Pass Culture : la Cour des comptes tire la sonnette d’alarme
Par Vincent Lautier - Publié le
Lancé en 2021 comme l’une des mesures phares d’Emmanuel Macron pour démocratiser l’accès à la culture, le Pass Culture fait aujourd’hui l’objet d’un bilan plutôt salé de la part de la Cour des comptes. Trop coûteux, mal ciblé et franchement inefficace, le dispositif semble loin d’avoir atteint ses objectifs.
Premier point qui coince : le budget. La Cour des comptes n’y va pas par quatre chemins, en parlant d’une « croissance non maîtrisée des crédits ». On est passé d’une enveloppe de 92 millions d’euros en 2021 à 244 millions en 2024. Pire encore, les prévisions budgétaires, fixées à 210 millions pour cette année, ont été largement dépassées. Autre problème, cette somme est presque intégralement financée par l’État, alors que le dispositif avait été pensé pour reposer, en partie, sur des contributions privées.
Résultat, le Pass Culture occupe aujourd’hui la deuxième place parmi les structures financées par le ministère de la Culture, juste derrière la Bibliothèque nationale de France. Une place qui ne passe pas inaperçue dans un contexte où chaque dépense publique est scrutée à la loupe, et c’est peu dire.
On nous l’avait vendu comme un outil pour ouvrir les portes de la culture à tous les jeunes de 18 ans. Mais dans les faits, ça coince. Si 84 % des jeunes ont activé leur Pass, ce chiffre tombe à 68 % pour ceux issus des classes populaires. En gros, le Pass profite surtout à ceux qui avaient déjà un pied dans la culture, au détriment des publics les plus éloignés, censés être la priorité.
Pour ne rien arranger, les dépenses sont très loin de la diversification annoncée. Les jeunes utilisent principalement leur crédit pour acheter des livres (67 % des réservations), et parmi eux, les mangas raflent la mise – même si leur part est passée de 40 % à 20 % depuis le lancement du dispositif. Alors certes, un manga est livre à part entière, mais ça manque quand même un peu de diversité. Ensuite, on retrouve les places de cinéma (21 %) et la musique (23 %). D’un autre côté, les secteurs jugés plus « nobles » comme le théâtre, la danse ou le cirque n’atteignent même pas 1 % des réservations. La faute, entre autres, à un manque d’implication des grands établissements culturels, qui ont la flemme, ou le manque de volonté, d’inscrire leurs offres sur l’application.
Et parce qu’un problème n’arrive jamais seul, la Cour des comptes a découvert quelques dérives bien embêtantes. Par exemple, 16 millions d’euros ont été dépensés pour financer… des escape games. Une activité jugée non éligible au Pass Culture, mais qui s’est glissée dans le dispositif faute de contrôle suffisant. Depuis, 500 offres ont été déréférencées sur ordre du ministère de la Culture. C’est déjà ça, mais ça laisse quand même planer un doute sur la qualité globale du dispositif.
À cela s’ajoute un fonctionnement jugé trop « passif ». Près de 90 % des réservations passent directement par le moteur de recherche de l’application, preuve que les jeunes savent déjà ce qu’ils veulent. Seulement 6,3 % prennent le temps de consulter la page d’accueil et ses recommandations. En clair, le Pass ressemble plus à un chèque cadeau géant qu’à un véritable outil de découverte. Une fois les 300 euros dépensés, 62 % des bénéficiaires ne poursuivent pas les activités culturelles initiées avec le Pass.
Face à ces critiques, la Cour des comptes propose quelques pistes pour éviter que le Pass Culture ne devienne un gouffre financier sans réel impact. Parmi les options envisagées :
Rachida Dati, future ex ministre de la Culture (et peut-être à nouveau future, allez savoir), partage d’ailleurs certains constats. Elle souhaite mettre l’accent sur une politique plus qualitative, en renforçant la médiation culturelle et en diversifiant les offres mises en avant. L’objectif : sortir du modèle actuel, considéré comme trop consumériste, pour proposer de véritables découvertes culturelles aux jeunes. Certes, mais comment ?
Ce bilan sévère pose une question simple : le Pass Culture est-il réformable ? Avec son coût qui explose et son efficacité franchement discutable, le statu quo est visiblement « non tenable », selon la Cour des comptes. Si rien ne change, le dispositif pourrait bien être remis en cause, et tout simplement supprimé.
La balle est dans le camp du ministère. Enfin, du futur-ex-futur ministère surtout.
