Bilan : 2015, une année "top" ou "flop" pour Apple ? (opinion et sondages)
Par Didier Pulicani - Publié le
Comme à chaque fin décembre, les médias ont pour coutume de dresser leur traditionnel bilan annuel et l'univers de la
A ce petit jeu, nos confrères américains affichent des angles bien différents. Chez Gizmodo, qui n'est plus vraiment le bienvenue à Cupertino, on titre carrément
Chez TheVerge -qui n'a mis que des bonnes notes aux produits Apple ces derniers mois- on mentionne cette fois
Enfin, avant d'amorcer à notre tour quelques pistes, on s'étonnera une nouvelle fois du traitement médiatique attribué à la Pomme cette année. Autrefois présentée comme le vilain petit canard par la presse généraliste, la plupart des grands journaux encensent désormais presque chaque nouveau produit et participe ostensiblement à des opérations marketing orchestrées en haut lieu (comme encore hier sur Mashable). Sur le papier, rien de bien choquant à cela, les produits sont populaires, ils se vendent bien et le lectorat ne s'attend pas du Monde ou du Figaro qu'ils aillent analyser le prix des options ou la vitesse du disque dur. Mais depuis quelques temps, ces pratiques déteignent désormais chez les médias spécialisés et les
On se retrouve alors avec -par exemple- une note de 8,5/10 pour l'iMac 4k chez TheVerge alors même que le rédacteur souligne l'absence de GPU dédié, d'USB C ou encore la présence d'un disque dur à plateaux en standard ! Ces exemples ne manquent pas, y compris chez nos confrères historiques spécialisés Apple (4/5 chez MacWorld US pour notre iMac 4k !). On ne peut pas dire qu'Apple achète la presse -elle n'investit pas un seul kopeck en publicité sur ces médias- il s'agit plutôt d'une forme de complaisance qui satisfait tout le monde : le site bénéficie d'exclusivités et donc, d'audience, et Apple tient à jour sa
Alors que l'on s'étonnait, dans les années 90, de voir la Pomme systématiquement raillée par des journalistes très parti-pris, nous voilà maintenant déçus qu'Apple ne soit plus assez remise en question par cette même presse ! C'est le monde à l'envers !
En 2015, Apple a surtout sorti quantité de vraies nouveautés. L'Apple Watch, le MacBook Retina, l'iPad Pro et l'Apple TV 4 ont pratiquement tous créé -à différents degrés- un segment jusque là inexistant. Oui, le MacBook n'est pas assez rapide, oui, l'Apple Watch manque de
Ce serait surtout oublier que les grands succès de la marque sont tous passés par là. Le premier iPhone n'avait pas la 3G, le premier MacBook Air proposait un disque dur à plateaux ultra-lent (et un CPU anémique), l'iPod coûtait l'équivalent de 1000€ d'aujourd'hui et le premier iPad n'avait ni webcam ni appareil photo ! Les premières générations sont toujours un peu décevantes, mais elles marquent souvent les esprits. Cela ne veut pas dire que l'Apple Watch sera un succès ou qu'Apple finira par faire décoller son offre de télévision, mais parler de
En revanche, on peut le concéder, cette année 2015 a peut-être manqué d'un peu de magie. Tim Cook ne fait pas autant vibrer les foules que Steve Jobs lorsqu'il était sur scène (c'est un euphémisme) et l'on sent bien qu'il manque parfois la petite patte du créateur. C'est même la première année où l'on voit Jonathan Ive se faire vivement critiquer sur les réseaux sociaux, pour ses choix de design parfois hasardeux (cette image de Magic Mouse à l'envers n'est pas prête de quitter nos esprits).
On y reviendra plus bas, mais le critère tarifaire a sans doute lui-aussi une incidence importante sur ce sentiment : sauf exception (iPod touch, Apple Watch Sport...), la plupart des nouveautés de 2015 n'ont pas brillé par leur accessibilité. Apple est devenue une marque de luxe, et même les plus fidèles ont parfois du mal à sortir leur carte bleue avec des étoiles dans les yeux.
