Et l'iPhone devient une plateforme
Par Arnaud Morel - Publié le
Révolution, Acte I
S'il n'est vendu que dans quelques rares pays pour le moment, l'usage de l'iPhone est rien de moins que mondial. En témoigne le tableau dressé par NetApplication : l'iPhone est déjà utilisé dans plus de 100 pays !
Mieux, alors qu'il ne représente que 2,5 % du marché des mobiles aux USA (mais presque 20 % de celui des seuls smartphones), endroit où il est, évidemment, le mieux implanté, l'iPhone représente une part sans cesse croissante du surf mondial. 0,14 % en février 2008, contre 0,04 % dès juillet 2007, quelques jours après son lancement par Apple. La progression est encore plus fulgurante comparée à celle de windows Mobile, le système qui équipe la majorité des smartphones vendus dans le monde. Windows CE représentait 0,06 % du surf mondial en juillet 2007 et, depuis, sa part de marché est restée absolument plate. Électroencéphalogramme plat.
Le potentiel ludique : énorme !
Apple n'a pas que des amis dans le domaine ludique. Mauvaise réputation même chez certains. L'iPhone va changer la donne. Son potentiel ludique est rien moins qu'unique. Un exemple ? Les trois jeux présentés lors de la Keynote du 6 mars : multitouch Fighter, Spores et Monkey ball.
Tous tirent parti des fonctionnalités uniques du périphérique d'Apple : un écran multitouch et des accéléromètres 3D, qui lui permettent de déterminer précisément sa position dans l'espace, et un écran très large. Le meilleur de la Wii, le meilleur de la DS, et le meilleur de Surface. Dans un seul appareil. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que l'iPhone semble avoir toute la puissance requise pour embarquer des jeux rien moins qu'impressionnants : 3D avec Open GL, spacialisation du son avec OpenAL, l'iPhone va en mettre plein les mirettes.
Les capacités multitouch et les accéléromètres vont ouvrir une toute nouvelle dimension ludique. Imaginez, votre iPhone se transforme en manche à balais, vous pilotez votre chasseur simplement en inclinant le téléphone. Vous voulez tirer ? tapez n'importe où sur l'écran ! Regardez donc cet extrait vidéo !
L'air de rien, et sans prévenir, l'iPhone débarque dans le domaine ludique et, là aussi, d'emblée va jouer dans la cour des grands. Sony et Nintendo voient arriver un sérieux concurrent. Et le côté génial de la chose, c'est qu'Apple débarque, directement, avec une base de périphériques installée considérable, de quoi, évidemment, enclencher un cercle très vertueux de développement ludique. Coup de maître !
Un grand pas vers les entreprises
Il en va, exactement, de même au niveau de l'iPhone en entreprise. Sur ses qualités propres, et malgré ses limitations, l'iPhone a déjà ouvert une petite brèche dans le secteur. Un peu en douce. Et patratas, voilà que la version 2.0 du logiciel du téléphone d'Apple vient combler, d'un coup, les principaux manques et lacunes qui empêchaient le téléphone de devenir un hit chez les businessmen. Déjà, le mobile devient compatible Exchange : un seul compte par appareil, mais un support complet de l'applicatif Microsoft (calendriers, contacts...). Visiblement, les négociations entre Microsoft et Apple à ce sujet ne datent pas d'hier.
Les gens aiment à considérer Microsoft et Apple comme des entreprises opposées dans le domaine technologique, mais malgré cette perception d'une rivalité Apple/Microsoft, l'annonce d'aujourd'hui révèle l'histoire d'une longue coopération entre les deux entreprises, explique ainsi Terry Myerson, vice président de la branche Exchange de Redmond.
Concrètement, le support d'Exchange ne va guère modifier l'usage de l'iPhone. Par contre, une fois le mobile paramétré, il bénéficiera directement de la synchronisation des mails, calendriers et autres proposés par Exchange Serveur, solution bien implantée en entreprise. Et, dès lors, c'est RIM qui voit débarquer un concurrent sérieux sur son pré carré des smartphones d'entrepreneur. Le même RIM qui, il y a quelques semaines, jugeait peu professionnel l'iPhone d'Apple. Coucou, le voilà, nettement plus pro maintenant.
Apple propose vraiment une solution plug & play pour les entreprises, se félicitait Roland Paanakker, CIO de Nike.
Des outils de programmation très avancés
Il est encore très tôt pour jauger des qualités intrinsèques du SDK pour l'iPhone. Mais les premières réactions de programmeurs sont très positives.
John Carmack, d'Id Software, d'ordinaire pas avare de critiques envers Cupertino, trouve, ainsi que le SDK
a l'air vraiment bien. Un simulateur, avec la possibilité de debogguer en même temps sur le périphérique natif, voilà bien le meilleur des deux mondes. Enthousiasme partagé du côté de Yummy Software et chez John Grubber.
L'iPhone, déjà, pourra être simulé sur un Mac équipé de Leopard. Une application, qui se comportera exactement comme un iPhone, permettra de développer pour le périphérique de la Pomme sans même le posséder. Bien sûr, le développement sera encore facilité avec un iPhone relié à l'ordinateur : il est, par exemple, possible de faire tourner un programme sur le téléphone tout en traçant son comportement sur le Mac. Des outils d'analyses des performances seront de la partie. Mais Safari, également, est inclus dans le simulateur.
