Bien avant la voiture électrique, Mac4Ever s'intéressait déjà à la connectivité dans les véhicules, on se rappelle notamment de la première intégration de l'iPod chez Mini en 2008 (à Apple Expo !) ou encore de l'arrivée de CarPlay 1.0 chez Volvo en 2014 au Salon de Genève.
Entre Apple et la voiture, c'est même un feuilleton de longue date. Steve Jobs a toujours été grand fan de Porsche dans les années 80/90, puis de Mercedes dans les années 2000, les VP actuels sont souvent dans les paddocks de grands événements (F1, Nascar...); et même Tim Cook serait (parait-il) assez fan de Rivian ! Je serais même tenté de dire qu'à Cupertino, il y a une meilleure culture bagnole que jeux vidéo... ce qui est d'ailleurs paradoxale -Apple n'a pas de voiture, mais un gros potentiel ludique avec les derniers Mac, iPhone et même le Vision Pro.
Apple Car, le plus gros raté de Tim Cook
Après une décennie de CarPlay, l'arrivée d'une Apple Car électrique dans les années 2020 semblait la suite logique de ce qu'on avait vécu dans la téléphonie : les portables d'hier sont aux voitures thermiques ce que les smartphones d'aujourd'hui sont aux voitures électriques. Apple aurait pu rejouer sa partition de la même façon, en s'appuyant sur un partenaire industriel (Foxconn ou un constructeur lambda), et en mettant l'accent sur ce qu'elle sait faire de mieux : le design, le logiciel et l'intégration hardware/software. Xiaomi a prouvé que c'était possible avec sa SU7, mise au point en quelques années seulement et qui cartonne en Chine.
Même si l'annonce a largement transpiré dans les médias, l'abandon du projet de voiture électrique est loin d'être anodin pour Apple, que ce soit sur le plan financier ou humain -on parle de milliers d'ingénieurs et de dizaines de milliards de dollars mobilisés... pour rien ! En interne, la décision a du bien secouer l'entreprise, qui avait recruté des pointures de l'industrie auto, qui a fait circuler des véhicules autonomes en Californie pendant des années et qui devait avoir déjà en interne quelques prototypes de véhicules à un stade bien avancé -on les découvrira peut-être sur eBay un jour !
Que l'Apple Car ait accouché d'une solution de taxis autonomes, d'une simple berline électrique connectée ou même d'une architecture vendue à d'autres constructeurs, elle aurait eu sa place sur un marché en pleine révolution. Or le manque de vision de Tim Cook semble avoir eu raison des investissement colossaux nécessaires à l'aboutissement d'un tel projet : contrairement à l'Apple Watch ou même le Vision Pro, Cook ne peut pas essayer et attendre de voir quel segment de marché va remporter la mise : il faut une vraie vision, et cette difficulté à trancher pousse aujourd'hui Apple... à donner l'impression d'être à la traîne ou de rater totalement certains marchés.
Où est CarPlay 2.0 ?
Seul rescapé apparent de cette Apple Car avortée : le système intégré développé pour le véhicule a été rebaptisé CarPlay 2.0 et dévoilé à la WWDC 2022.
Comme je vous l'avais présenté en détail, il s'agit d'un OS un peu hybride, dont une grande partie serait exécuté sur l'iPhone (comme CarPlay actuel), mais avec des spécificités pour chaque constructeur/véhicule, ainsi qu'un petit noyau local pour pallier une défaillance de l'iPhone, décidément très sollicité.
Comme on pouvait s'y attendre, le premier janvier approche et Apple n'a toujours rien sorti, malgré les promesses d'une présentation avant la fin 2024. Selon nos sources, aucun des partenaires de l'opération (Porsche et Aston Martin) ne serait réellement prêt à dévoiler sa propre intégration. D'ailleurs, aucune voiture vendue à ce jour n'est encore compatible avec CarPlay 2.0 qui ne sortira pas réellement avant plusieurs années, car il faut du hardware spécifique et les équipes ont besoin de travailler de concert avec Apple, ce qui n'est jamais simple.
Pour tout vous dire, j'ai même quelques doutes quant aux choix techniques d'Apple... Faire tourner un OS de voiture sur un smartphone en WiFi... et demander aux constructeurs de développer un second OS pour ceux qui n'ont pas d'iPhone (ce qui oblige Apple a aider les constructeurs pour créer les interfaces)... En voilà un pari risqué... et coûteux ! Alors qu'il aurait été bien plus simple de mimer Android Automotive et de développer une vraie plateforme logicielle que n'importe quel constructeur pourrait intégrer à sa sauce dans leurs voitures.
