Les investissements massifs dans le domaine de l’IA se multiplient avec des valeurs records. Cependant, on peut se demander si nous ne sommes pas au centre d’une bulle spéculative qui nous rappelle la bulle internet. Est-ce vraiment le cas ?
Des bots qui faussent le débat
Commençons par un fait inquiétant : le web, et Internet en général, est rempli de bots. On estime que 50% du trafic sur Internet est généré par des programmes. Bien entendu, les bots peuvent être utiles, mais certains ne le sont pas. 20% des bots sont des mauvais bots : par exemple, ils peuvent être créés afin de générer des clics et des vues pour gonfler des statistiques de services. Alors, des entreprises paient pour que des bots voient leurs publicités et cliquent sur leurs liens et cela met en danger toute l’économie autour du web et d’internet.
En effet, les investisseurs se basent en grande partie sur ce genre de données pour décider d’investir ou non. Or, si ces données, comme le nombre de créations de comptes ou le nombre de téléchargements d’une application, sont générées en majorité par des bots, cela n’a plus de sens.
Ainsi, l’inflation du trafic généré principalement par les bots nourrit les investissements dans le milieu de la technologie, et, ironie du sort, principalement vers l’IA qui permet la création de ces mêmes bots. Les investisseurs voient une augmentation du trafic, de l’engagement, des vues, des clics, alors ils investissent. Investissement qui va nourrir l’augmentation de toutes les statistiques grâce à des bots, et cela continue.
Malgré la promulgation d’un certain nombre de lois aux USA, et ailleurs, pour mieux encadrer les IA, ce n’est pas suffisant. Nous sommes en pleine réalisation de la théorie du Dead Internet où la majorité des échanges en ligne se font entre agents automatisés.
Une bulle qui rappelle quelque chose
Mais avant d’aller plus loin dans l’analyse, faisons un petit rappel historique d’une autre bulle spéculative dans le milieu de la technologie : la bulle internet de la fin des années 90. À l’époque, tout le monde investissait dans des start-up. À partir du moment où elles avaient une adresse se finissant en .com (aux USA, on appelle cette bulle la dotcom bubble), elles récupéraient des financements. Qu’importe leur business plan inexistant, qu’importe qu’elles ne pouvaient pas gagner d’argent sur le court ou moyen terme, ce qui comptait c’était les statistiques, les données. Avoir beaucoup de vues, de clics et de créations de comptes, c'était l’objectif unique, et la sagesse des investisseurs disait que l’argent viendra naturellement après.
Spoiler alert : ce ne sera pas le cas. La bulle internet explose en mars 2000.
Explosion bulle internet
Il y a plusieurs raisons à cela. La première est une suite d'augmentations des taux de la banque centrale américaine entre 1999 et 2000 rendant les investissements spéculatifs moins attractifs. Deuxièmement, le Japon a fait face à une récession en mars 2000 faisant peur à tout le monde, limitant la volonté de prendre des risques financiers.
Enfin, la réalité a rattrapé le milieu. La plupart des entreprises du web n’avaient pas de business plan solide. Elles avaient une grosse évaluation mais sans aucun revenu ni même projection de revenus. Leur évaluation portait sur le trafic web et sur leur croissance, totalement décorrélée de leurs revenus.
La bulle internet a été une crise massive où des milliards de dollars ont été perdus. La crise qui s’en est suivi a touché de plein fouet tout le milieu de la technologie qui prendra presque 10 ans à s’en relever.
La bulle IA est massive
Sachez que la bulle autour de l’IA fait 17 fois la taille de la bulle internet. Et en passant, quatre fois la bulle qui a provoqué la crise des subprime de 2008. Inutile donc de vous expliquer l’ampleur du désastre économique si cette bulle s’éclate.
Même Sam Altman le dit :
« Sommes-nous dans une phase où les investisseurs dans leur ensemble sont surexcités par l'IA ? Je pense que oui. L'IA est-elle la chose la plus importante qui soit arrivée depuis très longtemps ? Je pense également que oui. »
Une infrastructure qui demande des investissements jamais vus
Pour l’explosion du web, il a fallu investir massivement dans des infrastructures telles que la fibre optique pour connecter les grands centres urbains. Aux USA, les fournisseurs d’accès ont surévalué les besoins, du coup 90% des capacités de connexion n’étaient pas utilisées pendant des années.
On peut faire le parallèle avec l’IA. Comme pour le web, les investissements dans l’IA sont massifs (proche des 1000 milliards de dollars). Prenons l’exemple de ChatGPT : ChatGPT 3 a coûté 50 millions de dollars à développer, ChatGPT 4 : 500 millions et ChatGPT 5 : 5 milliards.
Les nombreux data center d'OpenAI en construction.
Ces IA demandent tellement de data center que les USA commencent à avoir des difficultés à pouvoir leur fournir suffisamment d’électricité. Il y a même une pénurie d’électriciens pour mettre en route tous les data center en production. Ces data center demandent tellement d’énergie pour entrainer les modèles que cela augmente massivement la demande d’énergies fossiles, ce qui fait reculer les promesses de neutralité carbone de pratiquement tous les GAFAM. Pour contrer ce problème, certains vont jusqu’à essayer d'acheter des centrales nucléaires, comme Amazon, afin de fournir de l’électricité aux data center qui entraînent les modèles. Ils ne sont pas les seuls.
En passant, Microsoft a essayé d’acheter une centrale nucléaire qui a été le lieu du plus gros accident nucléaire sur le sol américain : Three Mile Island.
