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Quand la BD rencontre l'iPad et l'iPhone

Par Didier Pulicani - Publié le

Lorsque Steve Jobs a présenté son iPad pour la premières fois, le gourou d'Apple laissait entendre que la tablette allait s'imposer comme support principal de lecture. Un an après, le constat est encore mitigé du côté de la littérature et des magazine. Et la BD dans tout cela ?

L'industrie du livre doit se renouveler


Quand la BD rencontre l'iPad et l'iPhone

Moins touchée que l'industrie du disque, l'édition (hors média) souffre à sa manière de l'arrivée du numérique. Depuis de nombreuses années, les réseaux pirates voient fleurir de jolis PDF de livres et de BD, proprement scannés, voire parfois passés sous OCR et librement téléchargeables -même si la loi est très claire sur le sujet. Bref, le piratage des ouvrages existe, et l'édition ne semble pas bien pressée de passer au numérique.

Les industriels ont donc pris le relais. Amazon et son Kindle, Apple et son iBooks Store, tels sont les deux gros fournisseurs actuels de bouquins binaires. En parallèle, la standardisation des formats a permis de voir émerger l'ePub, plus adapté à la lecture de livre, et qui a surtout permis de voir se créer un grand nombre de librairies numériques, proposant des livres avec des formats plus ou moins protégés.


Quelles solutions pour la BD ?



Et la BD ? Rien ? Nada ? Pas tout à fait. La BD n'est pas vraiment considérée comme un livre, au sens classique : son format (des planches, comme on dit dans le jargon) est plus proche de petits tableaux vivants que de l'édition classique. Impossible donc, de les formater bien proprement, tant les fameuses cases varient d'un auteur à l'autre. Sans parler de la police, tantôt manuscrite, tantôt numérique. Bref, un vrai sac de noeuds pour les informaticiens en quête de standardisation.

Aquafadas et AveComics



Précurseur sur l'iPhone, la société française a lancé quelques solutions test depuis 2008, pour enfin proposer sa plateforme AveComics en 2009, qui centralise un nombre impressionnant de bandes dessinées en partenariat avec les éditeurs.

Quand la BD rencontre l'iPad et l'iPhone


Disponible aussi bien sur iPhone, iPad que chez la concurrence, ce catalogue cache surtout un défi technique : rendre lisible une BD plein page sur un écran de 3 à 10 pouces. Grâce à un travail pointu d'animation, l'éditeur propose donc de lire la BD comme un film, case par case, avec quelques options multimédias (zooms, enchaînements, sons...) qui viennent enrichir la lecture tout en profitant des capacités multimédias des appareils. C'est très réussi, d'autant qu'une lecture classique reste possible, ce qui rend le système souple et complet.

Et les autres ?



Marvel, DC Comics, Izneo, Relay... Les géant du genre ont eux aussi sorti leur application sur le modèle AveComics. Si tous ne se valent pas, le principe reste le même : un grand kiosque sur lequel vous payez chaque ouvrage, mais qui vous enferme dans son modèle économique par la même occasion. Une BD achetée chez AveComics pourra être lue sur tous les supports de l'éditeurs (Mac, iPhone, iPad...), mais pas sur un autre portail concurrent.

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En parallèle, il existe de nombreux lecteurs -souvent gratuits- capables de lire les BD numériques égarées sur votre ordinateur. Égarées, car légalement, vous aurez bien du mal à télécharger légalement une BD dans un format non protégé. De ce fait, à l'image des DRM présents dans la musique pendant longtemps, il est encore difficile de dire au consommateur que le livre qu'il va acheter dépendra de la durée de vie du support sur lesquel il obtiendra l'ouvrage. Tout comme un disque, un livre se garde, se prête, s'échange, se revend... Les solutions parallèles ont donc encore de beaux jour devant elles tant que les industriels n'auront pas imposé certaines règles de vente de leurs ouvrage, au moins au niveau des supports de lecture.

Et les illustrateurs, les auteurs, ils ne pensent quoi ?



Lorsque nous avons préparé cet article, nous pensions que les auteurs de BD avaient tous acheté un iPad dès la première heure et avaient anticipé -comme Steve- tout le bien qu'allait apporter ce nouveau support. Un petit retour à la réalité plus tard, nous nous sommes aperçus que le petit monde de la BD était encore bien loin de ces considérations. Je n'ai jamais vu un iPad de mes yeux ! nous a lancé Pénélope Bagieu avant le festival d’Angoulême. Pourtant, la jeune femme tient un blog depuis des années, travaille sur son iMac et twitte à tout va, on ne peut donc pas dire qu'elle soit technophobe. La tendance est en fait assez similaire dans ce petit monde, principalement pour plusieurs raisons : l'iPad est un produit encore assez cher, et les canaux de distribution encore loin d'avoir fait leurs preuves aux yeux des auteurs.

