Opinion : faut-il acheter les MacBook Pro 2018 ? Top ou flop ?
Par Didier Pulicani - Publié le
Un bond de performances CPU très attendu
C'est sans doute LA nouveauté qui en fera craquer plus d'un. Avec 2 coeurs de plus sur tous les modèles avec Touch Bar, tout le monde est gagnant : ceux qui préfèrent la dalle compacte de 13" peuvent enfin prétendre à des tâches lourdes sans sourciller, là où le Dual Core montrait vite ses limites. Malgré un GPU intégré assez médiocre, il ne devient pas totalement absurde d'utiliser ces petits Mac pour du montage ou du traitement photo avancé, quitte à le brancher à un GPU externe ponctuellement.
Enfin, la gamme 15" devient (pour quelques semaines) plus rapide que les iMac 5k, et va peut-être même aller taquiner les iMac Pro octo-coeurs (à vérifier), avec des puces dignes de stations de travail. Alors certes, on se traine toujours une énième version de l'architecture Skylake, mais c'est la première fois que l'on observe une telle différence de performance d'une année sur l'autre depuis au moins 10 ans ! La prouesse -si l'on peut dire- est de ne pas avoir augmenté les prix sur l'entrée de gamme, qui surclassera donc d'un coup, le haut-de-gamme de l'an dernier.
Un nouveau clavier (à surveiller)
Qu'il ait retardé ou non la sortie de ces machines, le nouveau clavier sera scruté de près par les clients, notamment ceux qui ont vécu le problème de blocage des touches de l'intérieur. Apple a-t-elle revu sa copie ? Une simple micro-poussière coincée dans le mécanisme pourra-t-elle toujours nous renvoyer au SAV ? Pour l'heure, c'est le grand mystère !
Cupertino a néanmoins adouci (à vérifier) le claquement récurrent de ces touches, mais sans en changer drastiquement le mécanisme. Il n'était d'ailleurs pas question de placer un clavier plus épais sans revoir profondément le design interne. Pourtant, et quoiqu'en dise Apple, il est hautement probable que cette dernière en ait profité pour retravailler sur ce souci de blocage, comme elle l'avait déjà tenté en 2017 : en prétextant qu'une minorité de clients soit touchée, et en éludant la question posée par la presse hier, Apple limite ainsi les fausses-promesses en cas de nouvelle contamination. En revanche, si les nouvelle machines sont toujours sujettes à ces pannes récurrentes, la sanction des clients pourrait être cinglante, d'autant que des actions collectives sont déjà en cours aux USA.
Un eGPU pour faire oublier les errances d'AMD
Après les Radeon Pro 460 (qui n'avaient rien de "pro", sauf à perdre quelques MHz), les Radeon Pro 560, voici les Radeon Pro 560X (!), un énième renommage de la génération Polaris 11, qui ne devrait pas évoluer avant une bonne année -et encore. Heureusement, Nvidia, bien que plus performant sur la consommation électrique, ne semble pas beaucoup mieux lotie, même si les rumeurs évoquent l'arrivée d'une nouvelle gamme d'ici la fin de l'année.
Pour nous faire oublier que nos GPU ont plus de 2 ans, AMD et Apple ont donc eu l'idée géniale de créer un eGPU Thunderbolt avec Blackmagic. Si le produit est plutôt sexy en apparence (sortie Thunderbolt, design compact), il risque d'être rapidement dépassé, le GPU intégré (Radeon 580) étant déjà bridé et un peu âgé, sans aucune possibilité d'évolution. Heureusement, le prix reste contenu, mais l'on aurait plutôt préféré des "bundle" avec les MacBook Pro, surtout lorsqu'on a choisi une configuration déjà fortement tarifée.
Stockage : le gros point noir
Vendre une machine à 2800€ avec 256Go de stockage n'est plus seulement de la pingrerie, c'est un vrai scandale. A 3300€, les 512Go ne sont pas beaucoup plus flatteurs. Alors oui, c'est vrai, les barrettes de SSD NVMe PCIe sont chères, et frisent avec les 1000€/To, y compris dans le commerce. Le passage de 256Go à 512Go (250€) n'est donc pas outrageusement facturé par la Pomme même s'il fait très mal au porte-monnaie.
