Tribune : non, les Apple Distinguished Educators ne sont pas des corrompus
Par Arnaud Morel - Publié le
voyage tous frais payésorganisé à destination d'enseignants suisses chez Cupertino, Ghislain Dominé et François Lamoureux, deux Apple Distinguished Educators (ADE) nous proposent cette tribune où ils présentent le rôle précis des ADE et nous expliquent pourquoi, loin d'être de la
corruption, ce titre marque au contraire l'engagement d'enseignants remarquables au service d'un meilleur usage de l'informatique à l'école.
François Lamoureux est prof des écoles dans une petite école rurale des Landes et est également l'auteur du blog sicestpasmalheureux. Il est APD (Apple Professional Development) depuis 2012 et auteur du manuel iPad et autres astuces. Ghislain Dominé est, lui, professeur d'histoire et géographie à Wattrelos (59).
Je suis l'auteur du Guide de l'iPad à l'usage des enseignants (dispo sur l'iBookstore, et téléchargé plus de 12 000 fois depuis octobre dernier). Je fais partie de la promotion ADE 2013 et je suis APD depuis le début du programme en France (fin de l'année 2011), nous précise-t-il.
UN ARTICLE QUI TIENT DE L'INSULTE
Creux de l'été. Apple, une marque que l'on hait ou adore, souvent sans nuances. Et ces enseignants qui profitent de ces longues vacances estivales, que de fainéants tout de même!
Mélangez ces trois sujets et vous obtenez cet article sulfureux où l'on apprend que des enseignants se font offrir des vacances dans des hôtels de luxe. Scandale. Honte d'un pays tout entier devant ces vendus à la pomme.
Mais tout ceci n'est qu'insultes.
Les six enseignants rencontrés à Cork sont des passionnés ouverts sur le monde qui après un processus très sélectif ont obtenu le titre d'Apple Distinguished Educator avant même d'être conviés à l'ADE Institute se tenant cette année à Cork (Irlande), fin juillet. Loin d'être une visite et une débauche de démonstrations commerciale, cette rencontre internationale obligeait à plusieurs choses.
Tout d'abord, les participants devaient payer leurs billets d'avions. De Belgique ou de France, ces billets pouvaient coûter environ deux cents euros. En partant avec bien entendu une compagnie low-cost. Mais il faut bien imaginer que pour les participants turcs ou indiens, l'addition n'était pas la même.
Par ailleurs, chaque participant venait avec son matériel informatique. Point de Macs ou d'iPads en prêt. Ceci ne doit pas surprendre. Les enseignants reçus comme ADE sont des utilisateurs quotidiens des produits d'Apple.
De plus, ce séjour - en effet payé par Apple en ce qui concerne le couchage et le couvert - était clairement indiqué comme un moment de travail et d'échanges. Et ce fut le cas. De manière intensive de surcroît. Mais quel enthousiasme de voir ces enseignants prendre sur leurs vacances le temps de travailler avec leurs pairs venant des quatre coins du globe! Voilà une ouverture et une passion que l'on devrait davantage retrouver chez les politiques de tous pays.
Alors oui, cet article est une insulte. Voilà des enseignants innovants, qui s'ouvrent au monde et qui reviennent enrichis d'idées et de projets, que l'on jette sur la place publique criant à la corruption. Misérable procédé.
ADE / APD : APPLE ET LES PROFS
Depuis des années Apple est sensible au travail des enseignants qui utilisent son matériel, et encore plus depuis la sortie de l'iPad. Au delà des controverses, l'école française a pour mission d'entrer dans l'ère du numérique.
Ces enseignants ne sont donc pas démarchés puisqu'ils sont déjà des utilisateurs chevronnés des solutions d'Apple. Il existe deux statuts dont les rôles sont bien clairs.
Les ADE (Apple Distinguished Educator) sont donc des enseignants qui ont obtenu une certification après avoir déposé un dossier de candidature. Ce dossier doit présenter leurs actions pédagogiques quotidiennes ainsi qu'une vidéo personnelle. Pour la sélection 2013 par exemple, ce sont pas moins de 9 000 enseignants qui ont postulé de par le monde. Pour 400 reçus. Dont 150 pour l'Europe, le Moyen-Orient et l'Asie. Ces six enseignants suisses évoqués dans l'article devraient donc être félicités plutôt que traînés dans la boue.
