Test de l'iPad 6
Par Didier Pulicani - Publié le
Mais avant de rentrer dans le vif du sujet, je vous propose de voir (ou de revoir) notre vidéo de prise en main, qui résume assez bien les atouts (et les points faibles) de cet iPad cuvée 2018 !
Ce que veulent les acheteurs d'iPad
L'iPad a connu une carrière plutôt difficile. Après sa présentation par Steve Jobs en 2010, beaucoup se demandaient à l'époque à quoi ce
gros iPod Touchpourrait bien servir. Mais la tablette s'est finalement bien vendue, et Apple n'a cessé de lui apporter quantité d'améliorations, avec plus de puissance, un meilleur écran, une coque plus fine et même des capacités de plus en plus proches de celles des ordinateurs de bureau, avec la gamme
Pro. Encouragées par un bon départ, les ventes se sont pourtant tassées par la suite, la prophétie de l'ère
Post-PCne s'étant apparemment pas tout à fait déroulée comme prévu. Il aura fallu attendre la fin 2017 pour que l'iPad retrouve des couleurs, mais l'on est encore loin de la croissance quasi continue de l'iPhone durant 10 ans !
Le problème de l'iPad, c'est qu'il n'a pas tant besoin d'évoluer. Certains utilisent encore des iPad 3 ou des iPad mini 2 sans trop de problème, ces modèles pourtant vieillots étant encore suffisants pour surfer sur le net, regarder des films et jouer à quelques jeux devant la TV. L'iPad souffre du même mal que le MacBook Air : le produit se suffit à lui-même pour quantité d'applications basiques, et l'on ne lui demande pas de faire sa révolution chaque année, juste que les prix baissent. Apple semble avoir enfin entendu son public, qui se rabattait jusque là sur de vieux modèles, devenus au fil du temps un peu poussifs.
Cette nouvelle gamme d'iPad
standarddevrait donc satisfaire le grand public et Apple va certainement en écouler des palettes. Que les nouveautés soient maigres, que son design soit vieillot, tout cela importe peu : la seule chose qui compte, c'est qu'on peut s'acheter un iPad tout neuf pour 359€ !
Un design bloqué en 2013
Après une telle tirade, il serait bien mal venu de râler face à un design qui date de plus de 5 ans, n'est-ce pas ? Emprunté à l'iPad Air 1, difficile pourtant de ne pas voir l'épaisseur supplémentaire face à un iPad Air 2 !
Heureusement, les couleurs -comme ici en doré- restent assez modernes, l'aluminium ne vieillit pas trop, et le poids -450g- est contenu. En main, le produit capte encore l'attention, malgré son form-factor un peu pataud.
Pour faire baisser le prix, il a donc fallu trouver des compromis, bien que certains éléments paraissent quand-même assez datés, comme cet écran non-laminé qui n'a même pas droit à un petit traitement anti-reflet ! Si l'on possède un iPad Air 2, c'est un vrai retour en arrière, alors même que l'iPad 6 apporte pourtant certaines nouveautés intéressantes pour ces propriétaires, qui auraient bien aimé renouveler leur matériel cette année.
L'iPad 6, c'est un peu la Dacia Logan des tablettes : on en a pour son argent, mais elle arrive en bout de cycle. On aurait préféré qu'Apple s'inspire du nouveau Duster (pour rester dans mon analogie automobile), avec un design plus moderne, un petit effort sur l'équipement, mais sans chichis et avec un prix inchangé. Peut-être pour l'année prochaine, qui sait ?
Un mini iPad Pro ?
En sus de la puce A10, la principale nouveauté de ce modèle, c'est bien-sûr la prise en charge de l'Apple Pencil grâce à une couche tactile supplémentaire et surtout plus précise, permettant de dessiner avec un stylet.
A ce tarif, c'est inédit, et les amateurs de dessins peuvent enfin s'offrir un iPad Pro
minisans casser leur PEL. Apple s'est contentée d'intégrer les technologies de l'iPad Pro de 2015 -toujours en vente sur le Refurb- ce qui est plutôt généreux à ce segment de prix.
Pourtant, en y regardant de plus près, la firme de Cupertino nous a fait une sorte de cadeau empoisonné. Tout d'abord, le Pencil est toujours aussi cher (100€) et le
Crayonde Logitech vendu moitié prix aux USA, n'arrivera pas tout de suite chez nous (Logitech nous l'a confirmé à l'issue de la keynote). La facture grimpe donc à 449€ si l'on souhaite réellement dessiner sur la tablette. Autre pingrerie, le modèle d'entrée de gamme affiche seulement 32Go d'espace, ce qui est assez faible pour réellement exploiter la tablette. Durant la seule première journée de test, nous avons déjà installé 2/3 programmes (ProCreate, Sketch, Fortnite...) et la moitié de l'espace était déjà utilisé !
Finalement, pour réellement s'épanouir sur le plan créatif, il conviendra de prendre le modèle de 128Go, ce qui fait alors grimper la facture à 449€, et même 548€ avec l'Apple Pencil ! A ce prix là, on commence à trouver de vrais iPad Pro sur le Refurb...