Dès lors, nous avons donc cherché à savoir pourquoi diable, l'iPad n'était pas encore rentré chez tous les principaux intéressés. Car, il faut le dire, sans le soutien des auteurs, la BD sur iPad ne risque pas vraiment d'évoluer !

Entretien avec Maïa Mazaurette, Zelba, Adrien Floch et Bib's



Trois jeunes femmes, un homme, et quatre profils différents pour cette première série de questions. Maïa Mazaurette est ce qu'on appelle un auteur complet. Écrivaine, journaliste et blogueuse, elle se concentre généralement sur les thèmes de la sexualité et scénarise aussi de la BD (Notamment chez Fluide). Zelba, elle, nous vient d'Allemagne, et a déjà plusieurs BD à son actif dont elle réalise texte et dessins. Adrien Floch nous vient du Sud de la France, où il intervient chez les éditions Soleil, notamment pour Les Naufragés d’Ythaq, sorti récemment. Enfin, Bib's est une illustratrice de métier, dont le blog-BD amorce un joli succès sur la toile. Liens en fin de page

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Mac4Ever : Avez vous déjà lu un livre ou une BD sur un iPad, un iPhone ?

Maïa : Je n'ai ni iPad ni iPhone, donc ça ne risque pas.

Zelba : Non, je n'ai jamais lu de livre sur iPad ou -phone. Je n'aime pas bien lire sur un écran, et à part mes visites régulières sur une poignée de blogs BD (assise à mon bureau), je préfère dévorer des livres (vautrée sur mon lit) ! Je sais qu'on peut lire sur iPad vautré sur son lit, mais ça reste un écran !

Bib's : Oui, j’ai déjà lu ce type de contenu sur l’ipad d’amis et sur l’iphone de mon mec (que je squatte tout le temps). Je trouve ça super sympa et très ludique. J’aime bien le coté, « on partage » par exemple, il m’est arrivée de me retrouver avec des amis pour boire un verre et de me rappeler d’une anecdote que j’ai vue sur internet, ou un strip BD rigolo et la paff magie du iPhone, on a l’info en instantané et tout le monde peut en profiter.

Adrien Floch : Oui, j'ai déjà vu à quoi ça ressemblait, mais jamais lu une en entier. Il se trouve qu'Ythaq est disponible sur iPhone et sur iPad et je l'ai déjà eu entre les mains. J'ai pu voir un peu à quoi ça ressemblait. De ce que j'en ai vu j'ai trouvé que le format était plutôt confortable et que la taille de l'iPad suffisait au confort de lecture. Sur l'iPhone j'ai un avis plutôt mitigé.

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Comment expliquez-vous que les auteurs/dessinateurs de BD semblent encore assez peu concernés par ce qui se passe sur l'iPad et l'iPhone ? Beaucoup ont pourtant des blogs, des twitter, des pages facebook ?

Maïa : On y pensera quand il y aura un marché, mais surtout, les questions de format et de média relèvent du boulot de l'éditeur, pas de l'auteur. Ce n'est pas nous qui pressons les livres avec nos petits doigts, ce n'est pas nous non plus qui allons créer des applis autour de nos univers !

Zelba : Une raison pourrait être que les coûts pour de tels appareils soient encore bien trop élevés pour un grand nombre de dessinateurs de BD ;) Pour moi, le blog, en plus d'être gratuit, est un terrain de jeu, un bon moyen de tester des choses tout en ayant les retours des lecteurs, un bon moyen de communication avec les lecteurs aussi, tout comme facebook et twitter. Mais il ne remplacera jamais le plaisir et la satisfaction de tenir en main un album fraîchement imprimé sur du papier ! Miam ! Je suis, comme beaucoup de personnes de ma génération, encore très attachée à l'objet physique ; un beau livre que l'on peut toucher, renifler, ranger dans sa bibliothèque... Les livres sont par ailleurs mes cadeaux préférés ; j'en offre beaucoup et j'adore en recevoir ;)

Bib's : Je ne sais pas pour les autres, car moi, je me sens méga concernée ! Et c’est qu’aujourd’hui on ne peut plus y échapper ! Sinon on passe pour un has been ! Après je peux comprendre que pour la vielle école ce soit difficile et qui il y a pour eux un manque « d’authenticité » liée en générale aux NTIC. (Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication, ndlr)

Adrien : Publier un blog de nos jours c'est facile, il y a pas besoin d'avoir un ipad ou un iphone dans les mains pour communiquer sur internet ou avoir un blog.