Enfin, la Pomme s'est auto-inscrite dans un cercle infernale des mises à jour d'iOS et d'OS X. Et là, le sentiment de
Tim Cook n'est pas le seul coupable et Intel tient sa part de responsabilité. Les puces n'évoluent plus assez pour offrir 15 à 20% de gain d'une année sur l'autre, comme ce fut le cas par le passé. Apple en profite donc pour se concentrer sur d'autres technologies, en développant par exemple le Retina sur toute la gamme ou en proposant des SSD les plus rapides du marché. Intel a d'ailleurs permis à Apple de créer le MacBook Retina, qui préfigure sans doute de ce que sera l'ultra-mobilité dans quelques années : un ordinateur poids-plûme, sans ventilateur et avec une connectique essentiellement sans fil.
Mais pour beaucoup, tout cela n'est que de la poudre aux yeux et masque une gamme vieillissante et trop contraignante. Les vraies nouveautés se font attendre, les machines sont devenues plus fermées que jamais, et rien n'indique que la politique interne soit amenée à changer. Ce sont souvent les choix techniques qui inquiètent : si proposer une batterie inamovible ou de la RAM soudée sur une machine mobile peut faire sens, pourquoi, à l'inverse, brider autant les ordinateurs fixes ? Aller fermer la trape du Mac mini, souder la RAM des iMac 4k et proposer des Mac Pro dont le seul composant évolutif est... la RAM vire à la crise de folie.
Comme si ça ne suffisait pas, la Pomme fait également preuve d'une certaine frilosité à adopter les dernières technologies alors qu'elle avait su se montrer précurseur en la matière. On attend toujours l'écran externe 5k, le Thunderbolt 3, l'USB C sur l'ensemble de la gamme ! Certaines améliorations plus mineures -comme l'USB 3.1 ou le HDMI 2.0- se font également désirer. Même la dernière Apple TV ne prend pas en charge la 4k ! Parfois très stricte dans ses choix (abandon de la disquette, du lecteur DVD, du port SCSI pour l'USB), Cupertino se retrouve dans une posture plus attentistes, rappelant d'ailleurs certains de ses concurrents autrefois critiqués pour ne pas prendre assez de risques. En cette fin 2015, si vous voulez un portable Skylake, avec la dernière GeForce, du Thunderbolt 3 et un écran 4k, il faudra... acheter un PC ! Un comble !
Enfin, le Mac souffre plus que jamais d'un circuit graphique anémique. En 2015, il est inadmissible qu'une machine à plus de 1700€ comme l'iMac 4k ne propose -pas même en option- autre chose que le GPU intégré ! C'est d'autant plus étonnant qu'Apple plébiscite de plus en plus le calcul déporté, encourageant les développeurs à utiliser abondamment OpenCL. La montée en résolution engendre également de gros besoins à ce niveau, là où l'IGP assure à peine le minimum. Enfin, contrairement aux CPU, les GPU du marché proposent encore de vrais gains en performances d'une année sur l'autre (parfois +30 à +40%) là où les CPU peinent à dépasser leurs devancier de 5 à 10%.
Mais le plus gros reproche fait au Mac ces dernières années -hormis son prix- tient bien aux choix stylistiques et aux aberrations qui en découlent. Le culte de la finesse initié et validé par Steve Jobs montre plus que jamais ses limites. Les propriétaires d'iMac 5k le savent bien : la moindre sollicitation de la machine la transforme en véritable soufflerie. Je ne vous parle même pas de la surchauffe récurrente des MacBook Pro Retina (très mal ventilés), ou encore de la colle utilisée pour clipser l'écran des iMac, empêchant tout accès simple aux composants. Si un design original entraine forcément des compromis, Jonathan Ive a peut-être parfois oublié que ses ordinateurs ne sont pas seulement destinés à être exposé au musée.
