Pourquoi Apple n'a pas racheté Nest ? Et pourquoi Google l'a fait ?
Par Arnaud Morel - Publié le
Pourquoi vendre Nest ?
Premier point, d'abord, pourquoi ce rachat : Nest, fondée il y a deux ans, a été remarquée. Son premier produit le thermostat intelligent est unanimement salué comme une vraie réussite niveau design, et son second produit, un détecteur de fumée et de monoxyde de carbone, vient à point fournir un relais de croissance.
Pour expliquer la vente de son entreprise, Tony Fadell a mis en avant les capacités de Google à financer la croissance de celle-ci, et à répondre au problématiques de
dimensionnementde son business. Nest, valorisé autour de 2 milliards de dollars avant son rachat, était en train de négocier une augmentation de capital de 150 millions de dollars. En choisissant l'option rachat pur et simple, pour 3,2 milliards, Fadell et ses associés font une excellente affaire, qui vient non seulement gonfler leurs poches mais aussi fournir une grosse bouffée d'oxygène à une entreprise dont le chiffre d'affaire est en progression, mais qui peine à dégager des marges bénéficiaires suffisantes.
Pour améliorer celles-ci, l'entreprise de Fadell a besoin d'étendre considérablement sa surface de vente, et de sortir de son marché initial, les États-Unis (et la Grande-Bretagne plus récemment). Mais pour cela, il faut renforcer les équipes de développement pour s'adapter aux particularités des marchés visés. Et pour ça, il faut du cash. Bienvenue Google.
Pourquoi Apple n'a pas racheté Nest ?
Pourquoi Apple n'a pas racheté Nest ? La chose tombait pourtant sous le sens : le design des Nest est très cupertinien, l'entreprise compte pas moins d'une centaine d'anciens d'Apple, qui secondent Tony Fadell, l'un des inventeurs de l'iPod. Nest, en outre, est vendu dans les Apple Store. Enfin, la réserve de cash d'Apple permettait cette acquisition sans aucune difficulté. Apple a-t-elle laissé passer une super opportunité ?
Pas du tout, analyse Jean-Louis Gassée, ancien responsable d'Apple France, et responsable Mac jusqu'en 1990.
Apple n'a pas l'habitude d'acheter des business, mais des technologies, assène-t-il. Et le prix demandé dépasse de beaucoup les habitudes de la Pomme, qui n'a jamais déboursé plus de 429 millions de dollars pour une acquisition, celle de NeXT, en l'occurrence, qui sert encore aujourd'hui de fondement à OS X. Plus récemment, le rachat d'Authentec, qui a conçu la technologie qui anime Touch ID sur l'iPhone 5s a été réalisé pour 365 millions de dollars.
Outre ce montant inhabituel, et l'idée de racheter des technologies et pas des entreprises, Apple disposait vraisemblablement de beaucoup d'informations concernant le business de Nest. Après tout, avec Amazon, qui vend aussi le produit, Apple est l'entreprise qui connait le mieux les contours du business de Nest et, plus important, qui sait comment le produit est reçu et considéré par ses acheteurs, qui passent dans ses boutiques. Sur le sujet, si on se fie aux commentaires des utilisateurs sur Amazon, le bilan est plus mitigé qu'attendu. La plupart des personnes saluent l'excellent design, mais le produit souffre de défauts importants : certaines installations de chaudières ne sont pas gérées, le thermostat peut cesser de fonctionner en cas de coupure d'électricité, même brève, et ne pas parvenir à relancer le système de chauffage. Danger en plein hiver ! Autre grief, les fonctions tant vantées d'apprentissage intelligent et automatique trouvent, comme tous les dispositifs automatiques, leurs limites.
Plus important encore pour Apple : les acquisitions n'ont de sens que si elles aident la Pomme à vendre son hardware, Mac et iBidules. Et sur le sujet, Nest serait absolument inutile.
Pourquoi Google l'a fait ?
Reste la question du pourquoi du rachat par Google. Et là, il faut bien avouer qu'il est plus difficile d'avoir une réponse précise. Bien sûr Google met la main sur une équipe talentueuse, avec pas mal d'anciens d'Apple, ce qui ajoute un peu de piment. Bien sûr aussi, Nest doit détenir un joli paquet de brevets. Mais tout de même, acheter une entreprise 1,2 milliard au dessus de sa valorisation estimée a de quoi surprendre.
Le business de Google, l'unique business de Google, c'est la pub.
La pub produit au minimum 115 % des bénéfices de Google. Tous ses autres business coûtent de l'argent, pour revenir à 100 %. La pub est le seul générateur de cash, tout le reste sont des postes de dépense, note Gassée dans sa Monday Note.
Mais si le rachat de Nest par Google est motivé par l'intérêt publicitaire, il y a de quoi se soucier un brin de voir le géant de la recherche débarquer dans nos salons, et connaitre nos petites habitudes de vie. C'est d'ailleurs l'élément le plus fréquemment mis en avant pour déplorer le rachat de Nest, élément qui témoigne, en outre, d'une défiance croissance des utilisateurs vis à vis de l'entrepris de Mountain View.