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Beaucoup de vos confrères évoquent un rapport au papier et l'écran encore trop différent pour basculer sur des tablettes numériques. Pourtant, le livre numérique semble, lui, bien parti (notamment avec le Kindle d'Amazon). Y-t-il aussi un problème de format pour la BD ? Qu'est-ce qui manque ?

Maya : C'est une question technique, je ne peux pas y répondre, il faut demander à quelqu'un dont c'est le boulot.

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Zelba : Quand je lis un livre, il m'arrive souvent de souligner une phrase qui me frappe ou qui me touche, une expression que je ne comprends pas (je ne suis pas Française !), je fais des annotations sur les côtés. Cela me semble difficile sur un écran ;) Il est vrai que la diversité des formats est très importante aussi ; je n'aime pas bien l'uniformisation en général. Mais il ne faut peut-être pas voir l'iPad comme le remplacement du livre. Il y a des situations dans lesquelles c'est plus pratique de lire ou faire lire du numérique et d'autres qui favorisent la lecture d'un livre.

Bib's : C’est vrai que de passer du crayon à la tablette, ce n’est pas évident, il faut faire preuve de dextérité et d’entrainement. Mais aujourd’hui c’est complémentaire et limite incontournable. Alors donc passer du support papier au numérique, c’est encore un autre monde, ce n’est plus la même sensation, le même plaisir. J’ai une certaine satisfaction à aller lire du contenu BD numérique sur le net, mais j’ai 100 fois plus de bonheur à acheter la BD, à la lire, à toucher le papier, ranger mon beau trésor sur ma bibliothèque et pouvoir la ressortir quand je veux. La tablette numérique représente une autre utilisation de la BD donc pour moi elle représente un marché à part et un autre plaisir.

Si je vous dis que cela fait au moins 10 ans que les BD circulent librement sur les réseaux pirates : n'est-il pas devenu temps de répondre à cette demande numérique ?

Maïa : Je sais bien que ça tourne, mais franchement, autant lire une note de BD-blog ça passe, autant lire une BD entière sur Internet, je ne me vois pas le faire, et pourtant je suis une geek (je lis quelques bouquins en ligne mais ça m'arrache les yeux). La demande est surévaluée, je pense. Je reviens d'Angoulême, personne ne nous demande de publier en ligne. En plus, la BD est typiquement un achat-cadeau, on a besoin de ne pas la désincarner.

Zelba : Je crois que la piraterie n'est pas un bon argument pour le numérique ; nulle part ailleurs elle est autant répandue que dans ces secteurs-là !

Bib's : Bien sur, je suis complètement d’accord. Aujourd’hui on a aussi une offre importante grâce au blog BD qui offrent des contenus gratuit.

Adrien : Ythaq est disponible énormément à l'étranger sur des sites espagnols ou chinois. Et bien sûr on la retrouve en téléchargement en torrent ou toute la saga sur megaupload.
Alors bien que celà n'empechera certainement pas ces resaux de perdurer,il est bon de tenter de repondre à cette demande numérique..


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Vos éditeurs vous ont-ils informé de ces nouveaux moyens de diffusions ? Est-ce que les droits perçus sont moins, ou plus intéressants ?

Maïa : On signe déjà des contrats de passage au numérique, mais il n'y a pas encore de norme pour les droits d'auteur, c'est donc le chaos. Pour avoir des conditions décentes, il faut se battre. C'est aussi une des raisons du manque d'enthousiasme des auteurs : on était déjà habitués à ne toucher que 10% du prix de vente, si on passe à 5%, c'est carrément la misère.

Zelba : Les éditeurs avec lesquels je travaille à présent sont aussi attachés à l'objet du livre que moi. Pour le moment, la question d'une édition spéciale numérique ne se pose pas. Mais qui sait ? Il n'y a que des ânes qui disent « jamais» ! Je n'ai aucune idée de la différence des droits d'auteur calculés pour un livre numérique par rapport à une édition papier ; les droits diffèrent déjà pas mal d'une maison d'édition à une autre pour le même support, alors...

Adrien : Quelques tomes d'Ythaq peuvent s'acheter sur iPhone et iPad, via Ave Comics essentiellement et pour ce qui est des droits perçus,on est encore loin de ce que peut generer le papier...

Souvent, avec le passage au numérique, les gens espèrent une baisse des prix, compensée par un plus gros volume de vente. Vous seriez prêt, vous, à proposer vos BD pour 3 ou 4 Euros ?