Apple n'affiche pour le moment aucun signe encourageant face à toutes ces critiques. Au contraire, plus le temps passe, et plus le Mac se radicalise, au point qu'il devient de moins en moins rare de croiser -y compris en entreprise- des
Tout spécialiste de la marque vous le dira : depuis qu'Apple existe, il y a un
Cette année, les produits ne sont pas seulement chers, ils sont souvent sous-équipés, une stratégie amenant à opter pour le modèle supérieur, mieux garni en mémoire par exemple. Résultats ? Beaucoup sont toujours prêts à casser leur tirelire pour un iPhone de 16Go, un Mac mini avec 4Go de RAM (soudée) ou un MacBook Air avec un SSD de 128Go, quitte à le regretter amèrement par la suite. Apple finit par se faire prendre à son propre jeu : plus aucun modèle d'entrée de gamme ne vaut vraiment le coup, et ce sont pourtant ces produits d'appels qui permettent de recruter de nouveaux clients ! Certains risquent de en pas se faire avoir deux fois...
Si l'on s'est tous faits à l'idée de payer entre 800 et 1000€ un smartphone, on a en revanche plus de mal à admettre le prix des options et des accessoires. 25€ le câble Lightning (propriétaire, bien-sûr), 119€ la coque-batterie pour iPhone 6s, les prix sont parfois 5 à 10 fois plus cher que dans le commerce et les exemples ne manquent pas. Le prix de la RAM frise le facteur 6 ou 7 ! Les Apple Store physiques ressemblent de plus en plus à des boutiques de luxe, pourtant visitées par une population qui a rarement la prétention d'un tel niveau de vie. Rendez-vous compte, on pourrait s'offrir un Menu Big Mac à 4 pour le prix d'un câble Lightning, ne marchons-nous pas un peu sur la tête ?
Enfin, Apple est devenue maitre dans l'art de ne jamais baisser ses prix sur le neuf. Au contraire, ils augmentent parfois en fin de vie ! Le Mac Pro a pris plusieurs centaines d'euros suite à la baisse de l'euro face au dollar début 2015, alors qu'il n'avait pas évolué depuis 2 ans ! Quant au
Mais le vrai
Apple est devenue une marque mainstream et premium qui s'éloigne peu à peu de l'univers des geeks. Ma coiffeuse a un iPhone 6s, elle envisage de s'acheter l'un des nouveaux MacBook Retina et peut-être même une Apple Watch Sport pour les fêtes... Elle en parle comme d'un nouveau parfum ou d'une petite voiture de tourisme sportive. Qu'elles sont loin les années 90, où Internet n'intéressait que les geeks et les curieux ! Ne voyez pas ici de la nostalgie, bien au contraire, mais ce nouveau positionnement explique en grande partie la déception des initiés : tous ces appareils ne sont désormais plus bâtis pour des affocionados mais bien pour Mr-Tout-Le-Monde, qui ne veut pas savoir combien de
Mais à force de presser le citron (et le porte-monnaie) de ses fidèles, une marque peut passer d'un statut
L'
A ce propos, cette nouvelle année pourrait forcer Tim Cook à prendre des décisions drastiques en matière de vision produits, seul domaine où Jobs a su se montrer critique à son égard dans sa biographie officielle. En effet, depuis qu'il est aux commandes, le CEO d'Apple n'a pas encore osé en finir avec une gamme sur le déclin, comme les iPod par exemple (un seul modèle prend en charge Apple Music !). L'avenir du Mac Pro est également entre les mains du dirigeant, qui devra sans doute rationaliser un peu la gamme de Mac, aujourd'hui très dispersée.
C'est vrai, ce petit bilan vire parfois à la critique en règle, mais ne vous y méprenez pas : le vieux dicton
techne fait pas exception. Apple occupant désormais une place de choix dans l'économie numérique, il est de bon ton de prendre un peu de recul et de porter une analyse sur l'année écoulée.