La Keynote du 6 mars a mis en lumière l'organisation interne du système de l'iPhone. Et l'iPhone OS partage un grand nombre de couches avec Mac OS X. Il utilise, ainsi, au plus bas niveau, le même Kernel, simplement optimisé pour la gestion mémoire. Au-dessus de cette couche bas niveau, les Core Services, là aussi, sont largement partagés avec Mac OS X. Des API spécifiques à l'iPhone, pourtant, se trouvent à ce niveau, comme Core location, la fonctionnalité de triangulation WIFI qui permet de localiser l'iPhone. Ces ressources seront directement accessibles aux programmeurs, qui ont accès, à vrai dire, au Kit de Développement utilisé par Apple. Le même, juré, craché !
Au dessus de Core Services, une couche s'occupe de la gestion médias. Sons, vidéo, gestion des formats d'images. Et... pas de trace de Flash. ;-) Enfin, au dernier niveau, une couche spécifique à l'iPhone, Cocoa Touch, gère tous les éléments spécifiques à l'iPhone.
Bon, très bien, mais ça veut dire quoi tout ce charabia ? Ça veut dire que qui code pour Mac OS X retrouvera vite ses marques pour coder sur l'iPhone. Que donc les programmeurs Mac bénéficient d'un avantage concurrentiel indéniable. Et que les logiciels vont arriver à toute vitesse.
Les applications iPhone sont dans une "boite de sable", c'est à dire qu'elle s'exécutent dans un espace limité et définit de la mémoire. Elles n'accéderont, de même, qu'à leurs propres fichiers.
Une seule application peut tourner, à la fois sur l'iPhone. Apple l'indique clairement.
Ceci veut dire que lorsque l'utilisateur change d'application, celle qui l'utilisait quitte. Il est important de comprendre cette réalité pour ne pas induire des effets négatifs sur l'expérience utilisateur, explique, ainsi, Cupertino.
L'AppStore et déjà beaucoup de questions
Le mode de distribution des logiciels créés retenu par Apple a beaucoup fait gloser. Les choses, depuis le 6 mars, sont devenus beaucoup plus claires, même si quelques zones d'ombres persistent. C'est bien Apple qui proposera les logiciels, via un Store spécial et exclusif, l'AppStore, qui sera accessible depuis l'iPhone, en WIFI ou en Edge. une section dédiée sera, également, accessible depuis iTunes. Dernière remarque, l'AppStore se chargera de détecter, automatiquement, les mise à jour des programmes installés.
Isn't that cool, uh?
Les développeurs pourront accéder gratuitement au SDK, mais devront s'acquitter d'un droit d'entrée de 99 $. C'est à la fois peu, et beaucoup. Peu pour tout logiciel commercial, mais beaucoup pour toute une série de petites applications gratuites. Car, même si les freeware sont les bienvenus sur l'AppStore, ce droit d'entrée pourrait en écarter certains.
Au niveau commercial, justement, Apple propose un marché très simple aux développeurs :
vous proposez votre logiciel, vous définissez son prix et vous obtenez 70 % du produit de ses ventes sur l'AppStore. Le reste, 30 %, va à Apple pour couvrir ses frais. Pas vraiment bon marché, jugent la plupart des programmeurs, mais tout à fait acceptable.
Quid par contre des limitations ? Apple a été, sur le sujet, largement allusif. À les croire seuls les malware ou le porno (et pourquoi donc le porno, en plus ?) seront refusé sur l'AppStore. Mouais. Et les limitations liées au modèle économique de l'iPhone, aux accords d'exclusivité négociés avec les opérateurs mobiles ? Évidemment, explique John Grubber,
les applications qui contreviendraient avec ledit modèle seront refusées. Le bon exemple, en la matière, est la VoIP. Oui, celle-ci va être disponible sur l'iPhone. Mais uniquement lorsque celui-ci est connecté en WIFI. Histoire de garder un intérêt quelconque aux différents forfaits voix proposés par les opérateurs. Ou encore, croyez-vous qu'Apple va laisser Amazon proposer un client pour son service de musique en ligne ? Entendons nous bien : il ne s'agit pas, ici, de contester la légitimité de Cupertino à défendre son modèle économique. Mais, au moins, la Pomme gagnerait à expliciter clairement ce qu'elle entend autoriser ou interdire.
Quid, également, des applications déjà créées pour les iPhone / iPod Touch déplombés ? Elles devront être, en partie, réécrites : Apple n'autorise, en effet, que l'utilisation des
API publiées par Apple et utilisez de la manière prescrite par Apple. Ceci dit, c'est un très bonne nouvelle question stabilité d'usage. Imaginez, s'exclame un programmeur,
s'ils appliquaient les même règles sur la plateforme Mac, combien les choses seraient stables!
Enfin, et globalement, l'annonce du SDK, prévu pour une livraison en juin, va-t-elle faire disparaître le marché "gris" des logiciels pour iPhone déplombés ? Cette question là reste en suspens. Réponse très vite après juin, lors de la sortie officielle du SDK final, du lancement de la version 2.0 du firmware iPhone & iPod Touch (payant pour ce dernier...).