Pour avoir une idée de la mesure de ces investissements, Meta vient d’annoncer un data center aussi grand que Manhattan. Le projet Stargate, qui concerne OpenAI, SoftBank Oracle et MGX, consiste au développement d’un ensemble de data center pour 500 milliards de dollars. Vous allez rapidement vous rendre compte que dans le domaine de l’IA, si l’investissement ne se compte pas en centaines de milliards de dollars, il n’a aucun intérêt. Tout cela n'a aucun sens quand on y réfléchit deux secondes.
Beaucoup d’aller-retour
Prenons des exemples récents qui vont vous donner le tournis. OpenAI vient de signer un contrat avec AMD pour 100 milliards de dollars afin d’acheter 5 millions de cartes graphiques. Et dans la foulée, AMD annonce donner 100 milliards de dollars à OpenAI sous la forme d’actions. Retenez bien ce fonctionnement d’échanges d’actions, il est primordial.
Ensuite, OpenAI annonce que la société va acheter pour 200 milliards de dollars de cartes graphiques à Nvidia. Dans le même communiqué, Nvidia dit vouloir investir 100 milliards de dollars dans OpenAI. Mais Nvidia n’a pas 100 milliards de dollars à disposition. Comment faire ? Eh bien OpenAI va donner 300 milliards de dollars à Oracle pour utiliser leurs data center. De leur côté, Oracle va acheter des millions de cartes graphiques à Nvidia pour les mettre dans ses data center qu’OpenAI va utiliser. Et l’argent récupéré par Nvidia via Oracle va être utilisé pour investir dans OpenAI. Accord qui fera momentanément du patron d'Oracle l'homme le plus riche du monde, tellement il était massif.
Larry Ellison, patron d'Oracle.
Dans le même esprit, Microsoft a investi des milliards dans OpenAI, qui va utiliser ces mêmes milliards pour payer du temps serveur dans les data center de Microsoft.
Vous avez mal à la tête ? Voici une image qui résume bien tout ce fonctionnement :
Et Anthropic fait la même chose : Amazon a investi des milliards dans Anthropic, qu’Anthropic utilise pour payer du temps serveur d’AWS, qui fait partie d’Amazon. Et c’est sans fin, je ne vais pas aborder la pagaille entre xAI et Tesla et leurs relations avec Nvidia, mais vous avez compris le principe.
C’est ce qu’on appelle le round tripping, aller-retour en français. Cette technique est souvent utilisée pour éviter de payer des impôts ou pour blanchir de l’argent. Dans notre cas, cela permet d’augmenter la valeur boursière de ces entreprises de manière artificielle. Et comme il y a des échanges d’actions entre les différents acteurs, tout le monde est gagnant.
Donc nous avons une quantité folle d’argent, de l’ordre de centaines de milliards de dollars, qui se transmet sous forme circulaire entre, en gros, les mêmes acteurs. Le plus gros bénéficiaire est Nvidia, dont l’action a augmenté de plus de 1600% depuis l’arrivée de ChatGPT fin 2022.
Tout cela fonctionne grâce à la promesse qu’à terme, cela produira des IA tellement puissantes qu’elles révolutionneront toutes les économies. Pour l’instant, toute cette technologie nous a donné un clone de TikTok et un chatbot qui perd la boule quand on lui demande si un emoji d’hippocampe existe.
ChatGPT devenait fou quand on lui demandait si un emoji hippocampe existe.
Un retour de bâton ?
La différence avec la bulle internet est que l’IA génère des revenus, même s’ils sont largement en dessous des dépenses. Par exemple, OpenAI a fait un CA de 3,7 milliards de dollars en 2024, mais l’entreprise est loin d’être rentable : elle a perdu 5 milliards de dollars la même année. Mais dans le même temps, elle signe des accords d’investissements de plusieurs centaines de milliards de dollars, alors que l’entreprise n’a jamais gagné d’argent.
Est-ce que cela peut durer ? La plupart des entreprises de l’IA ne gagnent pas d’argent, à l’exception de Nvidia. Il y a toujours l’espoir que cela change à l’avenir, mais dans combien de temps ?
Est-ce que l’IA va transformer totalement l’économie et la société ? Il y a débat. Est-ce que les investissements actuels sont justifiés par rapport aux retours sur investissement à moyen terme ? En aucun cas. Un peu comme les investissements pour le web à la fin des années 90…
Comme pour la bulle internet, il y a un risque d’une surévaluation des revenus liés à l’IA, amenant à un surinvestissement. Il y a un vrai risque d’explosion de la bulle IA avec la mort de 99% des sociétés des IA et des centaines, voire des milliers de milliards de dollars qui vont s’évaporer.
Pour l’instant, toutes ces IA de type LLM coûtent énormément d’argent à entraîner et à faire fonctionner au quotidien. Chaque demande à ChatGPT, Claude, Perplexity ou autre coûte plus cher à répondre que ce que payent, ou sont prêts à payer, les clients. Oui, un prompt pour ChatGPT coûte très cher à OpenAI, à tel point que votre abonnement payant ne couvre pas les frais, même l’abonnement à 200$ par mois. Et avec le temps, contrairement aux autres technologies classiques, les coûts augmentent au lieu de baisser.
Soit ces entreprises vont trouver un moyen de générer 20 fois plus de revenus qu’aujourd’hui en peu de temps, soit tout va s’effondrer. Et quand cela va arriver, cela va faire très, très, mal.
Un véritable système domestique d’alimentation plug-and-play qui intègre la production d’énergie photovoltaïque ainsi que la charge et la décharge bidirectionnelles.