Billie Eilish, Nicki Minaj et 200 artistes s'inquiètent du pillage de leurs œuvres par l'IA
Par June Cantillon - Publié le
Les risques de l'intelligence artificielle pour l'industrie musicale
Plus de 200 artistes de renom, dont Billie Eilish, Katy Perry, Nicki Minaj, Imagine Dragons, Elvis Costello, Mumford & Sons, Pearl Jam, et bien d'autres ont signé et publié via Medium une lettre ouverte au sein de laquelle ils appellent les entreprises du marché de l'IA(sans toutefois les nommer spécifiquement) à ne pas saper la créativité humaine avec des outils de génération musicale automatique s'appuyant sur des algorithmes d'intelligence artificielle. En voici un petit extrait :
Lorsqu’elle est utilisée de manière irresponsable, l’IA constitue d’énormes menaces pour notre capacité à protéger notre vie privée, nos identités, notre musique et nos moyens de subsistance. Certaines des entreprises les plus grandes et les plus puissantes utilisent, sans autorisation, notre travail pour former des modèles d’IA. … Pour de nombreux musiciens, artistes et auteurs-compositeurs en activité qui essaient simplement de joindre les deux bouts, ce serait catastrophique.
Si rien n’est fait, l'IA dégradera la valeur de notre travail et nous empêchera d’être rémunérés équitablement. Cette attaque contre la créativité humaine doit cesser. Nous devons nous protéger contre l'utilisation prédatrice de l'IA afin de voler les voix et le style d'artistes professionnels, violer les droits des créateurs et détruire l’écosystème musical. Nous appelons tous les développeurs, entreprises technologiques, plateformes et services de musique numérique utilisant l'IA à s’engager à ne pas développer ou déployer des technologies, des contenus ou des outils de génération de musique Al qui compromettent ou remplacent l’humain, le talent artistique des auteurs-compositeurs et des artistes ou nous refuser une rémunération équitable pour notre travail.
Ces technologies imitent et régurgitent notre langage, nos histoires, notre style et nos idées. Des millions de livres, d’articles, d’essais et de poésie protégés par le droit d’auteur fournissent la « nourriture » aux systèmes d’IA, des repas sans fin pour lesquels il n’y a pas eu de facture
Une utilisation non responsable et prédatrice de l'IA
Bien entendu, la menace n'est pas nouvelle et ne touche pas uniquement l'industrie musicale, loin de là. De nombreux autres corps de métier sont également touchés de plein fouet par la généralisation de l'usage des IA génératives (illustrateurs, écrivains, journalistes, développeurs, entre autres).
Du côté des musiciens, les avancées technologiques ont déjà fait des ravages par le passé, rendant les artistes méfiants (à raison), par exemple en permettant de partager gratuitement les œuvres (l'époque Napster), mais ont également permis de trouver des solutions plus ou moins satisfaisantes, comme la montée en puissance des services de streaming (une solution que l'on ne doit pas aux acteurs principaux de l'industrie musicale, dont les éditeurs et maisons de disques, qui avaient bien du mal à faire face au piratage).
Évidemment, et en l'état actuel des choses, le mot intelligence au sein d'intelligence artificielle est galvaudé, les algorithmes se contentant de recracher de manière plus ou moins pertinente des informations dont ils ont été nourris (ce que font également de nombreux humains). C'est sur ce point que les artistes souhaiteraient que l'usage des IA soit mieux contrôlé, et que les acteurs majeurs de l'IA s'engagent à respecter les droits d'auteur.
Ce combat est pourtant loin d'être gagné. En effet, les différents services permettant de créer automatiquement de la musique, comme Suno AI qui a actuellement le vent en poupe, Stable Audio (qui vient de passer en v2.0 et permet de créer des titres de 3 minutes) ou encore le nouvel outil Voice Engine d'OpenAI permettant de cloner les voix, restent assez opaques quant aux données utilisées pour entrainer leurs IA. Un point pourtant crucial pour permettre une redistribution équitable des gains. Reste à savoir si les pourvoyeurs d'IA génératives seront réceptifs à ces demandes, si une législation efficace pourra un jour être mise en place afin d'éviter de piller les artistes (et autres corps de métier), ou si l'appât du gain sera le plus fort.