FlyFan et FlyLight : Une tragédie Moderne...
Par Ergo - Publié le
Il était une fois...
Il était une fois en pays pommé sur un bureau en mélaminé blanc cassé, un clavier isolé. Connecté à ce clavier, un petit ventilateur tournait à longueur de journée. Il tournait, et tournait encore. Sa fonction première... son unique fonction était de fournir un peu d’air à son humain attribué. Humain qui tapotait ses articles et autres niouses sur le clavier. Petit ventilateur, du nom de FlyFan, était un solitaire.
Il était arrivé par une belle matinée d’été au rebord du clavier. Ses journées passaient mornes et monotones. Pas le moindre petit divertissement qui aurait pu égayer son labeur quotidien. Ses seuls compagnons étaient les touches du clavier sur lequel il était connecté. La touche « Eject », la plus proche de lui, parlait peu, n’étant que fort peu usitée, elle avait perdu le don de l’amabilité tout en développant un sens assez aigüe du mutisme. Les autres touches étaient à l’avenant, acharnées au travail et peu enclines à la discussion.
Mais cela ne décourageait pas notre petit ventilateur. Dès qu’on le branchait sur son port USB, sa joie de vivre éclatait au grand vent et il se mettait tout de suite au travail. Il brassait l’air de toutes ses forces. De toute la puissance que pouvaient obtenir ses deux pales en nylon, sans danger pour tout humain approchant ses petits doigts fragiles. L’air brassé s’en allait vigoureux vers l’humain et lui procurait un air frais tellement appréciable par les chaudes journées d’été. Son petit moteur, fort silencieux, savait se faire oublier. Jamais il n’avait gêné l’Humain dans son travail.
Il savait qu’il était le compagnon idéal de l’Homme échauffé par les chaleurs estivales. La vie et les jours passaient.
L'apparition
Et puis, Elle apparue. Lui qui se croyait unique et seul en ce monde de touches acâriatres, il eut le choc de sa vie de ventilateur. Ce fût plus qu’une apparition, ce fût au-delà de tout entendement logique. Ses pales nylon en frémirent d'extase. Son rotor s'emballat. Dès sa venue, Elle illumina la vie (et surtout les nuits) de notre petit ventilateur. Bon en même temps, en tant que Lampe, Elle se devait d’illuminer sous peine de rencontrer le local poubelle situé au 14e sous-sol, 72e couloir porte 12.
Un sentiment bizarre et pénétrant de là à là (© Desproges) parcouru notre petit ventilateur. Il se gonfla le rotor et ventila avec vigueur le LED, d’une fiabilité extrème, de notre petite lampe. Non insensible aux charmes des pales en nylon, Elle illumina au plus fort de la nuit leur monde qui leur semblait intensément unique. Malgré cela, elle ne consommait jamais plus de 90 secondes de charge batterie pour une heure complète d’éclairage. Ce dévouement envers l’Humain et sa batterie ne fît qu’exacerber l’admiration de notre petit ventilateur. Il en était fou vous dis-je.
Ils étaient seuls au monde.
Ils ne vivaient plus que pour eux, le rotor aux quatre vents, le LED au firmament. Les nuits étaient douces et claires. Les jours passaient et rien ne semblaient pouvoir ternir cette idyllique union qui aurait reléguer Roméo et Juliette au rang de contine besogneuse pour ménagère acâriatre. Mais,
Dieu m'émascule, si possible sous péridurale(© Desproges), le destin sait être odieux avec les Anges. Un jour de Juillet, au plus fort de la canicule estivale, voilà que l'Humain vénéré, l'Humain qui fut le centre de leur bonheur, le voila empréssé de faire une acquisition qui scellera la perte de nos tourtereaux. Fort épris de photo, et sous l'impulsion d'un abus de position numérique, notre humain au sommet de son pouvoir d'achat victorieux, décide en son fort intérieur de compte en banque opulent, qu'un appareil photo numérique sierait à merveille sur le bureau non loin du clavier.
Un de nous deux est en trop sur ce port USB...
L'appareil photo est arrivé une matinée d'Août. De suite, il eut des vélléités sur le port USB droit du clavier. Celui du petit ventilateur. Le besoin de lumière étant primordial, notre petit ventilateur fut débranché et éloigné sur un hub 4 ports, à l'autre bout du bureau. Très loin de sa petite lampe, qui dorénavant n'eut d'yeux que pour le nouvel arrivant. La photo et la lumière étant intimement liés, la petite lampe ne pouvait s'éloigner du clavier. Et loin du LED, loin du coeur, elle oublia le petit ventilateur.
Mais c'était sans compter sur l'amour tenace et vigoureux du petit ventilateur. Son rotor frémissait de haine pour l'appareil photo. Dans un dernier sursaut que Cupidon n'aurait pas renié, il s'étira de toutes ses forces vers le clavier pour retrouver sa lampe adorée. Mais le destin est impitoyable, surtout pour les ventilateurs. Ce dernier mouvement proche du désespoir, le deconnecta du Hub et il chût sur le bureau, roula vers le rebord, et tombât dans la poubelle.
Ce même jour l'appareil photo partit en reportage accompagné de la petite lampe.
Épilogue
Aujourd'hui, notre petit ventilateur ne supporte plus la vue du moindre port USB. Il s'est exilé loin de toutes civilisations. Il tourne toujours, seul, et les jours lui paraissent bien long. Sa fonction a un peu changé. Il ne rafraichit plus, mais fournit de l'électricté. Peut-être pour ne plus déprendre d'un port USB... Qui sait ?
Notre petite lampe est bien partie avec l'appareil photo. Mais plus rusé qu'un renard les jours de foire à l'arnaque, il l'entraina vers un monde décadent et l'improvisa starlette de films plus ou moins dénudés.
Aujourd'hui, elle a sombré. On peut la voir dans un abris de jardin d'un pavillon de banlieue. Elle éclaire toujours, mais dépérit peu à peu.
Les voisins prétendent que le grillage est proche...
Chanson de fin :
Eh déconne pas FlyFan
Va pas t'tailler les pales
Une lampe de perdue
C'est dix rotors qui r'viennent
On était tous maqués
Quand toi t'étais tous seul
Tu disais j'me fais chier
Et j'voudrais sauver ma gueule
T'as croisé cette nana
Qu'était faite pour personne
T'as dit elle pour moi
Ou alors y a maldonne
T'as été un peu vite
Pour t'tatouer son prénom
A l'endroit où palpite
Ton grand rotor de grand con
Eh déconne pas FlyFan
C't'à moi qu'tu fais d'la peine
Une lampe de perdue
C'est dix rotors qui r'viennent
Libre adaptation de
Manude Renaud ;)