Maïa : Je ne pense pas que le volume de ventes augmenterait. Sincèrement.

Zelba : Dans nos sociétés modernes, le prix est souvent (à tort) lu comme un gage de qualité. Des études ont montré que dans la tête des acheteurs, quelque chose de valeur doit coûter cher. Moins ils dépensent pour un objet, moins ils ont de considération pour lui. Dans le monde du livre, l'auteur est déjà celui qui touche la plus petite part de son oeuvre, ce qui n'est ni logique ni juste. Moins le prix de la BD est élevé, moins son auteur touche dessus et moins l'acheteur a de considération pour l'objet acquis. Et ne parlons pas des libraires... Je pense que proposer une BD de qualité à 3 ou 4€, alors que l'auteur a passé plusieurs mois à l'écrire, la dessiner et la mettre en couleurs est tout simplement un manque de respect, même si à la fin, la somme récoltée est acceptable. J'ai toujours refusé de brader mon travail. Même si c'était pour avoir plus de commandes derrière. Les histoires pour le blog sont gratuites. Si je demandais à mes lecteurs de payer quelques centimes leur passage sur mon blog, ou si j'acceptais des espaces de publicité sur mon blog pour financer tant bien que mal ce temps passé, je braderais mon travail et je perdrais des lecteurs. Je suis toujours très heureuse quand un lecteur du blog m'envoie un mail pour me dire qu'il a aimé un de mes livres et qu'il en attend la suite avec impatience ! La réponse est donc : Non, pour le moment, je ne suis pas prête à proposer mes BD à 3 ou 4€. Un jour, je n'aurai peut-être plus le choix ! Mais bon, c'était comment déjà, la phrase avec les ânes... ;)

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Si l'on fait le parallèle avec la musique, internet a permis aux artistes de s'auto-produire et de s'affranchir des maisons de disques (et de leurs marges...). Est-ce irréel de penser que vous pourriez vous affranchir des éditeurs sur internet ? Pourquoi ?

Maïa : Ce n'est pas irréel. Ensuite, est-ce qu'on y aurait intérêt ? Personnellement, je trouve les éditeurs de BD plus efficaces que les éditeurs de livres : plus attentifs au contenu, plus motivés pour nous soutenir, très concernés par la mise en page et le fait de nous mettre en avant (bon ensuite j'ai peut-être de la chance). J'ai plutôt ENVIE de bosser avec eux.

Zelba : Sans éditeurs, on serait submergé de projets sans intérêt. On peut observer ce phénomène en se promenant sur blogosphère. Il y a tellement de blogs BD mal tenus, mal dessinés, mal écrits, mauvais tout court. Je ne veux pas dire que c'est mal de les mettre en ligne ; c'est super de dessiner, aussi pour ceux dont ce n'est pas le métier. Mais à un moment, il faut que quelqu'un filtre tout cela. C'est peut-être dur ce que je vais dire, mais heureusement que certains projets sont refusés. L'éditeur est ce filtre. Et chaque éditeur a ses goûts et ses préférences. Ce qui fait qu'il y a des lignes éditoriales différentes. C'est très important. Cela permet aux lecteurs de se dire « J'ai beaucoup aimé les livres édités par une telle maison ; je suis sûre que les suivants seront de qualité aussi. » Je ne vois donc aucun intérêt de m'affranchir de mes éditeurs.

Sur les tablettes, on a vu des BD se rapprocher des dessins animés, avec des animations entre les bulles, ou des sons par exmeple. C'est ça l'avenir de la BD ? C'est quoi l'avenir de la BD ?

Maïa : Pour l'instant, tout est ouvert. Mais si on fait des versions spécifiques pour le net, il faudra aussi repayer les auteurs, parce que du coup on travaille deux fois. Et c'est là que ça coince. Il manque un métier qui serait "adaptateur de BD", en fait.

Zelba : C'est sûr que l'on peut faire des choses hallucinantes aujourd'hui. Il faut juste veiller à ce qu'une technique sophistiquée ne devienne pas plus importante qu'un bon scénario ! C'est un plus. La BD animée peut permettre aux auteurs une liberté et créativité différente. Le son rajoute toute une dimension. Pour certains projets cela peut être extrêmement intéressant. Mais pas tous les projets ont besoin d'être animés et sonorisés. C'est pour moi l'avenir d'une branche plus cinématographique de la BD, mais pas forcément l'avenir de toute la Bd !

Bib's : Pour moi c’est la tablette numérique qui va démocratiser la « BD », attirer un nouveau public, élargir le secteur de la BD.

