iPad Pro M2 - Le test 2023

Contrairement à l'iPad 10, les nouveautés semblent un brin faiblardes pour cet iPad Pro M2 2022, en dehors de sa nouvelle puce et de quelques fonctions autour du stylet et du WiFi. Avec un prix en hausse, et de la puissance à revendre, cette tablette est-elle vraiment aussi utile qu'Apple le laisse entendre ? Ne faut-il pas en finir avec les belles promesses ? C'est ce que l'on va tenter de vérifier dans ce test de l'iPad Pro M2 202 !

Un design figé, mais tant mieux !

Par rapport à l'iPad de 2018, seul le bloc photo différencie vraiment les deux tablettes malgré les 4 années d'écart. Et depuis l'arrivée du LIDAR (en 2020), le design parait même totalement figé dans le temps !

Pour les utilisateurs et les acheteurs réguliers de ce modèle, c'est plutôt une bonne nouvelle : vous allez pouvoir réutiliser tous vos accessoires, souvent chèrement acquis. Je suppute tout de même que le Magic Keyboard hérite d'une touche de fonctions supplémentaires, comme ce fut le cas pour l'iPad 10 -il est vraiment étrange qu'Apple n'en ait pas profité pour harmoniser les deux modèles.

Plus étonnant en revanche, l'iPad Pro M2 conserve les tons gris et argentés des versions précédentes : pourquoi ne pas proposer du bleu, du vert ou du violet, comme sur les iPhone Pro ? Face aux iPad 10, qui arborent un design assez voisin, cet iPad Pro parait presque un peu tristoune, vous ne trouvez pas ?

Autre reproche, Apple pourrait tout de même fournir une petite Smart Folio, une coque de protection qui fait aussi office de béquille sur un bureau. Car à plus de 1500 voire même 2000€, la tablette parait bien nue dans son écrin de carton.

L'écran 11" pénalisé

Sur l'iPad Pro M1, Apple a introduit la technologie Mini-LED, capable d'offrir une luminosité jusqu'à 1600 nits et d'afficher des contenus en HDR. Mais ces dalles n'étaient disponibles que sur le modèle 12,9"...

En 2022, l'iPad Pro 11" n'a toujours pas droit au mini LED et reste cantonné à une dalle Retina avec rétroéclairage LED et seulement 600 nits en pleine lumière. L'air de rien, c'est deux fois moins lumineux que sa grande soeur, presque autant qu'un iPad de base, alors que le prix, lui, a plutôt augmenté cette année !

Alors évidemment, le 11" bénéficie toujours du ProMotion, de l'écran laminé et du traitement anti-reflet -contrairement à l'iPad 10 qui n'offre aucune de ces fonctionnalités. Rien de vraiment dramatique, mais Apple n'explique toujours pas ce choix technique, qui semble surtout dû à des soucis de production du mini-LED.

Du sur-place en photo/vidéo

Même design, même écran et mêmes capteurs photo : décidément, les ingénieurs ne se sont pas foulés cette année !

L'iPad Pro est toujours capable de filmer en 4K60FPS, de prendre des photos en 12MP, de réaliser des clichés avec son ultra-grand-angle et même d'utiliser un LIDAR pour scanner des pièces et des objets. Ni la qualité des optiques, ni la largeur des capteurs, ni le nombre d'objectifs n'évolue d'un pouillème, alors qu'Apple a souvent tendance à faire progresser les capacités photos et vidéo très régulièrement.

Ce n'est pas tellement un souci sur une tablette, qui n'a pas vocation à remplacer un appareil photo. Prendre des clichés sur un chantier, faire des scan de documents, réalisés des plans 3D, les possibilités sont déjà nombreuses et avec un niveau de qualité suffisant. Même l'absence de mode nuit n'est pas si gênant car l'iPad possède un flash intégré -contrairement au reste de la gamme. En revanche, on aurait bien aimé une stabilisation optique, qui était pourtant présente il y a quelques années !

En façade, l'ultra-grand-angle est idéal pour la visio, avec sa fonction cadre-centré qui s'élargit si d'autres personne rejoindre le champ. Par contre, on aurait aimé -comme sur l'iPad 10- qu'Apple déplace la caméra en haut de la tablette (en mode paysage), afin de regarder son interlocuteur en face et d'éviter de poser les doigts sur le capteur en pleine conversation. Il semble que cette limitation soit en fait technique : Apple ne serait pas arrivée à combiner la caméra et la zone de charge du stylet -ce qui expliquerait aussi pourquoi l'iPad 10 ne gère pas le Pencil v2.