Pendant ce temps là, Android avance... en Chine !
Depuis le premier Android Automotive que l'on avait découvert sur la Polestar 2 il y a plus de 3 ans, de l'eau a coulé sous les ponts... et pas qu'un peu !
Au début, beaucoup se sont contentés d'adopter tel quel l'OS de Google, avec tous les services associés (PlayStore, Google Maps, Google Assistant...). C'est ce que l'on retrouve principalement chez Volvo et Polestar, qui ont mis assez peu d'énergie à peaufiner l'intégration, quitte à essuyer de nombreux retards et bugs au lancement, sur les implémentations spécifiques à la voiture, faute d'effectifs suffisants.
En Europe, on a enfin compris qu'il fallait une base Android (c'est déjà le cas dans les derniers OS de Stellantis, Volkswagen ou même BMW), mais l'investissement est encore timide : les écrans sont petits, mal fichus et les applications maison arrivent au compte-goutte et sont beaucoup moins abouties. On en est encore à se réjouir de voir YouTube ou Spotify en natif sur un Q6 à plus de 100 000€, alors que pendant ce temps là, XPeng offre toutes les apps de streaming (y compris AppleTV+ !) sur une double dalle de 15", des jeux, un studio make-up, et même des écrans pour toute la famille avec chacun son environnement ! Il n'y a finalement que Renault qui avance intelligemment (on l'a vu avec la R5, le Scenic et la Megane) ou encore Volkswagen qui s'est marié avec la plateforme de Rivian, fonctionnant elle-aussi sous Android, mais avec une intégration hardware/software aussi poussée que chez Tesla.
Chez les chinois, c'est tout l'inverse de l'Europe : vous l'avez vu récemment chez XPeng ou encore chez BYD, la plupart des OS locaux ont repris une base d'Android Automotive mais sans les services de Google, pour venir implanter leur surcouche à la Tesla. Et ça marche ! On y retrouve souvent de grands écrans de 15 à 16", des widgets, des animations 3D dignes des jeux vidéos, des applications stables et réactives et même des GPS sortis de nulle part, dépassant de loin ce que proposent des marques comme BMW ou Mercedes, pourtant présents sur le marché depuis des années. Le système de BYD donne par exemple un sérieux coup de vieux aux écrans d'un 3008 pourtant directement concurrent : on a l'impression que l'Europe sous-estime largement le sujet !
Apple a-t-elle encore une carte à jouer ?
La voiture est souvent perçue comme une extension de son domicile, qu'elle soit privée ou partagée : on veut retrouver l'expérience de son salon, surtout avec l'arrivée des véhicules 100% autonomes où l'on n'aura plus besoin de conduire 100% du temps.
Apple a donc encore une carte à jouer dans la mesure où son écosystème se marie parfaitement avec les transports : écouter Apple Music, regarder AppleTV+, acheter des produits avec ApplePay (péages, stations service, restauration), sans parler de la domotique : on aimerait aujourd'hui pouvoir arriver à la maison, que son portail HomeKit s'ouvre automatiquement (et se referme), que la voiture se connecte à son WiFI pour télécharger ses mises à jour et ses applications, qu'elle se recharge quand le courant est le moins cher... ou lorsque mes panneaux solaires produisent trop d'électricité. Ces fonctions arrivent parfois dans CarPlay (comme l'ouverture du garage ou l'intégration des tarifs d'électricité), mais ça reste ultra-limité ou réservé aux USA.
Avec Apple Intelligence, on pourrait aussi optimiser ou suggérer des itinéraires via Apple Maps, proposer des trajets touristiques pour visiter certaines région. J'adorerai aussi que l'IA me permette de travailler efficacement lorsqu'on est au volant ou en train de charger la voiture, en utilisant par ailleurs l'écran de la voiture comme un Mac ou un iPad -ou même en AirPlay ! Aujourd'hui, ces deux monde ne se parlent pas assez et c'est bien dommage !
Au lieu d'être au coeur de cette révolution numérique, Apple n'arrive dans la voiture plus que par la petite porte, comme un simple éditeur : Apple Music, AppleTV+... un peu de bluetooth pour la téléphonie et les messages. CarPlay vit ses dernières années chez les constructeurs qui n'ont pas réussi à proposer un OS suffisamment moderne, et on le voit chez Tesla, XPeng et autres BYD : une fois que vous avez Apple Music, un bon GPS et quelques apps de streaming, CarPlay n'a plus grand intérêt.
Alors, Apple peut-elle encore revenir dans la course et transformer notre expérience numérique dans la voiture ? Dites-moi ce que vous en pensez en commentaire !