Adrien : L'avenir de la bd, j'en sais trop rien, j'imagine qu'il y aura de la place pour tous les supports. Je pense que l'industrie du papier à encore de beaux jours devant elle,même si le marché a tendance à rétrécir il y aura toujours des lecteurs pour apprécier la bd en tant qu'objet..

Laurel, Thomas Gabison et
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Émile Bravo



Et qu'en pensent Laurel (le journal de Spirou), Thomas Gabison directeur de la collection (avec Michel Parfenov) acte sud BD et Émile Bravo ? D'autres questions pour d'autres réponses.

Mac4Ever : As-tu déjà testé des logiciels de lecture de BD sur l'iPad et/ou sur iPhone ?

Laurel : Oui, sur iPhone. Quand j'ai eu l'iPad, je me suis rendue compte qu'il fallait REPAYER pour la BD que j'avais achetée, alors bien sûr, je ne l'ai pas prise. Sur l'iPhone, j'ai lu Les Nombrils, et Bludzee.

Thomas Gabison : J'ai testé des lectures gadgets sur ipad, comme le Alice au pays des merveilles avec des champignons qui bougent et sautillent. Bien sûr c'était une démonstration de ce qui était possible, mais faut-il démontrer longtemps que plus le lecteur est guidé par un tiers, moins le livre fonctionne dans sa qualité propre...

Emile Bravo : Loin de tout ça. J'ai vu une BD sur iPad. Ça m'apparaît pas être un support de lecture. C'est un écran. Je vois pas comment ça peut remplacer le papier. J'ai un rapport au livre sensuel, le fait de pouvoir toucher les pages, le feuilleter. C'est sans doute plus une question d'éducation. Pouvoir rapidement revenir en arrière pour le papier, l'accessibilité. Le problème c'est que la lumière vient de l'écran.

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Qu'en penses-tu ? Est-ce que l'on retrouve "l'expérience BD" du papier ?

Laurel : Non, pas du tout. Rien à voir... Rien ne remplacera le papier.

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Que penses-tu tes bd interactives au contenu enrichi ? (Avec du son, des animations) Est-ce là un renouveau nécessaire pour la bd ? Ou juste une nouvelle branche ?

Laurel : Un gadget... Plaisant. Mais gadget. Un peu comme les menus des DVD: ce n'est pas le plus important...

Thomas : La lecture numérique est un nouvel outil qui n'aura d’intérêt que si l'auteur parvient à le dominer et que son langage propre (à l'auteur) soit celui-ci, sinon, on tombe dans la commande, dans l'expérience mais pas dans l'œuvre littéraire (au sens large), pour le moment, l'outil avance tellement vite, que l'on ne fait que survoler ses possibilités; ça viendra bien entendu.

Emile : La lecture "animée" alimente une sorte de passivité du lecteur. Moi j'ai un rapport à la bande dessiné qui est un rapport au livre. Je ne me sens pas animateur, je ne trouve pas que la BD soit faite pour ça. Ça se lit comme un livre. On sent un fantasme des éditeurs de faire bouger les choses, que la BD lorgne vers le cinéma. Après, c'est une question d'éducation et d'habitude.

Sans parler de « flop », pour le moment, d’après nos sources, la BD sur iPad/iPhone a bien du mal à décoller. Selon toi, qu’est-ce qui manque ?

Laurel : C'est inabordable! Qui va payer 6 euros pour une BD alors que l'album papier en coûte 9? C'est ridicule... Surtout une BD qui a été faite au format "album". Sur un écran de téléphone, c'est tout à fait illisible.

Thomas : Tant que les gestionnaires des sites de lecture en ligne parlerons de produits et de vouloir rescénariser les livres pour les faire entrer dans les machines, il n'y aura aucune chance pour que l'ipad ouvre des imaginaires, ce n'est qu'un produit même dans la tête des fabriquants.

C'est trop tôt ? Le logiciel ne va pas ? Faut-il un écran plus grand ?

Laurel : L'iPad, c'est le minimum, pour les adaptations d'albums. Les zooms sur les cases, c'est n'importe quoi, il n'y a aucun confort de lecture. A mon avis...

Trop de piratage ?

Laurel : Сela viendra, forcément! Les éditeurs seront confrontés au même souci que les producteurs de films ou de musique. La seule solution, pendant qu'il en est encore temps: réduire les coûts, réduire les marges. Mais sont-ils prêts? La solution idéale pour éviter tout piratage: un forfait, comme Spotify, mais pour les livres. ça viendra tôt ou tard (aux Etats-Unis, ça existe déjà pour les films).

