échantillons sur base de simple déclarations.
Plus étonnant encore, cette étude n'arrive pas du tout aux conclusions des (rares) études ayant mis en lumière un possible lien entre cancer du cerveau et utilisation du téléphone. Par exemple, les précédentes recherches tentaient de prouver que le cancer se développait du côté où l'on place habituellement le combiné : celle-ci prouve exactement le contraire. D'autre part, cette étude tend à montrer que les utilisateurs urbains sont plus touchés que les campagnards... ce qui parait bien étonnant, lorsqu'on sait qu'un téléphone émet bien plus fort lorsque les antennes sont éloignées, que dans des zones de fortes densité, mieux équipées.
Alors que conclure ? Pas grand chose, et surement pas ce qu'on a pu lire ici et là. D'autre part, comme on vous l'a sans doute appris au lycée, pour qu'une étude soit validée par la communauté scientifique, il faut qu'elle ait été au moins reproduite une fois et que le groupe de chercheur arrive aux même conclusions avec les mêmes données de départ, ce qui n'est pas encore le cas ici.
Evidemment, rares sont les journalistes à cumuler une expertise de statisticien et de cancérologue, mais je reste vraiment surpris de la façon dont la presse traite ce type de sujet, et ce, à chaque fois que l'on évoque les ondes électro-magnétiques. Pourquoi diable prendre toujours le parti d'affoler la population ? Pour vendre du papier, sans doute.
Si le sujet vous intéresse, voici quelques liens (dont je vous laisserais appréciser la diversité de traitement) :
L'étude en question
Le Guardian
Le Figaro
Doctissimo
Le Point
Sud Ouest
Le Monde
Ars