La presse divisée... ou manipulée ?
A ce petit jeu, nos confrères américains affichent des angles bien différents. Chez Gizmodo, qui n'est plus vraiment le bienvenue à Cupertino, on titre carrément
Tout ce qui est sorti chez Apple cette année est un peu naze, un manière de dire qu'aucun produit n'a vraiment emballé le rédacteur. Si la chronique est cinglante et peu argumentée, Mario Aguilar affiche volontairement une vision très pessimiste : des machines chères (iPad Pro), pas toujours puissantes (nouveau MacBook Retina), des fonctions gadgets (3D Touch, Live Photo), des erreurs de design (chargement de l'Apple Pencil), d'ergonomie (Apple Music) et le rédacteur de féliciter Apple pour avoir réussi à forcer ses utilisateurs à utiliser Apple Maps, un
moins bon produitse bonifiant toutefois avec le temps.
©Jonathan Ive - 2015
Chez TheVerge -qui n'a mis que des bonnes notes aux produits Apple ces derniers mois- on mentionne cette fois
Une année en beta, une façon plus tempérée de qualifier ces nouveautés d'un peu trop en avance sur leur temps, mais pas suffisamment abouties pour parler de révolution. Même son de cloche chez ArsTechnica, qui évoque surtout un élargissement nécessaire de l'écosystème : pour Andrew Cunningham, Apple n'a pas le choix si elle veut survivre à ses concurrents, et elle doit forcément se disperser un peu, le plus rapidement possible, sans quoi le consommateur serait tenté de sortir de son giron. Télé, voiture, musique, téléphonie, apps... qu'on approuve ou non la stratégie, Apple fait souvent les choses
mieux que les autresappuie notre confrère, un peu résigné.
Enfin, avant d'amorcer à notre tour quelques pistes, on s'étonnera une nouvelle fois du traitement médiatique attribué à la Pomme cette année. Autrefois présentée comme le vilain petit canard par la presse généraliste, la plupart des grands journaux encensent désormais presque chaque nouveau produit et participe ostensiblement à des opérations marketing orchestrées en haut lieu (comme encore hier sur Mashable). Sur le papier, rien de bien choquant à cela, les produits sont populaires, ils se vendent bien et le lectorat ne s'attend pas du Monde ou du Figaro qu'ils aillent analyser le prix des options ou la vitesse du disque dur. Mais depuis quelques temps, ces pratiques déteignent désormais chez les médias spécialisés et les
pure playerdu web (Buzzfeed, Mashable etc.). A coup de produits fournis en avance, d'interviews exclusives et d'invitation systématiques aux keynotes, il est devenu bien compliqué de
basherun Mac, un iPhone ou même un bête accessoire au demeurant très critiquable, au risque de ne plus être dans la
short-listla prochaine fois.
On se retrouve alors avec -par exemple- une note de 8,5/10 pour l'iMac 4k chez TheVerge alors même que le rédacteur souligne l'absence de GPU dédié, d'USB C ou encore la présence d'un disque dur à plateaux en standard ! Ces exemples ne manquent pas, y compris chez nos confrères historiques spécialisés Apple (4/5 chez MacWorld US pour notre iMac 4k !). On ne peut pas dire qu'Apple achète la presse -elle n'investit pas un seul kopeck en publicité sur ces médias- il s'agit plutôt d'une forme de complaisance qui satisfait tout le monde : le site bénéficie d'exclusivités et donc, d'audience, et Apple tient à jour sa
short-listdes médias qui savent contenir leurs critiques.
Alors que l'on s'étonnait, dans les années 90, de voir la Pomme systématiquement raillée par des journalistes très parti-pris, nous voilà maintenant déçus qu'Apple ne soit plus assez remise en question par cette même presse ! C'est le monde à l'envers !
Des produits "tous en "beta" ? Vraiment ?
