Exclu : Luke Wood, CEO de Beats : "Apple nous challenge en permanence !" - Interview
Par Didier Pulicani - Publié le
Propos recueillis par Olivier Frigara
Par rapport au PowerBeats 3, la nouvelle version de votre casque ne se contente pas de couper le fil qui reliait les deux oreillettes ?
J’ai essayé de prendre des ciseaux pour couper le cordon entre les deux oreillettes, mais cela n’a pas marché (rire…) ! En vrai, nous avons complètement revu notre copie, à commencer par le transducteur de nos oreillettes. C’est désormais un modèle à piston et non plus tympanique comme sur les modèles précédents. L’avantage de cette technologie est qu’elle offre un flux d’air plus puissant et plus constant, le tout à travers une chambre acoustique plus petite, ce qui réduit la distorsion. Si vous vous rendez dans un studio d’enregistrement et que vous vous intéressez aux enceintes audiophiles qu’ils utilisent, les Genelec, les Batefoot, les PMC… Elles intègrent toutes des transducteurs à pistons. Chez Beats, nous sommes des fanatiques du son, nous rêvions de proposer cette technologie, mais nous n’avions pas le savoir-faire pour l’intégrer dans un si petit volume, jusqu’à maintenant… Mieux, nous avons pu réduire la taille des oreillettes de 23% et le tout est plus léger de 17%.
Nous travaillons sur les PowerBeats Pro depuis maintenant 3 ans. Il est le fruit du travail de l’expertise et la parfaite complémentarité de nos équipes et de celles d’Apple, depuis que le constructeur nous a rachetés en 2014, tout le monde a travaillé ensemble ! Ce casque a suivi les mêmes étapes de conception et de tests que les produits d’Apple, que ce soit les iPhone, Mac ou iPad.
Vos oreillettes sont intra-auriculaires. C’est une caractéristique indispensable pour obtenir un rendu sonore optimale ?
Oui, c’est un facteur important pour optimiser l’écoute, en offrant un meilleure isolation mais aussi un plus grand confort. Pour celà, si vous comparez les PowerBeats Pro au modèle 3, vous allez vous apercevoir que nous avons complètement revu l’architecture des oreillettes. Elles sont désormais désaxées par rapport au conduit auditif, pour offrir un meilleur maintien dans l’oreille, plus de confort et une meilleure isolation. Cela représente deux ans de recherche et développement pour arriver à ce résultat et je peux vous affirmer que ce sont ces oreillettes intra-auriculaires sont les plus confortables du marché !
Les PowerBeats Pro intègrent également la nouvelle puce H1 d’Apple qui équipe les AirPods 2. Quelles sont ses principaux avantages par rapport à la W1 ?
Comme avec la puce W1, la H1 facilite l'appairage. Les oreillettes sont automatiquement détectées par un appareil sous iOS, si on les approche de ce dernier et une fois appairé, tous les appareils partageant le même compte iCloud sont automatiquement synchronisés. Aussi, désormais, le processus est plus rapide. Mais, la principale avancée par la puce H1 est au registre de la batterie. Grâce à la puce H1, les oreillettes affichent une meilleure autonomie. De plus, dès que vous les retirez de vos oreilles, elles basculent en mode sommeil. Vous les replacez sur les oreilles, elle se réveillent automatiquement… Ainsi optimisée, l’autonomie du casque atteint les 9 heures. Une fois couplé avec son étui de protection qui intègre sa propre batterie, l’autonomie globale du casque est de 24 heures.
Avec l’intégration de la puce H1 dont on ne peut en tirer bénéfice que sous iOS, ne craignez-vous pas de vous fermer le marché des téléphones sous Android ?
Pour un utilisateur Apple, l’usage est super élégant, mais il est important de souligner que les Powerbeats Pro fonctionnent également parfaitement sous la plateforme Android. Le mode de fonctionnement et d’appairage reste le même qu’avec n’importe quel casque bluetooth standard du marché.
Justement, travaillez-vous à une application Android pour tirer parti de la puce H1 comme le propose déjà certain développeur indépendant ?
On pourrait l’imaginer… Qui sait (rire !).
Vous parliez à l’instant du boîtier de protection qui intègre une batterie comme celui des Airpods 2, mais contrairement à celui-ci, le modèle de Beats ne propose pas de fonction de recharge sans-fil, pourquoi ?
Le boîtier se recharge en effet, via une prise Lightning, car nous avons préféré proposer une fonction de recharge rapide. Il suffit de le brancher 5 minutes pour disposer d’une heure trente d’autonomie. Si vous le laissez en charge quinze minutes, elle atteint les quatre heures trente. Cela nous semble une fonction clé pour nos utilisateurs, dont la plupart sont des sportifs. Dans la vraie vie, vous avez toujours votre casque avec vous et au moment d’aller courir, la batterie est toujours vide… Là, vous les branchez 5 minutes et le temps de lacer vos chaussures, vous êtes prêt pour aller courir !
La philosophie des PowerBeats Pro est, à vous entendre, bien différente des oreillettes d’Apple. Ce ne sont donc de simple "AirPods by Beats" ?
Non, les oreillettes sont bien différentes. Mais, les équipes de Beats et d’Apple travaillent si étroitement, que nous avons pu bénéficier des avancées les plus élégantes d’Apple à l’instar de la puce H1. Pour le reste, nous avons nos propres ingénieurs.
Les équipes de Beats ont-elles été associées à Apple à la conception de la puce H1 ?