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Quelle est la position "éditeur" sur le sujet ? Avez-vous déjà essayé de mettre des BD sur telle ou telle plateforme de téléchargement ?

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Laurel : On m'a demandé pour Carmilla, mais évidemment, aucune vente, à 6 euros. Pour "Un crayon dans le coeur", l'appli était même prête. A 4 euros pour 200 pages. Mais Apple prenant 30%, je pensais avoir 50% de ce qui restait, comme prévu sur le contrat. Or non, l'éditeur a voulu payer le développeur de l'appli 50% et moi 25% soit 70 centimes!! J'ai donc refusé (qu'il prenne ces frais sur sa part!) et elle n'est pas sortie. ^^

Il faut que les éditeurs comprennent que les auteurs ne seront pas dupes. Avec l'iPhone, l'iPad et tous les autres supports d'autres marques à venir, on sait très bien qu'ils n'ont plus aucun frais d'impression, de transport, de distribution, de stock, de retour, d'invendus. J'espère que personne n'acceptera même 50% de droits d'auteurs (soit 35% du prix de la BD puisqu'Apple prend 30%) dans ces conditions ! Bien qu'ils trouveront toujours des étudiants en art ou des gens qui ont un autre boulot à côté pour accepter de faire des forfaits et de casser les prix. Comme pour les albums papier, c'est désolant...

Le truc, c'est que l'éditeur ne sera plus indispensable, si la BD numérique se développe. A part pour toucher des avances sur droits. Mais vu qu'ils ne baisseront pas les prix... le piratage ira bon train. Forcément.

La solution, pour les auteurs, sera de faire des BD au format téléphone, pour que ce soit attractif et lisible, de passer par un développeur pour avoir un système de navigation, et... voilà. Aucun intermédiaire. Les bénéfices (70% du prix de la BD) entièrement dans nos poches! Mais bon, pas de droit d'auteur, dans ce cas... c'est le souci. Ce sera à l'auteur de prendre ce risque.


Thomas : En tant que directeur de collection, nous ne sommes pas prêts du tout, ni nous, ni les auteurs à passer au numérique pour les livres que nous publions sur papier (le travail que nous faisons avec les chefs de fabrications, avec les imprimeurs, fait parti de l'identité de l'ouvrage finale)

Emile : Je reste pour l'instant sur l'expectative. Dargaux fait ça de son côté, il y a déjà des jules en consultation. 2 € pour la consultation, ou 5 € pour l'achat. J'ai donné mon accord mais plutôt en l'entendant comme un instrument de promotion.

On retrouve beaucoup de BD sur les réseaux P2P et il existe de nombreux logiciels sur iPad qui sont capables de les lire. Tu en penses quoi, toi, du piratage ? Une BD qu’on télécharge, c’est une vente manquée ? Tu as déjà piraté une BD ?

Laurel : Non, je suis abonnée à Spotify (le rêve! la musique illimitée pour 10 euros par mois. Je ne dépense plus un centime sur iTunes grâce à ça). Pour les films et séries, j'achète quelquefois sur iTunes, ou bien à la Fnac, et sinon d'occasion et aussi beaucoup d'emprunts à la médiathèque qui est tout près de chez moi. Je ne sais pas télécharger, c'est long, non? Et puis on a une chance sur deux de tomber sur un porno. Bref, pas mon truc. J'avoue que parfois, quand un ami me propose une série qu'il a sur son disque dur, je ne dis pas non. Je sais, c'est du vol... je n'en suis pas fière. Lorsqu'il existera un système comme Spotify pour les films (et ça viendra!), je serai la première à m'abonner. Même si ça coûte un bras.

Pour revenir à la question... les BD piratées... ben oui, ce n'est pas étonnant. Beaucoup de monde pirate. Les BD et les livres ne feront pas exception.


Thomas : Que les BD se prêtent, se retrouvent dans les bibliothèques, se lisent, ce sera déjà pas si mal, après...

Emile : Je ne me sens pas vraiment concerné. Ça ne me viendrais pas à l'esprit de pirater un livre, Dargau m'a dit que c'était très sécurisé. Mais pour l'heure, c'est pour moi une question de visibilité.

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Certains artistes se mettent à dessiner sur leur iPad avec les doigts (ou la langue, on ne sait pas trop…). Tu as déjà essayé ? A terme, ça pourrait remplacer ta palette ?

Laurel : Pas pour le moment, l'écran n'est pas assez sensible, aucun logiciel n'est fait pour ça... De toute façon, je n'ai pas de palette. Mais d'ici quelques années, ce sera certainement au point, c'est sûr!

