Sale temps pour les geeks et les ingénieurs dans la Silicon Valley ?
Par Didier Pulicani - Publié le
petit génie de l'informatiquea plutôt bonne presse aux USA. Bill Gates, Steve Jobs, ou plus récemment, Mark Zuckerberg, Sergey Brin, ou encore Jack Dorsey, font figure de modèles pour les étudiants américains. En Californie, la concentration de sociétés high-tech est telle que chacun connait souvent un ingénieur qui travaille chez Google, Apple ou encore Facebook et s'afficher à ses côtés est plutôt bien vu. Mais ça, c'était avant !
Il règne actuellement un climat étrange dans la vallée. Depuis qu'Apple a repris du service (ou plus généralement, depuis l'essor des technologies mobiles), les loyers se sont mis à grimper en flèche. Les prix ont même atteint des sommets ces 3 dernières années, obligeant de nombreuses familles à quitter les centre-villes devenus inabordables
Mon loyer a pris 1000$ en 2,5 ans !nous raconte un français, résident à San Francisco. Point d'orgue ces dernières semaines, les employés de Google ont été pris à parti dans certains quartiers de la ville : des résidents ont été filmés (ci-dessous) en train de brûler (en pleine rue) des répliques miniatures des fameuses
navettes Googlequi transportent régulièrement les ingénieurs en sillonnant la ville. Avec des salaires élevés et des compagnies qui sponsorisent parfois largement les loyers des employés (ou des conférenciers), ces derniers sont alors désignés comme principaux responsables de la bulle immobilière.
Aux yeux du public, l'image du
type coolqui se baladait avec un des premiers iPhone en circulation semble s'estomper avec les années. La tenue survêt'/basket n'est plus vraiment crédible lorsqu'on gagne plus de 150 000$ par an : les ingénieurs sont désormais vus comme des privilégiés, des
cols blancs, qui s'exposent face à une classe moyenne que la crise n'a pas toujours épargnée.
Autre exemple caractéristique de ce malaise ambiant, et qui concerne les Google Glass : nombre d'ingénieurs californiens ont déboursé les 1500$ nécessaires à l'acquisition du prototype et ces derniers n'hésitent pas à s'afficher fièrement munis de leur nouvelle monture. Etonamment, ce
signe extérieur de richessene semble pas très populaire dans les lieux publics. Alors qu'on était habitués à une Amérique très décomplexée (les gens sont beaucoup moins envieux de la réussite que chez nous), ces nouveaux cyborgs sont raillés à tout va sur les réseaux sociaux. En témoigne ce Tumblr (littéralement
LesHommesBlancsQuiPortentDesGoogleGlass) avec des commentaires pas toujours élogieux
Si ces Google Glass n'existaient pas, tous ces gars de la Silicon Valley seraient en train d'avoir des aventures ou d'acheter des grosses motos. On croirait entendre les londoniens se moquer des Golden Boys à bord de leur dernière Ferrari.
Dans un des derniers Saturday Night Live (une émission très en vogue, type
Grand Journal), l'humoriste a décidé de se payer la tête des fameuses lunettes (comme il l'aurait fait pour l'iPhone ou tout autre gadget). Mais il évoque à peine la performances technologique, et ne garde étonnamment le focus que sur les mimiques un brin ridicules auxquelles s'adonneraient les heureux propriétaires. On en reviendrait presque à la caricature bien péjorative du nerd asocial et coupé du monde, que l'on accolait systématiquement aux fans de jeux vidéos dans les années 90 :
Enfin, histoire d'en remettre une couche, je vous invite à aller lire cet article qui cartonne sur BuzzFeed, et titré
Jack Dorsey, l'homme le plus flippant sur Vine(Jack est le fondateur de Twitter), affichant un certain nombre de vidéos filmées, il est vrai, façon
tueur en série. Reste que l'image risque de lui coller à la peau pendant un moment :
Histoire de relativiser un peu ces allégations, des étudiants, résidents et développeurs de la Silicon Valley avec qui nous avons discuté récemment, ont été plus modérés. Certes, le problème des loyers reste un sujet de préoccupation, mais ils n'ont pas eu l'impression que les ingénieurs soient tout à coup déconsidérés par la population. Les start-up font vivre toute une économie locale, et personne ne souhaite qu'elles s'en aillent. Par ailleurs, la baie de San Francisco a toujours été bercée entre grosses fortunes d'un côté, et des quartiers plus pauvres de l'autre (Oakland etc.). En période de crise, les plus favorisés sont souvent les premiers à être pointés du doigt.