Le HomePod restera-t-il une enceinte "fermée" ? (opinion)
Par Didier Pulicani - Publié le
HomePod, qui débarquera dès vendredi dans certains pays anglophones.
Si l'on sait déjà presque tout sur l'enceinte connectée de la Pomme, beaucoup étaient surpris de voir que la firme limitait la plupart des fonctionnalités audio à Apple Music. L'objet ne sera en effet pas capable de contrôler directement un abonnement Spotify par exemple, contrairement à la concurrence.
Autre limitation, la diffusion audio depuis un appareil tiers ne se fera qu'en AirPlay. En clair, il sera possible de diffuser Spotify, mais il faudra contrôler l'application depuis un Mac, un iPhone ou une Apple Watch : impossible de demander au HomePod directement d'aller
chercherdu contenu dans sa bibliothèque iTunes par exemple, sauf si une partie de cette dernière a été acheté sur l'iTunes Store ou si vous avez pris iTunes Match.
Bien que dotée d'une puce Bluetooth 5, cette dernière ne pourra pas être utilisée pour diffuser de la musique. Là aussi, voilà qui limite grandement le champ d'action, notamment sur Android. Plus généralement, l'enceinte ne peut pas être utilisée... comme une enceinte, c'est à dire, avec une simple entrée audio ou en HDMI, reliée à une télévision, un ampli ou n'importe quel dispositif de diffusion. Et pas question non plus de lui connecter un gros sound-system car il n'y a aucune sortie !
A première vue, la Pomme agit donc comme à son habitude, en favorisant d'abord son propre écosystème, comme elle l'avait fait pour l'iPod, iTunes, l'iPhone et même l'Apple TV ou CarPlay au lancement. Mais ce serait oublier que chacun de ces produits s'est finalement ouvert à la concurrence : iTunes a été porté sous Windows, ce qui a permis à l'iPod, puis l'iPhone d'être compatible avec l'univers de Microsoft. Sur iOS, il aura fallu attendre une bonne année avant que l'iPhone accepte des applications de développeurs tiers. Quant à l'Apple TV ou CarPlay, ils ont finalement vu arriver (parfois tardivement) des programmes concurrents à ceux d'Apple (Netflix, Spotify etc.) même si la firme a l'art de garder le contrôle au fil du temps : on attend encore Google Maps ou Waze sur CarPlay et WhatsApp vient seulement d'être accepté sur la plateforme.
Finalement, le HomePod pourrait lui-aussi très bien s'ouvrir à la concurrence, mais peut-être pas immédiatement, et dans une certaine limite : peu de chance, par exemple, même à long terme, que Google Assistant ou Alexa puisse prendre la place de Siri ! Apple ne l'a jamais fait sur ses appareils iOS et rien n'indique que cela changera un jour ! Quant à intégrer Spotify ou Deezer, je pense que la Pomme n'est pas totalement fermée à l'idée mais qu'elle se laisse encore le temps de la réflexion (car un retour en arrière ne serait pas envisageable), c'est d'ailleurs aussi l'avis de John Gruber, pour qui la présence d'AirPlay est déjà une belle porte ouverte à la concurrence.
Ce qu'il faut comprendre, c'est qu'Apple n'a jamais été vraiment fermée à l'idée d'intégrer des services à son univers, mais son dada de toujours, c'est réellement de garder l'utilisateur captif sur ses produits. Quelque part, le fait d'avoir porté iTunes sous Windows ou Apple Music sur Android est donc un risque acceptable pour la Pomme, car si la décision pourrait encourager certains clients à quitter son écosystème, elle offre surtout une porte d'entrée pour faire découvrir ses produits à de nouveaux utilisateurs, tout en gagnant des parts de marché (sur le mobile, la musique en ligne....). A l'inverse, pas question d'ouvrir FaceTime, iMessage ou encore iCloud, qui se doivent, eux, de rester totalement exclusifs pour retenir d'éventuels fuyards.
A l'arrivée, l'omniprésence d'Apple dans notre quotidien pose malgré tout de plus en plus la question (légitime) de l'interopérabilité, et du contrôle de ses données/services. Le problème n'est pas spécifique à Apple -Google ne permet pas d'installer Siri ou Alexa sur son enceinte connectée- mais pour l'utilisateur, il y a un risque réel de se retrouver cloisonné sur un grand nombre de segments. A terme, on pourrait tout à fait imaginer que des produits connectés ne soient compatibles qu'avec l'un ou l'autre des services, en fonction des accords passés avec les GAFA. Imaginez-vous acheter une maison neuve
compatibleavec Google (Home), mais pas avec Apple (HomeKit) ? Certains choisissent déjà leur véhicule en fonction des intégrations de l'une ou l'autre de ces solutions...