La vraie question est plutôt de savoir si tout ce petit monde a besoin de SSD PCIe capable de soutenir des débits de plus de 3Go/s en lecture/écriture ! Même chez les pro, les SSD SATA (500Go/s) ou en USB 3.1 Gen2 (10Gbps) se montrent aujourd'hui largement suffisants, y compris pour monter de la 4k sous Final Cut Pro ! D'ailleurs, ces faibles capacités internes imposent quasiment à tous les clients d'acheter des SSD ou HDD externes, souvent moins performants et assez encombrants. Un comble ! Cela fait des années qu'on le dit : la capacité ne devrait pas être le seul critère pour le stockage, Apple devrait proposer différents niveaux de vitesse, surtout sur les machines d'entrée de gamme.
8000€, le prix d'une voiture !
A la rédaction, nous avons évidemment commandé la configuration à 8000€ (7959€ exactement), une somme inédite pour un portable de la marque.
C'est le prix d'une voiture !m'a lancé une collègue au bureau, effarée -et elle n'a pas tort. Pourtant, à y réfléchir, je me sers bien plus de mon Mac que de mon véhicule. Un autre collègue, plus prosaïque et spécialiste de la vidéo, trouve lui, la configuration plutôt abordable par rapport... à un iMac Pro. Si l'on gave le modèle de base de 4To de SSD, il est vendu presque 9000€ ! Après tout, avec cette différence de prix, on se monte une petite Vega 64 des familles en eGPU !
Ce tarif reste néanmoins délirant, et surtout, la résultante de choix très discutables en matière de stockage, comme vu plus haut. Avec de petites barrettes plus modestes et un peu moins rapides, les configurations aurait coûté quelques milliers d'euros de moins ou auraient permis de valoriser d'autres composants. A l'arrivée, le public médian de ces machines -même plutôt aisé- devra se contenter d'un disque riquiqui, voire d'un modèle du Refurb... à plus de 3000€.
Bilan : top ou flop ?
De mémoire, rarement une nouvelle gamme d'une même génération de machine n'avait apporté un saut de performances aussi notable en matière de CPU. Le passage de 1 à 2To et de 2 à 4To -malgré le tarif indécent- sauvera également la mise de nombreux professionnels exigeants. Enfin, si le clavier tient ses promesses, il pourrait réconcilier les plus hésitants avec un modèle souvent décrié.
Pourtant, il y a aussi beaucoup de déception cette année. D'une part, l'écran passe certes au True Tone, mais si vous bossez dans l'image ou la vidéo, cette option sera -tout comme
Dis-Siri- rapidement désactivée -c'est sympa les photos jaunies le soir, sauf si on bosse dans la photo, le web, le montage, l'édition, bref, la cible de ce type de machine ! Ce genre de fonction n'est utile que pour le grand public, pour se reposer les yeux sur l'iPhone au couchant et aurait toute son utilité sur un MacBook. A la place, on aurait ici préféré une dalle OLED 4k par exemple ! Rendez-vous compte, ces écrans n'ont pas bougé (ou presque) depuis 2012, et il y a aujourd'hui plus de pixels sur un iPad Pro 12,9" de 2015 que sur un MacBook Pro Retina 15" 2018 !
Puisque certains chez ORLM me surnomment le
Jean-Pierre Coffe de la Tech(paix à son âme), je pourrais aussi râler devant cette antique webcam en 720p ou encore devant la détermination d'Apple à ne vouloir aucun port USB A, HDMI 2 ou même SD, alors que ces derniers n'auront certainement pas rendu les armes dans les 10 ans à venir. Cette semaine encore, j'ai oublié mon dock USB C lors d'une répétition musicale, m'obligeant à me passer de machine pour toute la session. Misère ! Quant à la Touch Bar, seul Touch ID lui sauve la mise, mais il faudra certainement attendre encore 1 ou 2 ans avant qu'Apple assume ce mauvais choix d'interface, qui ne fait qu'augmenter la facture.
In fine, cette génération risque d'en tenter plus d'un, rien que pour le CPU et les capacités de stockage. Mais seuls les plus fortunés -ou les entreprises- pourront réellement se permettre d'aller taper dans les options. Les autres, la plèbe inapte à mettre plus de 2000€ dans un modèle de 13" équipé de 256Go de SSD (!) n'aura qu'à se rabattre sur le Refurb, où les modèles de 2016 qui deviennent de plus en plus abordables, à défaut d'être vraiment séduisants.
• MacBook Pro 13"
• MacBook Pro 15"