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Opinion : ne ratons pas la révolution des trottinettes électriques !

Par Didier Pulicani - Publié le

En quelques mois, le phénomène des trottinettes électriques est passée d'un usage relativement confidentiel de quelques geeks à une adoption de masse, du moins dans les grandes villes équipées de services de location.

Mais ce nouveau moyen de transports pose aussi des questions de sécurité, d'encadrement légal, et de répartition de l'espace urbain, dont les politiques ne semble pas pressés de légiférer malgré la pression ambiante. Ces prochains mois seront cruciaux pour décider de l'avenir des trottinettes, mais aussi tous les skates électriques, gyropodes et autres moyens de transport électriques apparus ces dernières années.

Le futur du transport "local"



J'ai eu la chance de faire partie des premiers usagers de ces trottinettes, lorsqu'elles ont commencé à devenir abordables -autour de 200/300€ depuis deux ans. Le modèle le plus courant reste d'ailleurs la version M365 de Xiaomi, la moins chère du marché en 2017/2018, que l'on avait d'ailleurs testée ici-même :




Même si elle pèse quand-même 15/20 Kg (comme un gros vélo), son encombrement restreint permet de la ranger jusque dans son bureau, le coffre de sa voiture ou dans le couloir de l'entrée, comme une trottinette classique finalement. Quelque part, on retrouve ici l'usage de la bicyclette mais sans toutes les contraintes habituelles, de stockage, de vol, mais aussi de fatigue et de transpiration, un critère qui a son importance pour aller travailler.

La trottinette électrique a rapidement -je n'ai pas peur de le dire- révolutionné la façon dont je me déplace. Les trajets très courts sont toujours faits à pieds, mais pour des distances de quelques kilomètres, qui font souvent hésiter à prendre la voiture ou le bus, je ne me pose même plus la question. Elle peut même faire oublier le métro, tant que ça ne dépasse pas quelques arrêts, soyons réalistes. Par temps de pluie, ce n'est pas non plus idéal...

Opinion : ne ratons pas la révolution des trottinettes électriques !


Partager l'espace



Dans la rue, les gens me regardent encore avec étonnement, le plus souvent avec envie. Il n'est pas rare qu'un piéton m'arrête pour me demander conseil. Mais au fil du temps, de plus en plus de trottinettes électriques parcourent les rues, même dans les petites villes. On est encore loin du phénomène de masse, comme à Paris, mais on sent une réelle tendance, avec pour déclic, les services de location, qui ont permis de tester ces engins en trois clics.

La plupart du temps, je roule sur les trottoirs. Même aux heures de pointe, ils sont rarement bondés là où j'habite, et en faisant un peu attention, sans aller trop vite, il n'y a pas trop de danger. Pas plus qu'avec une trottinette classique ou un skate, finalement. Mais au fil du temps, je me suis évidemment fait quelques frayeurs : les voitures qui sortent des garages sans regarder, les piétons qui changent de direction sans prévenir... on se laisse aussi à prendre de la vitesse parfois, quand il y n'y a personne, en oubliant que le long des maisons, n'importe qui peut surgir à tout instant. Se pose d'ailleurs la question de l'assurance en cas de dommage, car les RC ne prennent pas toujours en compte ce type de transport... sauf à le déclarer en amont.

Opinion : ne ratons pas la révolution des trottinettes électriques !


Vient donc la question du partage de l'espace, car il s'agit là du problème central qui risque d'animer de nombreux conseils municipaux, et nos députés ces prochaines semaines : où faut-il rouler ? Sur les pistes cyclables ! entend-on souvent. Quand il y en a une, je la prend, évidemment, mais elles restent assez rares en ville, bien loin de couvrir toutes les rues. Pire, elles s'arrêtent souvent au milieu de la circulation, parfois sur d'énormes rond-points que l'on hésite déjà à prendre à vélo ! Allez sur la chaussée ! a déclaré la maire de Paris. Pour moi, cette solution est sans doute la pire de toutes, car les trottinettes ne sont pas équipées pour cela : elles ont trop d'écarts de vitesse, offrent très peu de protection, de signalisation (pas de clignotants etc.) et surtout, il faudrait alors exiger les même règles que pour les motos : port du casque, des gants et même des protections supplémentaires, comme à roller.

Pour faire le parallèle avec le vélo, ce jonglage entre le trottoir, les pistes cyclables et la route convient tant qu'il n'y a pas trop d'usagers. Car même les pistes cyclables ne sont finalement pas adaptées à du gros trafic et à des vitesses trop différentes -certaines trottinettes montent jusqu'à 80Km/h, d'autres ne dépassent pas les 20km/h. L'idée la plus sage serait sans doute de diviser la voirie en fonction de la vitesse : pas plus de 10Km/h sur les trottoirs, pas plus de 30 sur les pistes cyclables et au delà, sur la route, moyennant quelques équipements de sécurité (lumières, casque, notamment).

Ne tuons pas la révolution dans l'oeuf !



Comme à chaque changement rapide dans les habitudes, surtout en matière de mobilité (on l'a vu avec Uber), la loi met du temps à venir, un vide juridique qui n'est bon pour personne.