Thomas : Je ne sais trop, ce sont peut-être eux qui vont défricher le terrain.

Tu perçois une réelle demande de ton lectorat vis-à-vis du mobile ?

Laurel : Non, pas du tout. Ils me lisent peut-être tous du PC ou du Mac de chez eux, d'ailleurs.

Demain, les gens liront-il leurs BD dans le métro ?

Laurel : C'est déjà le cas avec les blogs et les (rares) BD dispos sur iTunes. Donc oui!

Entretien avec Aquafadas à Angoulème



En tant que promoteur de la BD sur iPad et acteur majeur en France, Aquafadas a accepté de répondre à nos question durant le festival d'Angoulème.

Mac4Ever : Comment avez-vous été reçus à Angoulème ? Les visiteurs connaissaient-ils AveComics ? Et les auteurs, éditeurs, comment ont-il réagi en voyant ces iPad remplacer le papier ? vous avez quelques anecdotes ?

La bande dessinée est un art très grand public et les personnes que nous rencontrons lors du festival viennent donc d'horizons très divers. Il y a ceux qui ont déjà un iPhone ou un iPad et qui sont heureux de découvrir notre offre BD ou bien qui, la plupart du temps, nous connaissent déjà. C'est très agréable de voir arriver une dame qui a suivi Bludzee (le premier feuilleton BD sur iPhone, par Lewis Trondheim) pendant un an et qui rêverait de voir la suite de l'histoire. Ou d'impressionner quelqu'un en montrant notre manga numérique entièrement sonorisé, intégrant des séquences vidéo, Séoul District. Les éditeurs connaissent déjà bien l'iPad et sont séduits, car les tablettes offrent une très belle vitrine pour les bandes dessinées. Bien sûr, beaucoup restent attachés au papier mais l'iPad leur donne des envies. Les auteurs et les nombreuses personnes qui n'ont jamais vu d'iPad sont souvent impressionnés par la qualité de l'écran qui magnifie les couleurs et le dessin d'une bande dessinée. Et grâce à nos modes de lecture pleine page ou animé, nous promettons un vrai confort de lecture.

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Comment qualifiez-vous la croissance de votre activité? Après ces quelques années, le segment est-il vraiment porteur ? Vous avez déjà quelques chiffres ?

Pour donner quelques chiffres, AveComics c'est 1 million de BD consultées en version numérique sur mobiles et depuis le web, 500 000 applications BD téléchargées sur iTunes, 150 à 200 BD numériques vendues par jour ces 6 derniers mois. L'iPad a fortement augmenté les ventes mais 30% de nos ventes continuent de se faire sur smartphones. Le marché de la bande dessinée numérique est un secteur porteur si l'on sait offrir au public un véritable service comme iTunes a su le faire pour la musique. C'est-à-dire un service compatible sur plusieurs supports, avec un confort de lecture adapté à chaque écran et un prix de BD inférieur à l'album en librairie. Voilà pourquoi AveComics est accessible sur plus de 100 smartphones et tablettes différents (iOS, Android, BlackBerry, Tabbee, Mac et PC). À ce jour, AveComics propose 1000 BD numériques venant du catalogue de 60 éditeurs de différentes nationalités et des nouveautés sont disponibles toutes les semaines.

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La plupart des auteurs que nous avons rencontrés sont assez peu au courant de ce qui se passe sur iPhone/iPad. Comment expliquez-vous ce manque d’intérêt, de curiosité ?

iPhone et iPad offrent essentiellement un nouveau mode de distribution pour les bandes dessinées. C'est donc tout naturellement les éditeurs qui les premiers se sont penchés sur la question, notamment sous l'impulsion de société comme AveComics. Avec l'arrivée de logiciels de création de BD numérique, comme Comic Composer, les choses vont changer. Les auteurs vont pouvoir faire des propositions originales aux éditeurs et s'approprier pleinement le sujet. Sur le festival, il nous arrive de rencontrer des auteurs et des éditeurs réticents face à l'arrivée de ces nouveaux supports éloignés de leur préoccupations habituelles. Mais devant la qualité de l'écran et l'élégance d'un iPad, ils se ravisent volontiers.

Certains nous ont rapportés que pour un auteur, l’addition des marges (Apple, Editeur, AveComics) débouchait sur des bénéfices assez faibles pour le dessinateur et des prix qui restent élevés pour le lecteur. Que répondez-vous à cela ? Quelle est la solution ?