BasherApple a toujours été un sport reconnu dans les médias, non pas pour énerver le fanboys, mais bien pour faire de l'audience. Lorsque Gizmodo qualifie tous les produits de
nazes, le rédacteur cherche clairement la polémique mais il reflète aussi un sentiment plus général : cette impression qu'Apple n'est pas allée au bout de ses produits, que
si Steve avait été là, les choses auraient été bien différentes.
En 2015, Apple a surtout sorti quantité de vraies nouveautés. L'Apple Watch, le MacBook Retina, l'iPad Pro et l'Apple TV 4 ont pratiquement tous créé -à différents degrés- un segment jusque là inexistant. Oui, le MacBook n'est pas assez rapide, oui, l'Apple Watch manque de
killer features, oui, l'iPad Pro n'a pas d'
iOS Proet les premiers acheteurs de la nouvelle Apple TV sont sûrement un peu déçus par le faible nombre d'applications... Mais Apple aurait-elle vraiment pu sortir l'appareil parfait du premier coup ?
Ce serait surtout oublier que les grands succès de la marque sont tous passés par là. Le premier iPhone n'avait pas la 3G, le premier MacBook Air proposait un disque dur à plateaux ultra-lent (et un CPU anémique), l'iPod coûtait l'équivalent de 1000€ d'aujourd'hui et le premier iPad n'avait ni webcam ni appareil photo ! Les premières générations sont toujours un peu décevantes, mais elles marquent souvent les esprits. Cela ne veut pas dire que l'Apple Watch sera un succès ou qu'Apple finira par faire décoller son offre de télévision, mais parler de
flopou d'échec sans attendre une seconde génération ou quelques années parait ici bien prématuré.
En revanche, on peut le concéder, cette année 2015 a peut-être manqué d'un peu de magie. Tim Cook ne fait pas autant vibrer les foules que Steve Jobs lorsqu'il était sur scène (c'est un euphémisme) et l'on sent bien qu'il manque parfois la petite patte du créateur. C'est même la première année où l'on voit Jonathan Ive se faire vivement critiquer sur les réseaux sociaux, pour ses choix de design parfois hasardeux (cette image de Magic Mouse à l'envers n'est pas prête de quitter nos esprits).
On y reviendra plus bas, mais le critère tarifaire a sans doute lui-aussi une incidence importante sur ce sentiment : sauf exception (iPod touch, Apple Watch Sport...), la plupart des nouveautés de 2015 n'ont pas brillé par leur accessibilité. Apple est devenue une marque de luxe, et même les plus fidèles ont parfois du mal à sortir leur carte bleue avec des étoiles dans les yeux.
Enfin, la Pomme s'est auto-inscrite dans un cercle infernale des mises à jour d'iOS et d'OS X. Et là, le sentiment de
vivre en version Betan'a jamais été aussi présent. A peine iOS 8 se stabilise qu'iOS 9 arrive avec son lot de bugs corrigés 6 mois plus tard. Et rebelote l'année suivante ! Le Mac est un peu moins touché, mais oblige les développeurs à sortir de nouvelles features dont la moitié est inutile, plutôt que de retravailler vraiment les entrailles du système ou de faire évoluer le Dock, le Finder ou des outils comme Spotlight/TimeMachine qui proposent toujours si peu d'options et de paramétrage. Pourquoi ne pas sortir OS X et iOS une année sur 2 et proposer de
vraiesnouveautés à chaque itération ?
Le Mac, grand oublié de 2015
Apple, c'est l'iPhoneentend-on souvent, après la publication des résultats financiers. Il faudra s'y faire, le Mac a fait son temps et ce n'est plus lui qui dicte les revenus de la compagnie. Pour autant, on ne doit pas s'interdire de garder quelques exigences vis à vis de ces machines, qui sont d'ailleurs à la base de tout chez Apple. Et de ce point de vue, oui, nous sommes assez déçus des choix de Cupertino cette année.
