Opinion : pourquoi le chargeur universel de téléphone est une aberration
Par Didier Pulicani - Publié le
Pourtant, ces derniers jours, la commission européenne s'est mis une nouvelle fois dans la tête de contraindre les constructeurs à utiliser une seule et même prise pour les charger tous, avec un nouvel objectif fixé à 2020. Ce sont déjà ces mêmes autorités qui avaient tenté l'opération en 2010, et qui s'est finalement transformée en un accord volontaire entre plusieurs industriels, dont Nokia, Sony Ericsson et Samsung. Apple s'était alors contentée de fournir un adaptateur...
Une rationalisation qui s'est opérée d'elle-même
Cette volonté politique est d'autant plus étrange que la connectique s'est largement rationalisée depuis le début des années 2000. Rappelez-vous à l'époque, entre Nokia, BlackBerry ou Sony-Ericsson, chacun avait son propre adaptateur. Pire, entre deux modèles d'une même marque, la prise était encore différente ! Il faut dire qu'au début des cellulaires, il n'était pas question de brancher l'appareil ailleurs que sur la prise électrique et qu'il était dans l'intérêt de chaque marque d'obliger ses clients à acheter son chargeur maison.
Avec l'apparition des smartphones, tout a changé. Désormais, on connecte son téléphone régulièrement à l'ordinateur et l'USB s'est alors imposé comme standard de fait. On peut même dire que l'USB est devenu la seule prise électrique commune dans le monde entier (après l'allume-cigare), alors que même en Europe, presque aucun pays européen n'utilise les mêmes prises 220V ! Aujourd'hui, 100% des téléphones sont livrés avec un câble USB et n'importe quel adaptateur fait alors l'affaire. Reste quand-même l'autre bout de la prise, celle où l'on connecté au téléphone : si une grande partie des constructeurs ont choisi le mini ou le micro-USB, d'autres (comme Apple) ont préféré garder une connectique propriétaire. Mais pourquoi donc ?
Un frein à l'innovation
Lors de l'annonce du passage à Lightning, Apple ne s'est pas contentée de changer discrètement ses câbles. La Pomme a longuement justifié son choix, mettant en avant les innovations technologiques ainsi que les avantages pour l'utilisateur en découlant. Non content de gagner en place dans le boitier, cette nouvelle fiche a aussi permis de nous faciliter la vie : lightning se branche dans les deux sens, réduit drastiquement le nombre de broches (on passe de 30 à 8) et offre aussi une meilleure emprise dans les Docks et autres accessoires qui font tenir le téléphone à la verticale. Sa forme, plus fine, permet aussi de réduire les extrémités des câbles, jusque là assez volumineux.
Aujourd'hui, tous ces atouts ne se retrouvent pas dans le connecteur mini/micro-USB. D'ailleurs, même du côté de l'USB (prôné par les défenseurs du connecteur universel), les câbles changent à chaque nouvelle mise à jour de la norme. On est d'ailleurs arrivé au paroxysme de l'aberration technologique avec le connecteur micro-USB3 :
Absolument pas réversible, scindé en deux partie, se confondant avec ses devanciers, il est le cauchemar des utilisateurs : sa forme trop large provoque des déconnections intempestives des disques durs et autres périphériques qui l'utilisent. Pire encore, il n'est pas suffisamment profond et résistant pour pouvoir être utilisé sur un Dock sans points de fixation tiers, au risque d'endommager la prise mâle du téléphone hôte. En face de cela, Lightning cumule les avantages et a même... inspiré le consortium en charge de l'USB, afin de faire évoluer son connecteur. Un comble !
Quand bien même la Commission Européenne s'accorderait sur un standard, lequel serait-il ? Et comment le faire évoluer ?
Le vrai-faux problème écologique
1 milliard de chargeurs trainent dans nos tiroirs, tel est l'argument choc brandi à Bruxelles pour défendre son idée. Pourtant, jusque là, il n'existe aucun adaptateur universel sur l'ensemble de nos appareils électroniques : chauffage, cafetière, chaine hi-fi, imprimante, ordinateur, console de jeux.... Les câbles et les alimentations sont tous très différents, les besoins en courant également et malgré quelques standards qui se sont imposés au fil du temps, il semble impensable le légiférer sur une série de chargeur commun suivant les gammes d'appareils.
Mais quand bien même un accord serait trouvé pour les téléphones, qu'en sera-t-il des chargeurs, justement ? Aujourd'hui, un adaptateur se compose (en gros) d'un câble d'un côté et d'une prise USB alimentée de l'autre (chargeur, hub, ordinateur...). Ce fameux chargeur universel existe donc déjà... à condition d'avoir le fameux câble. Mais ce n'est pas pour autant que les consommateurs arrêtent d'acheter des chargeurs USB, bien au contraire : avec la multiplications des périphériques, il est souvent utile d'en avoir un au bureau, à la maison, sur sa table de nuit... D'autant que leur durée de vie est loin d'être illimitée et que les normes électriques évoluent aussi au rythme des avancées du côté des batteries. Y'a-t-il vraiment aujourd'hui 1 milliard de chargeurs USB dans nos tiroirs ?
Apple en ligne de mire
Finalement, on peut se demander si le but de la commission n'est pas simplement de faire plier Apple, l'éternelle rebelle. Cupertino faisait partie des quelques constructeurs à être farouchement opposé au connecteur universel, alors qu'elle occupe toujours une grande partie du marché des téléphones. Il est vrai que la phase
Dis, t'as pas un chargeur d'iPhone ?est devenue récurrente en entreprise et beaucoup sont agacés de courir après les câbles iPhone dès que la batterie est à plat.
Pourtant (et ça sera ma conclusion), ces dernières années, c'est justement à Apple que l'on doit une certaine stabilisation des connectiques. Cette image (qui a déjà fait le tour du net un millier de fois) met cote à cote les différents connecteurs utilisés par son principal concurrent -Samsung- sur 10 ans. Et franchement, il n'y a pas photo :
Qu'en pensez-vous ?
Et vous, quel est votre avis sur la question ?