Avec l'iPad 6, Apple nous offre un cahier de 10 pages en papier recyclé, sur lequel on ne peut écrire qu'avec un Mont-Blanca lancé ma collègue à l'issue de la keynote, elle qui utilise quotidiennement son iPad Pro 10,5" pour dessiner.
Autre déconvenue, l'écran n'est pas laminé. Vous l'avez vu dans la vidéo, l'absence de fusion des couches est assez gênante, car le trait n'apparait pas directement sous la pointe du stylet, mais un bon millimètre en dessous. Evidemment, ce n'est pas dramatique pour de petits croquis ou pour annoter un schéma, mais si vous souhaitez réellement dessiner avec précision ou même écrire de façon manuscrite, il faudra compter un temps d'adaptation pour compenser le décalage. Bref, c'est un joli retour en arrière par rapport à l'iPad Pro, et si vous êtes réellement tentés de vous mettre au dessin sur tablette, j'aurais tendance à vous conseiller un iPad Pro 2015 dont les tarifs ont fondu sur le Refurb et qui possède un écran laminé -ainsi qu'un meilleur appareil photo et une dalle de plus grande qualité.
Mais tout n'est pas à jeter sur cet iPad 6, loin de là ! Par exemple, la latence est plutôt convenable, tout à fait au niveau d'un iPad Pro de première génération. C'est une excellente surprise, notamment sur des apps simples (prise de notes, retouches de captures d'écran...) où les types de brosses sont assez basiques et où il n'y a pas de calques ou d'éléments complexes à afficher. Avec des programmes plus élaborés, mais bien optimisés comme Procreate, on sent déjà que ça rame un peu plus, mais ça reste exploitable. Evidemment, avec beaucoup de calques et des brosses, nous ne sommes pas au niveau d'un iPad Pro 2017, mais rien de rédhibitoire in fine pour du dessin amateur. Avec des apps codées avec les orteils (comme Tayasui Sketches) ou très gourmandes comme Astropad Standard -qui permet d'afficher l'écran de son Mac sur l'iPad- le dernier iPad Pro se montre nettement plus véloce, grâce à une puce deux fois plus puissante.
Enfin, énorme avantage des derniers iPad Pro (2017), la technologie ProMotion offre un affichage plus rapide, avec un rafraichissement jusqu'à120Hz, contre seulement 60Hz sur l'iPad 6 ou l'iPad Pro de première génération. Cela a un effet direct sur la latence ressentie à l'écran, avec une sensation que le trait du stylet arrive un peu en retard. 60 images par seconde, c'est déjà beaucoup, mais pendant une seconde à dessiner, on touche en réalité des centaines de pixels et même les 120Hz ne sont donc pas forcément suffisants pour obtenir une impression proche de celle du trait du crayon sur le papier.
Sans être au niveau d'un iPad Pro 10,5", l'iPad 6 reste donc très agréable à utiliser avec un stylet et l'on peut aisément en faire un petit carnet à dessins. Son positionnement autour de l'éducation est intéressant, car il est utile de pouvoir annoter ou griffonner sur ses documents (exposés, photos...). Même pour du montage vidéo ou de la retouche photo, la précision du stylet apporte une réelle plus-value par rapport au doigt.
Autonomie en baisse !
C'est LA mauvaises surprise de cette année : avec l'iPad 6, on a perdu une bonne demi-heure dans le test le plus exigeant, avec 4,5H en utilisation intensive, luminosité à fond, contre 5H sur l'iPad 5. En minimisant l'utilisation de l'écran et du CPU, on perd cette fois presque 6H (!), ce qui est assez énorme d'une génération à l'autre.
Pourtant, la batterie a la même capacité (32,4Wh) que l'iPad 5, mais sa puce semble un peu plus gourmande, un appétit sans doute renforcé par la prise en charge du stylet. Sur une journée de cours (par exemple), cela peut représenter 1 à 2H supplémentaires, celles qui évitaient de prendre un chargeur !
Malgré tout, l'iPad reste un vrai chameau, et l'on tiendra aisément la journée avec un usage modéré, en faisant des compromis sur la luminosité et la connexion au réseau. Comparé à un ordinateur comme le MacBook, l'autonomie reste en faveur des tablettes, même si avec un MacBook Air 13" (non retina, donc), l'écart se resserre.
Pour le reste, un "simple" iPad 5, mais plus puissant !
Dire que l'iPad 6 est un iPad 5 avec un stylet et une puce A10 n'est pas une contre-vérité. L'arrivée du processeur de l'iPhone 7 permet d'améliorer sensiblement les performances, avec une vitesse doublée en mono-tâche et un gain de 30% en multi-coeur par rapport à l'iPad 5. L'écart se creuse même très nettement comparé à un iPad Air 2, qui devient de plus en plus poussif sur certains jeux et applications gourmandes :
Apple évoquait, durant la keynote, l'exemple de la réalité augmentée, très en vogue dans l'éducation, mais qui nécessite une bonne puissance de calcul. Ici, la puce A10 se montre largement capable, et beaucoup plus pérenne que celle de l'iPad 5. Pour avoir lancé quelques apps durant nos tests, il est clair que la tablette offre une parfaite fluidité, y compris avec des rendus très complexes utilisant ARKit, là où les modèles précédents se montrent beaucoup moins véloces, voire parfois même incapables de gérer correctement le positionnement dans l'espace.