Tim Cook n'est pas le seul coupable et Intel tient sa part de responsabilité. Les puces n'évoluent plus assez pour offrir 15 à 20% de gain d'une année sur l'autre, comme ce fut le cas par le passé. Apple en profite donc pour se concentrer sur d'autres technologies, en développant par exemple le Retina sur toute la gamme ou en proposant des SSD les plus rapides du marché. Intel a d'ailleurs permis à Apple de créer le MacBook Retina, qui préfigure sans doute de ce que sera l'ultra-mobilité dans quelques années : un ordinateur poids-plûme, sans ventilateur et avec une connectique essentiellement sans fil.
Mais pour beaucoup, tout cela n'est que de la poudre aux yeux et masque une gamme vieillissante et trop contraignante. Les vraies nouveautés se font attendre, les machines sont devenues plus fermées que jamais, et rien n'indique que la politique interne soit amenée à changer. Ce sont souvent les choix techniques qui inquiètent : si proposer une batterie inamovible ou de la RAM soudée sur une machine mobile peut faire sens, pourquoi, à l'inverse, brider autant les ordinateurs fixes ? Aller fermer la trape du Mac mini, souder la RAM des iMac 4k et proposer des Mac Pro dont le seul composant évolutif est... la RAM vire à la crise de folie.
Impossible d'ouvrir le Mac mini 2014 ! Apple a vissé la trape !
Comme si ça ne suffisait pas, la Pomme fait également preuve d'une certaine frilosité à adopter les dernières technologies alors qu'elle avait su se montrer précurseur en la matière. On attend toujours l'écran externe 5k, le Thunderbolt 3, l'USB C sur l'ensemble de la gamme ! Certaines améliorations plus mineures -comme l'USB 3.1 ou le HDMI 2.0- se font également désirer. Même la dernière Apple TV ne prend pas en charge la 4k ! Parfois très stricte dans ses choix (abandon de la disquette, du lecteur DVD, du port SCSI pour l'USB), Cupertino se retrouve dans une posture plus attentistes, rappelant d'ailleurs certains de ses concurrents autrefois critiqués pour ne pas prendre assez de risques. En cette fin 2015, si vous voulez un portable Skylake, avec la dernière GeForce, du Thunderbolt 3 et un écran 4k, il faudra... acheter un PC ! Un comble !
Enfin, le Mac souffre plus que jamais d'un circuit graphique anémique. En 2015, il est inadmissible qu'une machine à plus de 1700€ comme l'iMac 4k ne propose -pas même en option- autre chose que le GPU intégré ! C'est d'autant plus étonnant qu'Apple plébiscite de plus en plus le calcul déporté, encourageant les développeurs à utiliser abondamment OpenCL. La montée en résolution engendre également de gros besoins à ce niveau, là où l'IGP assure à peine le minimum. Enfin, contrairement aux CPU, les GPU du marché proposent encore de vrais gains en performances d'une année sur l'autre (parfois +30 à +40%) là où les CPU peinent à dépasser leurs devancier de 5 à 10%.
L'iMac 4k doit se contenter de l'IGP d'Intel, insuffisant pour traiter autant de pixels dans les jeux et les applications 3D.
Mais le plus gros reproche fait au Mac ces dernières années -hormis son prix- tient bien aux choix stylistiques et aux aberrations qui en découlent. Le culte de la finesse initié et validé par Steve Jobs montre plus que jamais ses limites. Les propriétaires d'iMac 5k le savent bien : la moindre sollicitation de la machine la transforme en véritable soufflerie. Je ne vous parle même pas de la surchauffe récurrente des MacBook Pro Retina (très mal ventilés), ou encore de la colle utilisée pour clipser l'écran des iMac, empêchant tout accès simple aux composants. Si un design original entraine forcément des compromis, Jonathan Ive a peut-être parfois oublié que ses ordinateurs ne sont pas seulement destinés à être exposé au musée.