Ces ADE sont pour Apple des exemples. Mais aussi un miroir de ce qu'il est possible de faire concrètement avec leurs solutions logicielles et matérielles. Apple n'hésite pas ensuite à mettre en avant sur son site certains de ces ADE. On aimerait voir cela rien que sur le site du ministère de l'éducation nationale.
L'autre statut est celui d'APD (Apple Professional Development). Ce sont des enseignants repérés par Apple (via un bel effort de veille), mais aussi et surtout des professionnels du monde éducatif (principaux, employés de CRDP...). Leur rôle est de présenter leur travail à des enseignants ou établissements qui en font la demande. Ils partagent aussi leur expérience pour former et aider les établissements déjà équipés. Si les ADE sont des exemples pour Apple, les APD sont davantage des moteurs qui vont aider concrètement les équipes pédagogiques et ainsi éviter que des iPad tout juste reçus finissent dans une armoire. Le statut des APD est peu mis en avant mais il est un exemple de la confiance que peut avoir Apple en ces enseignants-formateurs.
DE LA NÉCESSITÉ DE S'INTÉRESSER AUX ENSEIGNANTS INNOVANTS
On se plaint beaucoup de l'inertie de l'éducation nationale. Mais paradoxe, dès qu'un enseignant essaie de faire quelque chose pour y remédier, on lui reproche d'utiliser telle ou telle marque. Avec cette inacceptable accusation d'être un vendu à ladite société. Or, l'outil ne fait pas l'enseignant. Ce premier est choisi par le second en fonction de ses objectifs et de sa sensibilité. Et si l'iPad est choisi plutôt qu'une tablette Androïd par exemple, c'est d'abord parce que cet appareil est le plus à même d'aider les élèves à répondre aux attentes de l'enseignant. Essayez de concevoir un livre numérique enrichi (ePub) avec une tablette Androïd ou Windows 8, et nous reparlerons ensuite de corruption.
Et ce n'est pas nouveau, l'école est aussi aussi un marché comme un autre. Il faut bien acheter des crayons, cahiers, mobilier, imprimantes, ordinateurs ou tablettes. Et si Apple a une place importante dans le système éducatif américain, c'est très loin d'être le cas en France! Il suffit de se balader dans les écoles primaires, collèges et lycées pour voir à quel point les PC sous Windows sont omniprésents. Et les ADE /APD ne pourraient, à eux-seuls, changer cette situation! Le croire est bien mal connaître le complexe, et souvent douloureux, processus de sélection puis de commande du matériel dans les systèmes éducatifs !
Les seules évolutions qui ont pu se faire sentir depuis deux ans tiennent à l'iPad. Très avancée à tous égards, la tablette d'Apple a pu davantage entrer dans les établissements car adoptée spontanément par les familles et par les enseignants!
Enfin, ceux qui citent ces élites qui s'enferment dans des écoles sans technologie oublient trop souvent que les enfants qui y sont scolarisés sont issus d'un contexte social qui favorise leur réussite et qu'ils ne manquent pas de numérique dans leurs familles! Enfin, ne négligeons pas les taux d'encadrement de ces écoles qui sont beaucoup plus élevés que dans dans nos pauvres écoles publiques françaises.
Alors, véritable supplique aux journalistes de tous médias, intéressez-vous aussi aux trains à l'heure, et même à ceux qui sont en avance. Les enseignants sont multiples. Et il y a dans cette grande diversité des professeurs du premier degré, du secondaire et du monde universitaire, qui travaillent chaque jour, même durant leurs congés, pour la réussite de leurs élèves. Pour qui le monde est leur salle de classe. Pour qui le numérique est un outil d'ouverture incomparable. Et pour qui il est vital que les générations qui viennent dépassent les précédentes plutôt que de reproduire. Inégalités et injustices comprises.
François Lamoureux et Ghislain Dominé