La Cour de Justice de l'UE interdit le filtrage général sur le net
Par Arnaud Morel - Publié le
Le fournisseur Scarlet Extended SA est en litige avec les associations de défense des lobbies culturels qui exigent le filtrage des échanges de tous les internautes concernées et du filtrage des contenus piratés. L'affaire pose la
question inédite, sur la viabilité, du point de vue du droit de l’Union, de certaines mesures techniques de lutte contre le piratage qui, bien que leur fiabilité ne soit pas totalement établie et qu’elles soient en permanence soumises au progrès technologique et à l’évolution des pratiques, sont présentées comme une réponse adéquate possible aux attentats aux droits de propriété intellectuelle quotidiennement perpétrés sur «la toile», précise l'avocat Général de la CJUE.
Et la CJUE répond à cette question par la négative : non, il n'est pas possible pour une juridiction nationale d'exiger un filtrage général, préventif, sans limite de durée et aux frais du fournisseur d'accès même pour protéger les droits d'auteurs et voisins. Attention, tous les mots sont importants. Est interdit le filtrage général, sans limite de temps, aux frais du fournisseurs, et a priori des échanges.
Voici, pour les plus juristes d'entre-nous, les conclusions de l'avocat général dans le cadre de cette décision.
Les directives 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, et 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au respect des droits de propriété intellectuelle, en combinaison avec les directives 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, 2002/58/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 juillet 2002, concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques, et 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2000, relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur («directive sur le commerce électronique»), interprétées à la lumière des articles 7, 8, 11 et 52, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne en considération des articles 8 et 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, doivent être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à l’adoption par une juridiction nationale, sur la base de la seule disposition légale prévoyant que ‘[les juridictions compétentes] peuvent également rendre une injonction de cessation à l’encontre des intermédiaires dont les services sont utilisés par un tiers pour porter atteinte au droit d’auteur ou à un droit voisin’, d’une mesure ordonnant ‘à un [fournisseur d’accès à Internet] de mettre en place, à l’égard de toute sa clientèle, in abstracto et à titre préventif, aux frais exclusifs de ce [dernier] et sans limitation dans le temps, un système de filtrage de toutes les communications électroniques, tant entrantes que sortantes, transitant par ses services, notamment par l’emploi de logiciels peer-to-peer, en vue d’identifier sur son réseau la circulation de fichiers électroniques contenant une œuvre musicale, cinématographique ou audio-visuelle sur laquelle le demandeur prétend détenir des droits et ensuite de bloquer le transfert de ceux-ci, soit au niveau de la requête soit à l’occasion de l’envoi’»