La chaîne du livre numérique s'apparente à celle du livre papier. Avec un éditeur qui reverse des droits aux auteurs, un diffuseur (Apple) qui amène l'oeuvre au public, et un "imprimeur" qui comme AveComics offre des solutions techniques. Les auteurs négocient leur pourcentage avec les éditeurs. Ces derniers seront sans doute amenés à faire pression pour qu'Apple diminue son pourcentage. En mettant à disposition des éditeurs et des auteurs les outils de production de bandes dessinées numériques, et en améliorant ces outils, AveComics pourra baisser sa part dans ce marché de la bande dessinée numérique.

A l’image d’iTunes qui accepte désormais les indépendants, est-ce que travailler directement avec des auteurs (en s’affranchissant des éditeurs papier), est envisageable via votre solution ? Peut-on déjà vous qualifier d’éditeur numérique ?

Nous sommes des pourvoyeurs de logiciels, en aucun cas des éditeurs. Les personnes qui souhaiteront investir dans la publication de bandes dessinées numériques via nos services seront libres de le faire. Un éditeur est avant tout quelqu'un qui investit dans la création, pour permettre aux auteurs de gagner leur vie pendant qu'ils produisent leur oeuvre. Certains indépendants pourront se passer de ce soutien, mais il est primordial pour beaucoup.

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Ne craignez-vous pas qu'Apple sorte elle aussi son "kiosque à BD", comme elle va le faire avec la presse ?

Nous diffusons déjà nos bandes dessinées numériques sur d'autres kiosques que celui d'AveComics - ceux de La Fnac via l'application FnacBook ou d'Orange via l'application Read & Go pour Android. Nous fournissons des solutions pour créer des bandes dessinées numériques et pour les lire. L'arrivée d'un kiosque à BD d'Apple changerait la donne mais ne remettrait pas en cause notre modèle.

Certains auteurs nous ont dit trouver le format iPhone peu adapté à la lecture de BD. Est-ce qu’une BD numérique ne doit pas être “pensée numérique” dès les premiers coups de crayons ?

C'est l'impression que l'on peut avoir, mais grâce aux systèmes de lecture adaptés d'AveComics, la lecture sur iPhone est un plaisir. En plus, on a ainsi le loisir d'emmener toutes ses BD dans sa poche. Créer spécifiquement pour le numérique est bien sûr primordial. D'ailleurs nous avons déjà proposé quelques oeuvres originales : Bludzee de Lewis Trondheim, un feuillton à suivre tous les jours ; Séoul District de Park Chul Ho et Hervé Martin Delpierre, un manga sonorisé intégrant des séquences vidéos ; ou encore Ça Ira Mieux Demain, application de dessins d'actualité en temps réel par une dizaine de grands noms de la presse. Avec la mise à disposition de notre logiciel Comic Composer, de nouvelles créations spécifiques vont voir le jour. En attendant, il faut soutenir le marché avec une offre de qualité pour des BD adaptées du papier.

On voit maintenant arriver du son et des animations dans certaines versions numériques. Peut-on encore vraiment parler de BD ? Comment réagissent les auteurs à ces adaptations ?

Tout dépend des auteurs et des envies. Certains souhaitent rester dans les codes de la bande dessinée et ne jouer que sur le dessin, l'image et l'enchaînement des cases. D'autres veulent intégrer de nouveaux médias. Bref avec l'arrivée de logiciel comme Comic Composer, on va voir la création partir dans différentes directions. C'est tout le charme de l'histoire. Nous avons hâte de voir comment les créateurs vont s'approprier nos outils.

Que manque-t-il à l’iPad pour être un meilleur support de BD ? Un écran retina ? Un format différent ?

Lorsque les écrans vont devenir souples, ils seront encore plus faciles à emporter et leur taille pourra sans doute augmenter. De quoi réserver de belles possibilités à la BD.

Liens et remerciements



Nous tenons à remercier l'ensemble des auteurs et des personnes qui ont participé à la création de ce dossier, notamment Laurel, Maïa Mazaurette, Zelba, Adrien Floch, Bib's, Thomas Gabison, Émile Bravo et Allison Reber.

Laurel

Son blog
Ses albums
Doodle Grub sur iPhone

Maïa Mazaurette

Son site, sa bio et ses livres
Sexactu.com
Sa page Facebook

Zelba

Son blog
Ses albums

Adrien Floch

Les naufragés d'Ythaq

Bib's

Son blog
Son book
Sa page Facebook

Thomas Gabison

Sa bibliographie chez Acte Sud

Émile Bravo

Son blog
Ses albums

Aquafadas (Allison Reber)

Site officiel
AveComics.com
AveComics sur iPad
Ça ira mieux demain
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