Oui, cela a été un dialogue constant. Nous avons suivi pas à pas l’avancement et la matérialisation de la puce H1 avec la Silicon Team d’Apple car nous en faisons partie intégrante, au même titre que l’équipe en charge des AirPods ou encore du HomePod.
Il y a un son Beats qui a tendance à valoriser les basses et qui est souvent décrié, c’est votre signature ?
J’adore répondre à cette question (rire !). Quand Jimmy Iovine (Le cofondateur de Beats : NDLR) a commencé à travailler avec John Lennon et qu’il a ensuite rencontré Dr Dré (également cofondateur de Beats : NDLR), de nombreuses années plus tard, le son avait évolué. C’était des périodes différentes, des genres de musiques différents, mais paradoxalement, une chose n’avait pas changé dans les studios d’enregistrements, les casques. Leurs spécifications dataient pour la plupart des années 70. Entre temps, notre industrie a connu la révolution numérique avec les samplers, les boîtes à rythmes, l’enregistrement digital… Tout avait changé sauf les casques! Nous avons voulu changer cela avec Beats et concevoir des casques plus péchu apte à mieux reproduire l’émotion de la musique d’aujourd’hui. Mais, ce n’est pas parce que nous favorisons les basses que nous négligeons les voix, cela a été peut-être une erreur de notre part ne pas l’avoir su l’expliquer… Dré a produit Mary J. Blige, Kendrick Lamar, Eminem, ce sont des chanteurs ! Jimmy a produit, John Lennon, Tom Petty, Patty Smith, Bruce Springsteen, U2, ce sont des chanteurs! Leurs forces, c’est leur voix et leurs paroles et croyez-moi, chez Beats, nous nous soucions avant tout des mots !
L’an dernier lors du lancement su Studio 3 Wireless, vous nous avez dit que vous alliez continuer à investir sur le marché des enceintes, mais nous n’avons pas vraiment vu de nouveaux modèles… Apple ne souhaitait pas que vous concurrenciez le HomePod ?
J’ai une super nouvelle. Quand vous regardez ce nouveau casque (il montre le PowerBeat Pro : NDLR), c’est la matérialisation de la manière dont nous travaillons main dans la main avec Apple et ce dans beaucoup de domaines, la fabrication, l’intégration de la puce H1, le bluetooth (…) et vous pouvez être sûr qu’après cette formidable expérience, nous allons continuer à développer ce modèle à tous notre portefeuille…
Enfin, si nous n’avons pas lancé de nouvelles enceintes, c’est mon problème, ma responsabilité, je pourrais être viré pour cela, mais j’adore la manière dont cette enceinte sonne ! (en montrant une enceinte Beats Pill + posée sur une table basse : NDLR). J’en ai une dans ma chambre, j’aime son rendu sonore, l’autonomie de sa batterie et je suis très heureux de notre enceinte. Maintenant, Si j’aimerais pouvoir l’actionner par la voix, la décliner dans différentes tailles… ? Oui, mais quand nous lancerons ça, ce sera une vraie nouvelle génération à l’image de ce que nous avons fait pour le PowerBeats Pro et ça prend du temps.
Cinq ans après votre rachat par Apple, qu’est-ce qui a le plus changé au sein de Beats ? Qu’est-ce que vous a le plus apporté Apple ?
Ce qui a changé ? Notre capacité à innover ! Nous étions déjà une entreprise technologique mais sans commune mesure avec l’appétit d’innovation d’Apple. Nous apprenons des choses que nous n’aurions jamais imaginé grâce à Apple, elle nous challenge en permanence. Nous disposons de ressources en recherche et développement auxquelles nous n’avions pas accès avant notre rachat. Le développement des puces est un bon exemple. Apple est aujourd’hui en mesure de développer ses propres puces pour l’iPhone, l’iPad, le Mac, tout ce qu’elle appris sur ses processeurs a permis la naissance de la puce H1. Maintenant, quand nous réfléchissons à ce que nous aimerions proposer à l’échelle des 5 prochaines années, nous sommes capables d’en discuter avec la silicon team d’Apple… Vous savez, sans Apple, en tant que compagnie spécialisée dans l’audio, nous n’aurions jamais eu les ressources nécessaires pour concevoir nos propres puces!
Enfin, pour être honnête avec vous, Apple nous a également beaucoup appris au registre de la qualité. Il nous a fallu du temps pour comprendre et assimiler la rigueur d’Apple dans la conception et la fabrication qui accompagne aujourd’hui la genèse de nos produits. Rien, que pour les PowerBeats Pro, nous avons travaillé près de six mois avec l’équipe qualité d’Apple, rien que pour atteindre leur niveau d’exigence en matière de qualité de fabrication. Ils nous disait toujours, “non, non, non !” Alors on répondait “OK !” et on reconstruisait encore et encore !
Vous disposez encore de votre pleine autonomie en terme d'ingénierie et de design?
Oui, nous disposons de nos propres équipes. Pour le design, nous collaborons toujours avec le studio Ammunition basé à San Francisco.
Jimmy Iovine et-il toujours aussi impliqués dans Beats depuis votre rachat par Apple ?
Oui, bien sûr, il est profondément ancré dans l’histoire et la vie de Beats comme la mienne d’ailleurs (rire!). Pour vous en convaincre, prenez mon iPhone, (il montre la liste des appels récents sur l’écran : NDLR) et regardez, rien que pour la journée d’hier, le nombre de fois où j’ai échangé avec Jimmy (rire !) (La liste affiche uniquement le nom de Jimmy Iovine : NDLR). Je lui parle tous les jours et il demeure toujours aussi impliqué dans la vie de Beats.