Aucune carte graphique moderne ne peut entrer dans un iMac récent. Voilà pourquoi Apple utilise des modèles... pour ordinateur portable, bien moins puissants !
Apple n'affiche pour le moment aucun signe encourageant face à toutes ces critiques. Au contraire, plus le temps passe, et plus le Mac se radicalise, au point qu'il devient de moins en moins rare de croiser -y compris en entreprise- des
hackintosh, ces PC transformés en Mac et semblant -c'est un comble- proposer moins de compromis techniques et tarifaires que les machines officielles.
Une politique tarifaire consternante
Tout spécialiste de la marque vous le dira : depuis qu'Apple existe, il y a un
problème tarifaireautour de ses produits. Historiquement, beaucoup s'étonnaient de voir des gens prêts à payer plus cher pour un ordinateur
designou même simplement une interface graphique, une souris ou encore la promesse que tout fonctionne en
Plug & Play. On retrouve d'ailleurs cette vision là avec l'iPhone, quoiqu'en disent les fanboys Android : le niveau d'intégration du téléphone, et la parfaite symbiose avec iOS justifie pour beaucoup de casser sa tirelire pour avoir
l'iPhoneet non une copie chinoise ou coréenne.
Cette année, les produits ne sont pas seulement chers, ils sont souvent sous-équipés, une stratégie amenant à opter pour le modèle supérieur, mieux garni en mémoire par exemple. Résultats ? Beaucoup sont toujours prêts à casser leur tirelire pour un iPhone de 16Go, un Mac mini avec 4Go de RAM (soudée) ou un MacBook Air avec un SSD de 128Go, quitte à le regretter amèrement par la suite. Apple finit par se faire prendre à son propre jeu : plus aucun modèle d'entrée de gamme ne vaut vraiment le coup, et ce sont pourtant ces produits d'appels qui permettent de recruter de nouveaux clients ! Certains risquent de en pas se faire avoir deux fois...
8Go de RAM supplémentaire est facturé 240€ chez Apple, environ 60€ dans le commerce.
Si l'on s'est tous faits à l'idée de payer entre 800 et 1000€ un smartphone, on a en revanche plus de mal à admettre le prix des options et des accessoires. 25€ le câble Lightning (propriétaire, bien-sûr), 119€ la coque-batterie pour iPhone 6s, les prix sont parfois 5 à 10 fois plus cher que dans le commerce et les exemples ne manquent pas. Le prix de la RAM frise le facteur 6 ou 7 ! Les Apple Store physiques ressemblent de plus en plus à des boutiques de luxe, pourtant visitées par une population qui a rarement la prétention d'un tel niveau de vie. Rendez-vous compte, on pourrait s'offrir un Menu Big Mac à 4 pour le prix d'un câble Lightning, ne marchons-nous pas un peu sur la tête ?
Enfin, Apple est devenue maitre dans l'art de ne jamais baisser ses prix sur le neuf. Au contraire, ils augmentent parfois en fin de vie ! Le Mac Pro a pris plusieurs centaines d'euros suite à la baisse de l'euro face au dollar début 2015, alors qu'il n'avait pas évolué depuis 2 ans ! Quant au
Black Friday, presque importé par Apple en Europe, il a été abandonné par Angela Arendt, officiellement pour
faciliter la viedes vendeurs en ces périodes déjà chargées. Pour couronner le tout, l'Apple Store est devenu l'endroit le moins compétitif pour acheter son Mac et même son iPhone, la plupart des revendeurs proposent systématiquement des réductions ou des tarifs plus intéressants ! Il n'y a vraiment que le Refurb qui permette encore d'acheter du (presque) neuf avec 10 à 15% de réduction.
Une trop bonne année financière
Mais le vrai
problème-qui a le don d'irriter la concurrence- c'est l'incroyable santé financière d'Apple. Après trois trimestres records, la firme devrait boucler sa meilleure année de tous le temps. Dans ces conditions, comment remettre en cause la moindre politique tarifaire, le moindre choix technique, ou simplement la popularité des produits ?