Un coût qui explose
Premier point qui coince : le budget. La Cour des comptes n’y va pas par quatre chemins, en parlant d’une « croissance non maîtrisée des crédits ». On est passé d’une enveloppe de 92 millions d’euros en 2021 à 244 millions en 2024. Pire encore, les prévisions budgétaires, fixées à 210 millions pour cette année, ont été largement dépassées. Autre problème, cette somme est presque intégralement financée par l’État, alors que le dispositif avait été pensé pour reposer, en partie, sur des contributions privées.
Résultat, le Pass Culture occupe aujourd’hui la deuxième place parmi les structures financées par le ministère de la Culture, juste derrière la Bibliothèque nationale de France. Une place qui ne passe pas inaperçue dans un contexte où chaque dépense publique est scrutée à la loupe, et c’est peu dire.
Un effet d’aubaine plutôt qu’une démocratisation
On nous l’avait vendu comme un outil pour ouvrir les portes de la culture à tous les jeunes de 18 ans. Mais dans les faits, ça coince. Si 84 % des jeunes ont activé leur Pass, ce chiffre tombe à 68 % pour ceux issus des classes populaires. En gros, le Pass profite surtout à ceux qui avaient déjà un pied dans la culture, au détriment des publics les plus éloignés, censés être la priorité.
Pour ne rien arranger, les dépenses sont très loin de la diversification annoncée. Les jeunes utilisent principalement leur crédit pour acheter des livres (67 % des réservations), et parmi eux, les mangas raflent la mise – même si leur part est passée de 40 % à 20 % depuis le lancement du dispositif. Alors certes, un manga est livre à part entière, mais ça manque quand même un peu de diversité. Ensuite, on retrouve les places de cinéma (21 %) et la musique (23 %). D’un autre côté, les secteurs jugés plus « nobles » comme le théâtre, la danse ou le cirque n’atteignent même pas 1 % des réservations. La faute, entre autres, à un manque d’implication des grands établissements culturels, qui ont la flemme, ou le manque de volonté, d’inscrire leurs offres sur l’application.
Des dérives qui coûtent cher
Et parce qu’un problème n’arrive jamais seul, la Cour des comptes a découvert quelques dérives bien embêtantes. Par exemple, 16 millions d’euros ont été dépensés pour financer… des escape games. Une activité jugée non éligible au Pass Culture, mais qui s’est glissée dans le dispositif faute de contrôle suffisant. Depuis, 500 offres ont été déréférencées sur ordre du ministère de la Culture. C’est déjà ça, mais ça laisse quand même planer un doute sur la qualité globale du dispositif.
À cela s’ajoute un fonctionnement jugé trop « passif ». Près de 90 % des réservations passent directement par le moteur de recherche de l’application, preuve que les jeunes savent déjà ce qu’ils veulent. Seulement 6,3 % prennent le temps de consulter la page d’accueil et ses recommandations. En clair, le Pass ressemble plus à un chèque cadeau géant qu’à un véritable outil de découverte. Une fois les 300 euros dépensés, 62 % des bénéficiaires ne poursuivent pas les activités culturelles initiées avec le Pass.
Comment sauver le dispositif ?
Face à ces critiques, la Cour des comptes propose quelques pistes pour éviter que le Pass Culture ne devienne un gouffre financier sans réel impact. Parmi les options envisagées :
- Réduire le montant du crédit individuel alloué aux jeunes de 18 ans.
- Cibler davantage les bénéficiaires, en introduisant des conditions de ressources ou des critères territoriaux.
- Transformer la société Pass Culture en opérateur de l’État pour renforcer son encadrement et sa gouvernance.
Rachida Dati, future ex ministre de la Culture (et peut-être à nouveau future, allez savoir), partage d’ailleurs certains constats. Elle souhaite mettre l’accent sur une politique plus qualitative, en renforçant la médiation culturelle et en diversifiant les offres mises en avant. L’objectif : sortir du modèle actuel, considéré comme trop consumériste, pour proposer de véritables découvertes culturelles aux jeunes. Certes, mais comment ?
Un avenir incertain
Ce bilan sévère pose une question simple : le Pass Culture est-il réformable ? Avec son coût qui explose et son efficacité franchement discutable, le statu quo est visiblement « non tenable », selon la Cour des comptes. Si rien ne change, le dispositif pourrait bien être remis en cause, et tout simplement supprimé.
La balle est dans le camp du ministère. Enfin, du futur-ex-futur ministère surtout.