Une puce M2 plus puissante qu'annoncé !

La puce M2 a été présentée cet été avec les MacBook Air et MacBook Pro M2 et se présente comme une évolution de la puce M1, mais avec une finesse de gravure à 5nm et des fréquences en légère hausse.

Avec ses 4 coeurs rapides et ses 4 coeurs lents, Apple annonce seulement 15% sur la partie CPU. Sur le plan graphique, avec deux coeurs supplémentaires, Cupertino table sur un petit +35%. Mais en réalité, on va le voir plus bas, la Pomme est pour une fois assez pessimiste !

Plus étonnant, la quantité de RAM varie toujours du simple au double en fonction du... stockage. Les iPad Pro M2 de moins de 1To n'ont que 8Go de RAM contre 16 sur les autres ! A l'heure où Stage Manager se limite aux iPad M1 pour des raisons (notamment) de quantité de mémoire (dixit Apple), on se dit que les prochaines évolutions logicielles pourraient être fortement bridées sur cet entrée de gamme alors que le lien entre SSD et RAM parait bien flou.

Reste que parvenir à caser une puce M2 dans une tablette aussi fine et sans ventilation active est une prouesse totalement inédite : aucune concurrente ne propose un Core i9 d'Intel dans un appareil aussi fin !

En pratique, les logiciels de benchs dépassent les estimations d'Apple. Sous GeekBench, par exemple, le CPU affiche 20% de performances supplémentaires (multi-coeurs) et jusqu'à 60% sur la partie GPU (Metal) !

Sous 3DMark, on passe également de 28 à 40FPS en moyenne, sur le test standard. Et sur le bench extrême, on voit bien que la puce M2 maintient ses fréquences beaucoup plus longtemps et avec un palier supérieur, une excellente nouvelle si vous hésitez entre les deux modèles, pour du jeu de la 3D notamment.

De la puissance, mais pour quoi faire ?

Si je vous donne un iPad Pro 2018 et un iPad Pro M2, en dehors de quelques tests spécifiques dans les jeux ou des exports vidéo, je vous mets au défi (vraiment !) de voir une quelconque différence entre ces deux tablettes, malgré un écart d'âge de plus de 4 ans !

Pourtant l'A12X est clairement moins performante que la puce M2, mais encore faut-il pouvoir en profiter. Certes, la grande quantité de RAM évite de relancer certains jeux, grosses applications de montage ou de dessin, et permet d'être un peu plus à l'aise en muli-tâches, mais la perception de ce gain reste marginal. On pourra par exemple ouvrir un peu plus de calques dans ProCreate, reste à savoir si vous parvenez déjà à la limite dans vos projets.

Cette segmentation de gamme est surtout mise en avant par Apple, qui possède une solide expérience dans l'art de brider ses produits, même les plus chers et les plus récents. On l'a vu cet été avec Stage Manager, réservé à la puce M1, alors que les Mac n'ont pas attendu les processeurs d'Apple pour gérer plusieurs écrans et des dizaines de fenêtres par moniteur !

Preuve que cette limitation était largement artificielle, Apple a finalement offert Stage Manager aux anciennes tablettes professionnelles, tout en limitant le nombre d'applications et en bridant l'usage sur les écrans externes.

Un iPad pour remplacer une RED ?

Alors qu'Apple ne propose toujours pas Final Cut Pro sur ses tablette ni d'applications de prise de vue réellement performantes, façon Filmic Pro, la firme prétend cette année que l'iPad Pro pourrait envahir les plateaux de tournages.

Sur le papier, pourquoi pas : avec un écran écran de contrôle et des capteurs de bonne qualité, l'iPad Pro pourrait profiter de sa puissance de calcul et de son efficience pour s'imposer sur certains tournages où les grosses caméras sont parfois difficiles à manipuler.

Avec la puce M2, l'iPad Pro s'offre d'ailleurs l'exclusivité de l'enregistrement vidéo ProRes jusqu’à 4K à 30 i/s (1080p à 30 i/s pour 128 Go de capacité) avec un moteur d’encodage et de décodage ProRes et ProRes RAW. Ne rigolez pas, même de gros boitiers professionnels n'en offrent pas autant pour des prix deux à dix fois celui d'un iPad Pro !