Apple est devenue une marque mainstream et premium qui s'éloigne peu à peu de l'univers des geeks. Ma coiffeuse a un iPhone 6s, elle envisage de s'acheter l'un des nouveaux MacBook Retina et peut-être même une Apple Watch Sport pour les fêtes... Elle en parle comme d'un nouveau parfum ou d'une petite voiture de tourisme sportive. Qu'elles sont loin les années 90, où Internet n'intéressait que les geeks et les curieux ! Ne voyez pas ici de la nostalgie, bien au contraire, mais ce nouveau positionnement explique en grande partie la déception des initiés : tous ces appareils ne sont désormais plus bâtis pour des affocionados mais bien pour Mr-Tout-Le-Monde, qui ne veut pas savoir combien de
gigotsil a sur son disque ou si il devra faire évoluer la RAM ou la batterie dans les années à venir (et qui
adooorrela nouvelle couleur dorée, très statutaire). Cette nouvelle cible, plus populaire et moins
nerda le don d'énerver les fanas d'informatique et de high-tech, relégués au titre de
clients pénibleslorsqu'ils franchissent la porte d'un Apple Store.
Mais à force de presser le citron (et le porte-monnaie) de ses fidèles, une marque peut passer d'un statut
Trendyà une image moins glamour tout aussi rapidement. Le preu Steve Jobs qui lançait un doigt d'honneur devant [le siège d'IBM pourrait tout à fait répéter le geste à Cupertino, s'il était né dans les années 90. L'image d'Apple s'est d'ailleurs bien écornée ces dernières années, notamment face aux différents scandales autour de Foxconn, d'évasion fiscale ou encore vis-à-vis de sa politique du secret, verrouillant toute forme de communication
normale, très dommageable en période de crise. Le nouveau Big Brother ne s'appelle plus Microsoft ou IBM, mais bien Apple (et Google).
2016, l'année-vérité ?
L'
année Appleest désormais bien rodée et 2016 ressemblera probablement beaucoup à 2015 : une nouvelle Apple Watch au printemps, un iPhone 7 fin septembre, de nouveaux iPad mini/Air/Pro dans le courant de l'année et sûrement de petites évolution côté Mac, en fonction du calendrier d'Intel. Oh, il y aura bien quelques surprises, comme un nouveau MacBook Pro Retina 15", un iPhone 6c ramené d'entre les morts ou peut-être même une Apple TV 4k fin 2016. Mais peu de chance de voir débouler l'Apple Car ou même une nouvelle lignée de produits cette année ! La Pomme semble avoir déjà bien du mal à assurer le suivi de ses montres, tablettes, ordinateurs et autres accessoires connectés.
A ce propos, cette nouvelle année pourrait forcer Tim Cook à prendre des décisions drastiques en matière de vision produits, seul domaine où Jobs a su se montrer critique à son égard dans sa biographie officielle. En effet, depuis qu'il est aux commandes, le CEO d'Apple n'a pas encore osé en finir avec une gamme sur le déclin, comme les iPod par exemple (un seul modèle prend en charge Apple Music !). L'avenir du Mac Pro est également entre les mains du dirigeant, qui devra sans doute rationaliser un peu la gamme de Mac, aujourd'hui très dispersée.
C'est vrai, ce petit bilan vire parfois à la critique en règle, mais ne vous y méprenez pas : le vieux dicton
Qui aime bien châtie bienprend ici tout son sens. Apple vogue aujourd'hui toute voile dehors et rien ne semble pouvoir l'arrêter. Son éternelle arrogance associée à sa nouvelle toute puissance ont de quoi inquiéter les habitués. Mais Apple regorge aussi de talents créatifs et de visionnaires, souhaitons lui pour 2016 qu'elle sache mieux les valoriser !