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"Jobs" est le film que vous DEVEZ aller voir cette semaine. Malgré les critiques

Par Didier Pulicani - Publié le

Cet article est garanti sans spoiler sur la première partie. Et Steve Jobs ne meurt pas à la fin.

Quelques jours après les USA, l'Europe peut enfin goûter au plaisir de voir Ashton Kutcher jouer le rôle du grand Steve au cinéma.

La question n'est pas tant de savoir s'il faut aller le voir ou pas. Bien-sûr, qu'il faut y aller. Ne serait-ce que pour voir un film sur l'histoire -passionnante- de l'informatique personnelle, bien trop rarement présente sur les plateaux d'Hollywood. Ceux retraçant le parcours d'Apple ne sortent que tous les 15 ans. Le dernier en date (Les Pirates de la Silicon Valley) n'était même qu'un téléfilm, et il n'a jamais vu l'ombre d'une salle de cinéma. Il y a bien eu quelques longs métrages sur des pirates célèbres (comme Mitnick), mais rares ont été les biopics sur Jobs, Gates ou même les talentueux Bill Hewlett et Dave Packard.

"Jobs" est le film que vous DEVEZ aller voir cette semaine. Malgré les critiques


Avant d'aller voir le film (en payant ma place, je précise), j'ai évidemment lu bon nombre de critiques. La plupart apparaissent plutôt tièdes, ne parlant jamais de chef d'oeuvre, et évoquent surtout ce que le film ne montre pas. Je vous passe certains billets (comme ici, chez nos amies de Madmoizelle) où la spectatrice se réjouit que le film ne fasse pas (trop) l'apologie d'Apple (en attendant ma cocotte, si tu vas voir un film sur Jobs, c'est que tu éprouves un peu d'intérêt pour le personnage, et les produits qu'il a sortis). Il faut dire que le public d'Apple a radicalement changé : tous ceux nés dans les années 90 voient avant-tout la firme comme une grosse multinationale avide de dollars et faisant travailler les petits chinois sans vergogne. Ils n'ont pas toujours connu l'époque noire avant le retour de Jobs en 98, ni les débuts de l'informatique moderne, avant la transition clavier/souris/écran si commune aujourd'hui. La perception que l'on a du personnage et de son entreprise, influence donc beaucoup la manière dont on va appréhender ce genre de film. Cela explique aussi que les critiques ciné -dont beaucoup n'ont suivi que de loin l'histoire de l'informatique- ne soient pas émus outre mesure en voyant Woz bricoler son Apple 1 dans son garage (d'autant que le biopic a été tourné dans le vrai garage des parents de Jobs. Pour nous, ça a son importance !).

La suite parle plus spécifiquement du film. Si vous préférez garder la surprise, revenez nous lire une fois sorti de la salle... Mais promis, j'essaie de ne pas trop spoiler.

J'ai bien aimé Jobs. Ces deux heures sont finalement passées comme une lettre à la poste. J'ai trouvé le choix de se concentrer sur les années 70/début 80 assez pertinent. Malgré le succès indécent d'Apple dans années 2000, cette période est encore trop fraiche dans nos esprits pour imaginer qu'un Ashton Kutcher un peu vieilli (et cancereux) puisse nous faire oublier les dernières années de la vie de Jobs. Et d'ailleurs, peu importe ce que vous avez pu lire, vous ne resterez pas indifférent face au jeu de l'acteur. Kutcher a pris son rôle très au sérieux (au point de se nourrir que de fruits et de friser la syncope avant le tournage), allant jusqu'à imiter parfaitement la démarche mais aussi l'élocution du fondateur d'Apple, avec une précision qu'on n'est sans doute pas prêt de revoir au cinéma (allez le voir en VO, si vous pouvez). Alors oui, à certains moments, le trait est un peu forcé, la démarche scabreuse, le maquillage surfait, mais la ressemblance naturelle de Kutcher impressionne, surtout dans la période des 20-30 ans, où le rôle lui colle parfaitement à la peau.

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C'est vrai, il manque de nombreux passages dans ce biopic, qui n'évoque jamais Pixar, ne montre jamais la tête boutonneuse de Bill Gates et n'accorde à peine que quelques minutes à son entourage familial. C'est d'ailleurs une critique récurrente du film, les fans semblent un peu sur leur faim en sortant, beaucoup auraient aimé quelque chose de plus complet. Mais est-ce vraiment possible de résumer en deux heures, 50 ans de vie d'un tel homme ? Un biopic n'est jamais exhaustif et le réalisateur doit faire des choix, trouver un angle d'attaque. Doit-on vraiment passer 20 minutes sur Pixar, alors que le vrai génie de cette boite se nomme plutôt John Lasseter ? Est-ce vraiment si important de parler de NeXT, un nom qui ne dit pas grand chose à quiconque, hormis quelques passionnés ?

Jobs s'intéresse principalement à l'individu, à Steve, dans toute sa complexité. Colérique, rigoureux, visionnaire, marketeux dans l'âme, dragueur, et même un peu junkie-hippie à ses heures... le portrait dépeint ici semble plutôt fidèle à ce qu'on connait de l'homme, même si ses relations complexes avec le sexe opposé ont été un peu trop vite résumées. Woz s'est déclaré assez déçu de l'importance donnée à son personnage. Malgré son apparence à la kubiak largement exagéré (Woz était certes un nerd plutôt costaud, mais absolument pas un petit-gros-moche qui vivait dans une cave), l'homme apparait au contraire indispensable aux premières années d'Apple, sauvant la mise à un Steve Jobs qui vendait du rêve et des délais insoutenables au moindre actionnaire potentiel.

"Jobs" est le film que vous DEVEZ aller voir cette semaine. Malgré les critiques


La retranscription de l'atmosphère des années 70 est sans doute une des grandes réussites de Jobs. La bande son, le mobilier, les coupes de cheveux, les fringues, les bagnoles... C'est presque un sans-faute pour la production, qui arrive à nous faire revivre cette époque charnière de la vie de Jobs. Même le grain de la pellicule tombe juste. C'est d'ailleurs principalement cette période qui est abordée dans le film, ce moment où Jobs cherchait des partenaires, montait son empire, avant de se faire mettre dehors par Sculley, qu'il avait lui-même recruté quelques temps avant. Ce jeu des chefs rappelle les débuts de Facebook, très bien retranscrits dans The Social Network, où la prise de parts, l'augmentation du capital, et l'arrivée en bourse changent totalement la donne, jusqu'à bousculer les relations entre les individus à l'origine de la startup.

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Excellent, bon, mauvais, carrément moyen... Le qualificatif variera largement d'un individu à l'autre et il me semble bien difficile de mettre sur le même pied d'égalité, quelqu'un qui aura suivi les déboires des années 90 et un spectateur qui n'aura connu d'Apple, que l'iPhone et l'iPad. Le film est bien joué, les erreurs historiques sont limitées et la complexité du bonhomme est bien retranscrite. Certains passages vous donneront carrément des frissons, comme les batailles avec Raskin, Sculley ou Amelio; on se dit à ce moment là que ces quelques événements ont peut-être changé à eux seuls le cours l'histoire de l'informatique.

Pour le reste, n'oubliez jamais que la seule critique valable sera toujours la vôtre...

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© Laurel