Mais en pratique, ce n'est pas forcément très utile. Déjà, le stockage de l'iPad est limité à 2To, de quoi permettre (iPad vide) au maximum 3H d'enregistrement par session en ProRes RAW -autrement dit, il faudra dérusher régulièrement, l'iPad n'embarquant aucun système de stockage amovible. D'ailleurs, la gestion des SSD et des supports externes reste assez limitée via l'unique port Thunderbolt et une gestion logicielle un peu hasardeuse -il est difficile d'enregistrer de la vidéo directement sur un SSD externe, par exemple, sans parler des problématiques de support.

Alors certes, il est possible de faire du montage avec LumaFusion, Premiere Rush et quelques programmes bien développés. Mais qui de Final Cut Pro ? Et de tous ses plug-ins ? Apple se gargarise de voir arriver DaVinci Resolve sur iPad, et l'on connait tout le sérieux de l'éditeur qui devrait proposer une solution professionnelle (enfin !) pour la tablette. Mais en pratique, est-ce vraiment pertinent ? Qui va lâcher son MacBook Pro (dont le tarif est assez voisin) pour une tablette avec un seul port externe, des capacités limitées en terme de périphériques, d'écrans externe, de puissance CPU/GPU...

Bref, les quelques vidéastes avec qui j'ai pu échanger étaient plutôt amusés (mais pas désintéressés) de voir l'image ci-dessus : la jeune femme a placé un iPad Pro M2 dans une cage afin de pouvoir filmer sur un plateau de tournage... avec un tel niveau d'équipements, d'équipes techniques et de moyens financiers, à quoi bon utiliser une tablette à la place d'une grosse caméra de cinéma ? Ce n'est ni l'encombrement, ni la qualité des capteurs ou du codec utilisé ici qui va faire la différence, pas plus que les capacités de montage sur le terrain. Evidemment, il s'agit d'un coup marketing pour l'instant, mais rien ne dit que d'ici quelques années, ce qu'on trouvait un peu hors-sol ne devienne parfois la norme -comme les iPhone qui filment désormais pour la télévision.

Un stylet qui survole les interfaces

Les développeurs web connaissent bien le rollover, cette technique qui permet de changer l'apparence des icônes, liens et menus si la souris survole (sans cliquer) certains éléments.

Apple a répliqué cette fonction avec son Pencil (v2) : si vous approchez la pointe de l'iPad jusqu'à 11mm, certaines icônes vont pouvoir réagir. Sur le web, la fonction rollover est justement prise en compte, ce qui permet de ne pas demander aux webmasters de tout recoder de leur côté.

Pour le reste, les apps de l'écran d'accueil grossissent légèrement lorsqu'on approche la mine, les pointes de Notes s'illuminent en fonction du pinceau ou de la couleur sélectionnée. Enfin, certains éditeurs proposent une petite prévisualisation des outils mais l'implémentation reste encore légère -on verra ces prochains mois si les développeurs s'y intéressent vraiment, car le marché sera encore bien limité.

Enfin du WiFi 6E !

La connectivité est très disparate en fonction des produits Apple : le dernier MacBook Air M2 ne bénéficie ni de WiFi 6E ni de Bluetooth 5.3, alors que l'iPad Pro M2 en profilte seulement quelques mois plus tard.

Le Bluetooth 5.3 apporte quand-même un nouveau codec, des améliorations sur la consommation et même de l'appairage facilité pour plusieurs appareils simultanés. Si vous avez les derniers AirPods Pro, vous pourrez donc gagner quelques minutes d'autonomie sur votre iPad Pro M2 et bénéficier d'une meilleure qualité audio -même si tout ceci n'est pas réellement transparent dans le monde Apple.

Les atouts du WiFi 6E sont déjà plus facilement perceptibles, à supposer que vous soyez équipés du matériel adéquat. Ce nouveau standard permet de bénéficier d'une bande de fréquence supplémentaires (sur les 6Ghz) et de faire grimper les débits de façon substantielles, à condition d'être pas trop éloigné de la borne -ce qui est souvent le cas dans les petits appartements parisiens.

N'hésitez d'ailleurs pas à revoir notre vidéo dédiée au WiFi 6E et qui vous explique tous les enjeux de cette nouvelle connectivité :




Pour un premier test in-situ, j'ai tenté un transfert de fichier de 10Go via AirDrop entre deux iPad Pro M2, et entre deux iPad 10 (WiFi 6). Le résultat ne s'est pas fait attendre :

Evidemment, devant ce résultat inattendu (on aurait dû observer tout le contraire), j'ai tenté plusieurs fois de réitérer l'opération, sans grand succès. S'agit-il d'un bug ? Difficile à dire, d'autant que très peu de mes confrères semblent avoir réalisé l'opération.