Bien-sûr, ce sont souvent les craintes qui s'expriment en premier. Pour le moment, les piétons sont en première ligne et à juste titre : le trottoir leur était jusque là réservés et les différences de vitesse ont déjà créé de multiples petits accidents, source d'insécurité latente. A force de rouler sur ces espaces, même en faisant attention, on sent que les personnes à pied n'ont pas du tout l'habitude de marcher à droite, de se retourner avant de changer de trajectoire... de mauvaises habitudes qui vont de toute façon devoir changer, car on trouve aujourd'hui beaucoup de trottinettes (classiques), des chaises roulantes motorisées etc. Bref, des petits véhicules plus ou moins rapides qui se déplacent plus vite que les piétons mais impossibles à déporter sur la route. Pour autant, je ne minimise pas l'agacement croissant des personnes à pied face à ces ovnis électriques.

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Dans certaines villes, comme Strasbourg, le développement du vélo a permis d'adopter sérieusement les pistes cyclables, à l'image de ce qui se fait dans les pays nordiques, comme la Hollande : l'espace est là-bas partagé entre piétons, vélos, scooters et voitures, si bien que la circulation est parfois épuisante, même à pied, où il faut être sur ses gardes en permanence. Reste que là-bas, chacun sait où il a le droit (et l'interdiction) de rouler, et que les pistes cyclables ne s'arrêtent pas au milieu d'un rond-point où une bretelle d'autoroute...

Ma plus grande crainte serait de voir cette petite révolution tuée dans l'oeuf par des décisions prises sans une réflexion à long terme et une vraie concertation : quand la mairie de Paris interdit les trottinettes électriques sur les trottoirs, on comprend l'enjeu, surtout dans une ville aussi touristique et dont les espaces sont déjà saturés. Mais qu'a-t-elle à proposer en face ? Les piste cyclables sont encore loin de couvrir tous les axes, et imposent de faire des détours -on ne peut pas non-plus prendre les sens interdits, contrairement aux trottoirs. Il ne reste donc que la rue pour circuler, un moyen selon moi de reporter le danger ailleurs, et de dissuader ces nouveaux usagers.

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Et puis il y a les comportements à risque, que j'observe tous les jours, surtout dans les grandes villes. Foncer sur les trottoirs, frôler les poussettes, circuler sur autoroute (vous avez tous vu la vidéo), ne pas respecter le code de la route, prendre des sens interdits sur la chaussée... Ces gens là, même minoritaires, contribuent à dégrader l'image de ces engins et pourraient contribuer à aboutir à une loi peu favorable à son développement.

En milieu montagnards, que je connais bien, on a eu affaire à un phénomène assez voisin avec l'arrivée des VTT dans les années 90/2000, dont les utilisateurs ont ponctuellement augmenté en fonction des avancées techniques. A Chamonix, par exemple, des chemins de randonnée sont souvent interdits aux vélos, mais la municipalité a développé un grand nombre de circuits adaptés, si bien que la cohabitation se passe plutôt bien... pour l'instant. Avec l'arrivée du VTT électrique, que l'on croise désormais souvent, beaucoup craignent que la masse d'utilisateurs augmente à nouveau sensiblement, pénalisant les amateurs plus classiques de ce sport. Mais pour l'heure, ces engins coutent cher et limitent de facto la surpopulation ; ce ne sera peut-être plus le cas d'ici 4 ou 5 ans.

Vite !



Le problème, c'est qu'on n'a plus le temps. A 200/300€ la trottinettes électrique d'entrée de gamme, les vendeurs affichent des croissances à 3 chiffres chaque année et la population sera vite équipée ! Je n'exclus d'ailleurs pas que d'ici 4 ou 5 ans, ce moyen de transport soit devenu un vrai phénomène de société, tout âge confondu.

Mais que faire ? Construire des pistes cyclables en masse prendra des années, et la réglementation a besoin de souplesse. Une idée, que certaines communes appliquent déjà, consiste par exemple à diviser l'espace des trottoirs -quand c'est possible- pour proposer une bande de roulage interdite aux piétons. Ce genre de solution est rapide à mettre en place, et évite d'envoyer les trottinettes sur la route...

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Les trottoirs partagés, une bonne idée !


Malgré cela, il y a de quoi être pessimiste sur la capacité de nos élus à se montrer efficaces. Il suffit d'observer le sort réservé aux Segway, devenus persona non grata dans plusieurs capitales (comme à Prague, qui les a carrément interdits). En Suisse, l'obligation de les immatriculer et de rouler sur la route (!) n'a sans doute pas non plus contribué à leur développement.

Bref, les prochains mois seront capitaux quant à l'avenir de la mobilité en ville. Pour une fois que l'on a trouvé une solution individuelle peu polluante, facile à stocker et efficace, il serait dommage de la tuer dans l'oeuf, n'est-ce pas ?



N.B. : On me demande souvent quel modèle choisir, et pour cela, je vous recommande chaudement la version ES2 de Segway/Ninebot (test à venir) disponible autour de 350€ sur Gearbest (Code GBB5ES2FR) Elle est nettement plus puissant que la M365, et permet de doubler l'autonomie et le couple avec une batterie secondaire !