Je ne vais pas vous refaire ici le test de la génération 2017 (à lire ici), car nous avons exactement la même fiche technique :
- mêmes capacités (32Go/128Go)
- appareil photo 8MP ƒ2.4
- caméra frontale 1.2MP ƒ2.2
- vidéo 1080p30
- WiFi AC/Bluetooth 4.2
- Touch ID v1
Apple est toujours aussi chiche sur les accessoires, il n'y a que le strict minimum. Même pas un petit chargeur USB C, pourtant si pratique si l'on a un portable récent !
Certains composants font malgré tout un peu datés, notamment au niveau des capacités photo/vidéo, où l'on aurait apprécié un capteur de 12MP, de la vidéo 1080p60 ou 4kp30... Apple a préféré piocher dans le capteur de l'iPhone 6 plutôt que dans celui de l'iPhone SE, un peu dommage en 2018. La tablette vise d'ailleurs les milieux éducatifs, où l'usage de l'appareil en guise de scanner ou même de petite caméra vidéo, prend ton son sens pour éveiller son univers créatif.
Pour autant, l'iPad 6 ne souffre pas de défaut majeur, la tablette prend en charge toute la connectivité moderne à l'exception de la NFC ou encore du bluetooth 5, mais rien de vraiment rédhibitoire à l'usage.
iPad 6 : enfin un bon compromis tarifaire ?
Avec ce modèle, Apple a réussi un compromis intelligent, en permettant de conserver un prix plancher tout en proposant des caractéristiques techniques acceptables. A 359€, on repart avec une tablette neuve, embarquant une puce A10, la gestion de l'Apple Pencil et des composants pas trop vieillots.
On peut en revanche se montrer plus critique dès que l'on viendra taper dans le catalogue d'options ou des accessoires. Le simple passage à 128Go avec un Pencil -le minimum pour dessiner confortablement- fait immédiatement grimper la facture à plus de 500€. A ce tarif, difficile de justifier un écran non laminé, un capteur photo/vidéo de 2014 et un boitier de 2013. Pourquoi ne pas avoir un palier de 64Go à prix raisonnable ? On retrouve cette frustration autour de la segmentation sur de nombreux produits modernes, comme l'iMac Pro ou le MacBook Pro Retina, dont les prix s'envolent dès que l'on rajoute le moindre équipement que beaucoup juge pourtant indispensable.
Finalement, le rapport qualité/prix de notre i'Pad 6 est excellent... si l'on se contente de la version 32Go. Au delà, c'est beaucoup plus discutable.
Conseils d'achat : iPad Pro ? iPad 5 ?
• Si vous avez un vieil iPad (mini 2/3, iPad Air 1, iPad 3...) et que vous ne changez pas souvent votre tablette, alors cet iPad 6 offre un rapport qualité/prix idéal pour un usage basique (surf, mails, photos, films...). Il restera suffisamment puissant pour durer dans le temps, et assez robuste pour ne pas lâcher à la moindre chute. Son écran non laminé permettra même de faire réparer la vitre à moindre frais. Notre conseil : prenez plutôt la version 128Go si vous avez besoin de stocker des données localement (musique, films, jeux), et n'oubliez pas que la différence de prix sera en partie compensée au moment de la revente (plus personne ne voudra d'un iPad de 32Go d'ici 4 ou 5 ans !)
• Si votre budget est plus limité et que vos usages restent basiques, pourquoi ne pas opter pour un iPad 5 ? L'entrée de gamme démarre à 289€ et pour le prix d'un iPad 6 32Go, vous pourrez vous payer un iPad 5 de 128Go ! Evidemment, la génération 2017 sera un peu moins durable, la faute à une puce A9 déjà vieillissante.
• Enfin, si vous aimez dessiner, le choix est bien plus cornélien. Avec le prix du Pencil et le passage à 128Go de l'iPad 6, vous pouvez vous payez un iPad Pro 9,7" (2016), dont l'écran est bien meilleur (laminé, TrueTone), le capteur plus performant (12MP, 4k), mais à ce prix, il n'offre que 32Go et pas d'Apple Pencil. S'il s'agit de griffonner ponctuellement ou d'annoter des exposés, l'iPad 6 se montre bien suffisant, et plutôt compétitif.
Mais si vous êtes un grand fan de dessin au budget plus limité, je vous conseille vraiment un iPad Pro de 2016, quitte à économiser encore quelques mois. Evidemment, rien ne vaut actuellement le modèle de 10,5", mais même sur le Refurb, son tarif reste élevé : 629€ pour 64Go. Pour les vrais amateurs de dessin, la question ne se pose même pas, cette tablette est tout simplement ce qui se fait de mieux sur le segment iOS.