Quand Apple n'arrive pas à se sortir du skeuomorphisme
Par Didier Pulicani - Publié le
skeuomorphismeest encore un de ces mots un peu trop récents pour obtenir l'aval de l'Académie Française. Pourtant, sous ce terme beaucoup utilisé en anglais, se cache une façon de créer des objets
nouveauxavec le design de
l'ancien, notamment pour les interfaces. Sur nos Mac, il se traduit par les icônes et autres éléments représentant un objet réel : la corbeille, les dossiers, la loupe de la recherche... Depuis le premier Mac, on peut dire qu'Apple a tout fait pour rappeler une fonction par un objet réel ayant une finalité similaire.
Mais depuis quelques années, Cupertino va un peu plus loin sur les terres du skeuomorphisme. Au delà des icônes, ce sont des interaces entières qui tentent de rappeler l'objet : iCal et son look d'Agenda, GarageBand et son interface en bois, et plus récemment, l'app
PodCastinspirée d'un vieux magnétophone :
Avec iOS, Apple a mis les bouchées doubles. Presque toutes les interfaces des applications par défaut embarquent des textures empruntées au monde réel, histoire de faire croire à l'utilisateur qu'il a en main un vrai carnet de notes, une vraie boussole, ou même un bon vieil appareil photo des années 80.
Sur les forums et les réseaux sociaux, les avis sont partagés. Certains mettent en avant la facilité d'appréhension des interfaces. C'est ce qu'on appelle l'affordance, à savoir la capacité d’un objet à suggérer sa propre utilisation. Lorsqu'on lit un livre avec iBooks, la main vient presque machinalement tourner la page de ce faux livre, ce qui se produit effectivement dans le programme d'Apple.
La pari semble donc plutôt réussi pour Cupertino, qui arrive avec succès, à créer des logiciels intuitifs en utilisant les objets du monde réel. Mais la vraie question, qui divise les designers, concerne l'éventuelle faute de goût : est-il bien utile d'aller habiller iCal ou le carnet d'adresse d'un panneau de cuir ? Pourquoi aller chercher un magnétophone si vieux qu'il faut être né dans les années 70 pour l'avoir connu ? Que penser de la fausse ouverture de l'objectif dans l'application photo, qui nous fait perdre plusieurs secondes ?
Il n'y a évidemment pas de réponse à toutes ces questions. En revanche, du côté des ergonomes que nous avons interrogés, beaucoup attirent notre attentions sur le problème de la cohérence entre les interfaces. En effet, Apple a réalisé sur le Mac et l'iPhone, un gros travail d'uniformisation des fenêtres (avec des lignes de conduites précises pour les développeurs). Pour autant, la Pomme est la première à les enfreindre, et nous ressort le vieux démon du skeuomorphisme dès qu'elle en a l'occasion.
Et si, en cette année 2012, les graphistes de Cupertino manquaient tout simplement d'imagination ?