Devant cet échec cuisant, et étant donné le peu d'appareils Apple compatibles WiFi 6E (aucun autre, en réalité), j'ai installé un serveur web sur mon MacBook Pro M1 Max, que j'ai connecté en filaire (Ethernet Gigabit) à nos bornes Orbi WiFi 6E. Ensuite, j'ai téléchargé mon fichier de 10Go en WiFi 6E avec l'iPad 10 et l'iPad Pro M2 et comparé les temps de download :

En pratique, cela permet de grimper à plus de 100Mo/s (même 120Mo/s ici, le maximum de l'Ehternet Gigabit de mon Mac), contre 60 à 80Mo/s pour le WiFi 6. Evidemment, il faut des bornes WiFi 6E et de la fibre optique derrière, mais ce genre d'équipement sera le standard

Les manques

Qu'Apple peut-elle améliorer sur sa tablette ? La charge rapide, sans aucun doute ! 2H30 pour charger sa tablette, c'est long, très long, surtout si vous avez oublié de la brancher la nuit et que vous devez voyager le matin...

Par ailleurs, l'autonomie de l'iPad Pro M2 reste assez moyenne : si vous travaillez toute la journée sur la tablette, il faudra la brancher ou la charger a minima une ou deux fois -surtout si vous dessinez ou branchez des périphériques externes.

Enfin, dernière requête (mais je rêve un peu), pourquoi Apple n'implémente pas de double-boot ? En clair, pouvoir choisir entre iPadOS et macOS, au moins en attendant que les applications professionnelles se généralisent et qu'iPadOS propose une gestion des écrans, des fenêtres et des périphériques comparable à ce qui a été accompli sur Mac ces 40 dernières années.

Qui a besoin d'un iPad Pro M2 ?

Puissante, bien équipée, avec son écran XDR, son Magic Keyboard, Face ID, le ProMotion, la gestion avancée du stylet, cet iPad Pro M2 n'a tout simplement pas de concurrence, surtout à ce niveau de performances.

Pour autant, qui a réellement besoin de cette version M2 ? Dit autrement, au delà de quelques niches (professionnels de la vidéo, utilisateurs avancés de Stage Manager), une version M1 ne devrait pas générer de réelle frustration, du moins à court/moyen terme. Et même un iPad Pro de 2018 n'est pas tant éloigné en terme de fonctionnalités, surtout sur la version 11" qui ne bénéficie pas de l'écran mini-LED.

Et c'est bien là le problème de l'iPad face au Mac : si l'on pousse facilement un MacBook Air M2 dans ses limites (il suffit de lancer une app de montage audio, vidéo ou une plateforme de programmation (IDE) comme Unity), l'opération est bien plus complexe sur un iPad Pro, qui ne bénéficie pas réellement de logiciels comparables. Les choses évoluent avec Photoshop, Affinity, ProCreate, Pixelmator et bien-sûr DaVinci, mais la liste reste courte et les usages de ces programmes ne changent pas radicalement (pour l'instant) entre un A12X et une puce M2. Je fais par exemple très bien tourner la suite Affinity sur mon iPad 10 !

Alors oui, sur le papier et sur le plan hardware, l'iPad Pro impressionne. Mais qu'il est difficile de justifier le prix demandé par Apple face à un MacBook Pro, en dehors d'un usage très stylet et d'une puissance de calcul élevé -des cas d'usage sommes toutes rarissimes.

Des prix stratosphériques

Avec des tarifs démarrant à 1069€ et 1469€ en 128Go pour les modèles de 11 et 12,9", il faudra débourser au moins 100€ de plus pour une capacité convenable (256Go) et encore quelques centaines d'euros pour un clavier, un stylet et des housses de protection.

Faites le calcul, on dépasse rapidement le prix d'un MacBook Air et même de certains MacBook Pro, alors même que ces machines sont plus puissantes, souvent plus polyvalentes alors même qu'Apple tente de nous pousser à faire la bascule vers l'iPad, notamment sur le segment vidéo.

Les plus raisonnables préféreront donc s'orienter vers une gamme précédente ou carrément de l'occasion, ou du reconditionné. En attendant que les prix baissent (c'est déjà le cas et attendez aussi la fin de l'année), et à moins de disposer d'un budget conséquent, mieux vaut donc... éviter temporairement cette génération.