Apple a pris tout de monde par surprise, cette nuit, en augmentant les prix sur l'App Store iOS et le Mac Store européens. La Pomme n'a toujours pas communiqué sur le sujet, laissant place aux spéculations quant au pourquoi de cette modification : prise en compte d'une parité euro/dollar, qui certes, a évolué mais faiblement, ajustement lié à la TVA, piste plausible, ou volonté d'augmenter le chiffre d'affaires en Europe ? Pour Antoine Lepoutre, développeur de multiponk, penche pour l'explication parité. La valeur de l'euro par rapport au dollar baisse depuis 2008. À notre avis, ce changement est uniquement un ajustement de la valeur moyenne de l'euro par rapport au dollar. Guillaume Cerquant, développeur de courrier pointe, de son côté, la bête et simple... inflation. J'ai fait le calcul, depuis l'ouverture de l'AppStore en juillet 2008, en France, on a une inflation de 6.7 points. Ce qui fait qu'une appli qui coûtait à l'époque 79 centimes, pour rester à prix constant, doit être vendue aujourd'hui 84 centimes. Donc le nouveau prix d'entrée à 89 centimes ne me choque pas.
Une augmentation surprise
Une chose est sûre, Apple n'a pas prévenu les développeurs de ses intentions et ceux-ci témoignent de leur surprise. Apple ne permet pas de fixer librement les prix des applications, mais propose une grille de tarifs, classés par tier. Le tier 1 est, par exemple, passé de 0,79 à 0,89 €. Le comportement d'Apple est assez incroyable, modifier les prix sans prévenir les éditeurs, estime Michael Guez, de chocolapps. La modification n'implique pas les mêmes conséquences pour tous les développeurs, mais si vous avez une collection d'apps, comme nous nos livres numériques, et que du jour au lendemain, ceux-ci sont vendus 3,59 €, au lieu de 2,99 €, les clients ne comprennent pas. Et dans ce cas, baisser les prix, c'est à dire choisir le tier inférieur, revient à passer de 2,99 € à 2,69 €.
Marty, développeur de yummyftp, un client FTP/SFTP Mac, s'étonne, lui du calendrier choisi par Apple pour augmenter ses prix en Europe, zone en crise économique. Des prix plus élevés ne sont jamais bienvenus, mais c'est encore pire en cette période de difficultés économiques, et sans justification, pointe-t-il. Même remarque pour Olivier Bouyssou, développeur de weather4d: Elle me semble mal venue en raison de la situation économique générale. De même, le timing est assez surprenant au lendemain de l'annonce de l'iPad Mini qui concentre ses critiques autour de son positionnement tarifaire, note-t-il.
Même son de cloche chez Presse Elite, développeurs de Metro Paris. Antoine Morcos s'étonne : Je regrette simplement qu'Apple ne nous ait pas prévenu sur ce changement soudain et très important, nous l'avons appris comme tout le monde via la presse, il s'agit quand même de nos produits. Difficile de lui donner tort.
Des prix qui resteront plus élevés
La plupart des éditeurs que nous avons contacté n'ont pas l'intention de baisser les prix de leurs applications. Et pour cause, avec le système de tier, repasser dans un tiers inférieur revient à abandonner des revenus, sans aucune garantie d'augmenter les ventes. La solution inverse, rester dans le même tier et voir augmenter le prix de son app est l'option privilégiée. Nous allons donc maintenir le même "Tier" car passer au prix inférieur réduirait considérablement nos revenus et donc par ricochet, la qualité de nos prochaines productions. Le client, au final, n'y gagnerait pas vraiment., résume Michael Guez. Nos applications resteront dans le même tier qu'avant..., confirme à son tour Antoine Lepoutre, de Fingerlabs.
Les limites d'un système
Globalement, l'augmentation des prix en Europe s'établit autour de 12%. Mais, avec des effets de seuils et de prix désirables qui font que l'augmentation n'est pas linéaire. Elle se situe, selon les tiers, entre 10 et 20 %. Cette non linéarité est induite par ce système de tier, de case, dont l'utilité reste douteuse. Pourquoi diable ne pas permettre aux programmeurs de fixer librement leurs prix ?
Pour de nombreux développeurs, qui ne désirent pas forcément le dire publiquement, la question est double : Apple pèse d'un poids certain sur le prix des apps, et ne leur laisse pas toujours assez de marge de manœuvre, tandis que la politique de prix bas, qui a permis de faire décoller l'écosystème, grève les développements les plus ambitieux. Les paliers proposés par Apple offrent une assez grande souplesse. Toutefois, les petits éditeurs doivent souvent se cantonner aux prix les plus bas. Côté utilisateurs, les gens ont toujours beaucoup de mal à payer pour des applications. On a parfois l'impression que 0.79€ représente pour eux une somme bien plus élevée. Ils n'hésitent pas à se renseigner (par email, Twitter...) avant d'acheter et on est parfois loin de l'achat impulsif qu'un tel tarif devrait encourager, estime Jeremie Falcone développeur de seq.
Guillaume Cerquant, développeur de courrier, donne une analyse intéressante, assez différente de celle de Jeremie, des problématiques de facturation sur l'App store. Force est de constater que le prix très bon marché permet des achats instantanés, en mode coup de coeur, sans prendre trop de risque. Et ce nouveau contexte (faible prix + qualité des applis + facilité et rapidité d'achat) a rendu possible un tour de force majeur : rendre l'achat d'application naturel, évident. Plus d'une industrie n'a pas eu l'audace de s'attaquer à ce changement (suivez mon regard jusqu'aux producteurs musicaux) et le résultat n'est pas glorieux, le piratage devenu la norme, et le changement plus possible. C'est donc positif.
Le problème est que les utilisateurs attendent des améliorations et évolutions de l'appli après leur achat. C'est une bonne chose. Mais un achat d'une appli à 79 centimes, en retirant la marge d'Apple (30%, et 40% en Europe), rapporte au développeur qui la vend 50 centimes (dont en France la moitié partiront en impôts). Ces 25 centimes restants par achat seront vite absorbées par les coûts d'infrastructure parfois nécessaires. Dans ce système, le développeur aura plus intérêt a créer une nouvelle application qu'à continuer à améliorer la sienne. Sur le long terme, les utilisateurs ne sont pas gagnants.
D'autres modes de rémunération existent. Achats instantanés intégrés, mais qui parfois agacent, car ils donnent l'impression de s'être fait avoir. La pub, mais ce n'est pas toujours souhaité ni viable. Une réflexion intéressante est l'abonnement. Chaque mois, si je veux continuer à me servir d'une appli, je cotise une faible somme. Le message aux développeurs serait tout de suite plus clair : satisfaire ma base de client actuelle pour la conserver est économiquement viable. Et moins risqué de que créer une nouvelle appli qui risque de ne pas fonctionner
